Chaque être a sa destinée propre. Le seul impératif est de la suivre et de l'accepter, où qu'elle mène. Même parmi les Ombres.(adoptez adblock plus pour ne plus être géné par la pub ) |
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Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: En quête d'avenir Sam 2 Avr - 12:29 | |
| Voici le début d'une fanfiction que j'ai commencé à poster sur le site de fanfiction Wattpad. Je la publie également ici. Elle présente quelques liens avec la biographie d'Erya, mais qui sont vraiment infimes. Il n'est même pas nécessaire de l'avoir lu pour comprendre. Voilà, à vous de voir si vous voulez lire ou non. Mais je la poste quand même ^^ : En quête d'Avenir - Chapitre 1, Deux amis:
Les rues du quartier Est de Desrin étaient bondées en cette fin d'après-midi. Les travailleurs s'empressaient de terminer leur travail, les voyageurs et marchands rangeaient le reste de leurs marchandises pour repartir sur les routes, et les enfants couraient dans tous les sens, dans l'espoir de trouver une pièce ou deux, tombées de la poche de quelqu'un au milieu de cette agitation.
Lorsqu'il passait, les gens saluaient chaleureusement Myo par des gestes de la main. Il leur adressait un sourire comme réponse, les bras déjà chargés par de lourds sacs. Le jeune homme aimait ce quartier, où les gens n'étaient pas très riches, voire pauvres, comme l'était sa propre famille. Mais ils avaient une bonté qui le touchait au plus profond de son cœur.
Il traversa les différentes ruelles boueuses et serrées qui constituaient les zones d'habitations de ce quartier, avant de parvenir à sa destination. Franchissant le seuil de l'herboristerie, le son d'une agréable voix familière l'interpella :
-Myo ! Par ici !
Il dirigea son regard en direction d'une pièce adjacente à la zone de vente, une réserve où étaient entreposées toutes sortes d'herbes, de plantes et d'ingrédients, dans de caisses plus ou moins grandes. Dans l'encadrement de la porte, une jolie brune aux yeux verts se tenait accroupie au milieu d'une dizaine de caisses vides.
-Tu tombes bien, on était en rupture de stock ! Tu nous sauve la vie ! S'exclama-t-elle, un grand sourire arborant son long visage fin.
Elle enjamba les caisses, et vint cueillir un à un les sacs avant de les déposer sur le comptoir. Tandis qu'elle sortait les différentes matières premières et ingrédients servant à la préparation de produits médicaux, Myo jeta un coup d'œil parmi les rayons, présentant fioles et préparations, puis dans les chaque coin de la pièce, avant de demander :
-Où est Monsieur Vernon ?
-Il est parti se reposer. A son âge, il ne faut pas en faire trop tu sais... Et souvent, à cet horaire, il n'y a pas grand monde qui vient. A part toi je veux dire. Il me fait confiance pour gérer ces moments tranquilles.
-Je vois.
Il vint s'accouder au comptoir, aux côtés de son amie, Annie.
-Dans ce cas, ça te dérange si je reste un peu ? Proposa-t-il. Je n'ai plus rien à faire aujourd'hui, donc...
-Non, non ! Tu peux rester, au contraire, ça me fait plaisir ! Lança-t-elle avec enthousiasme.
Elle tourna son regard vers lui, et ajouta, d'un ton plus calme :
- Je ne te l'ai pas dit, mais je suis contente de pouvoir compter sur toi chaque jour. Si tu n'étais pas là pour assurer les livraisons, je ne sais pas comment je m'en sortirais ! Il y a tellement de travail ici...
-Oh bah... De toute façon, j'y suis obligé... Dit-il en haussant les épaules.
-Ne joue pas le désintéressé. Le taquina-t-elle. Je sais que cette situation te plaît beaucoup.
Un léger sourire involontaire se dessina sur les lèvres du garçon. Elle faisait évidemment référence au fait qu'ils travaillent pour le même gérant, leur offrant ainsi la possibilité de se croiser souvent.
-Je trouve cela merveilleux. Ajouta-t-elle. Grâce à cette activité, tu n'as pas dérobé la moindre chose depuis un an maintenant.
-Et il me reste encore neuf ans à passer, au cours desquels je transporterai encore ces livraisons. Répondit-il en croisant les bras.
-Mais contrairement à tes anciennes activités, c'est un travail légal et honnête.
-Sauf que je n'y gagne rien.
-Il faut bien rembourser tous ceux que tu auras volés au cours de tes années de criminalité.
Myo poussa un profond soupir. Il n'avait sûrement pas oublié ces personnes en bien meilleur condition que lui, auquel il avait soustrait tel ou tel bijou, bourse ou objet de valeur. Ces personnes qui ne lui avaient jamais pardonné, même lorsque leurs biens leur avaient été rendus par les autorités. Dans les autres quartiers de la ville, ce n'étaient que des regards noirs qui attendaient le jeune homme, et ce depuis bien longtemps.
Ce sujet mentionné raviva à la mémoire de Myo une idée concernant Annie.
-Au fait !
Elle se tourna vers lui.
-J'ai quelque chose à te montrer.
-Quoi ? S'étonna-t-elle en plissant les yeux, curieuse.
-Une surprise. Déclara-t-il. Ce serait possible que tu puisses quitter un peu plus tôt aujourd'hui ?
-Heu... Je sais pas... Hésita-t-elle. Je ne pense pas, il reste beaucoup de travail à faire... Et...
-Allez-y mademoiselle ! Lança la voix de Monsieur Vernon, apparaissant au même moment dans la pièce. Vous l'avez bien mérité !
-Vous êtes sûr Monsieur ? S'inquiéta-t-elle, en l'aidant à se déplacer jusqu'au comptoir.
-Bien sûr. Allez, filez !
Annie le remercia, puis s'élança à l'extérieur de la boutique avec Myo. Les deux jeunes gens parcoururent les différentes parties de la ville, avant d'atteindre ses limites. Le garçon la mena tout droit en direction d'un bois abandonné.
Après une traversée épuisante à travers les ronces, les hautes herbes et les racines, Myo s'immobilisa enfin, devant un épais orme. Il plongea la main dans un creux du tronc, chercha à l'intérieur pendant plusieurs secondes, avant de la ressortir, une chaîne d'argent entre ses doigts. Il la désigna à Annie, qui la reconnut immédiatement. C'était un bijou qui lui avait appartenue, et qu'elle pensait avoir égarée depuis plusieurs années.
-Je te l'avais "prise", peu de temps après ton retour à Desrin. Expliqua-t-il. Ça fait longtemps que je voulais te la rendre, mais j'attendais une occasion spéciale. Maintenant que ça fait un an qu'on travaille ensemble, je me dis que c'est peut-être un bon moment ?
La jeune femme saisit doucement la chaîne, la nettoya du bout de sa manche, puis la porta à son cou.
-J'espère qu'elle n'avait pas de valeur sentimentale à tes yeux. Dit Myo.
-Non... Pas vraiment. Je l'avais achetée parce que je la trouvais jolie... Mais... je peux toujours lui donner une valeur. Lorsque je la porterai à mes yeux, je pourrai ainsi penser à toi. Déclara-t-elle en lui adressant un clin d'œil.
Durant la soirée, ils s'assirent sur une butte de terre, et discutèrent longuement.
-Pourquoi tu me l'as volé ? Finit-elle par demander.
Il baissa honteusement les yeux.
-Je t'en voulais, en fait.
-Pour quoi ?
-Pour être partie pendant dix ans. Puis revenue, comme ça, sans raison.
- J'avais quinze ans. J'avais pas eu mon mot à dire à l'époque.
-Alors pourquoi tu es revenue seule ?
-Parce que je l'avais choisie.
Myo fronça les sourcils, perplexe.
-Je ne comprends pas... Pourquoi avoir quitté Desrin à cette époque ?
-On te l'a peut-être pas expliqué à l'époque, soupira Annie. T'étais très jeune. En fait, on est pas parti par choix. Mon père faisait du banditisme sur la route de l'Est, en direction de Minas Tirith. Un jour, la milice a mis le grappin dessus, puis le chef de la ville nous a exilés. Si je suis revenue il y a deux ans, c'était pour fuir la vie que je menais là-bas, avec mon père.
-Oh... Je suis désolé, je ne savais pas...
Elle tourna la tête vers lui, arborant un air taquin. Elle le bouscula légèrement, et dit :
-T'inquiète pas, va. Ma nouvelle vie, je l'adore. J'apprends plein de trucs avec Monsieur Vernon, dans le domaine de la médecine, de l'alchimie, de l'herboristerie... Ça me permet d'aider les gens dans le besoin.
-J'imagine bien.
-Et toi ? Tu comptes faire quoi ?
-Qu'est-ce que tu veux dire ? Je vais continuer à livrer des sacs de fournitures pendant neuf ans !
-Après. T'as bien des ambitions, non ?
-Pas vraiment. C'est dans longtemps.
-Le temps passe vite, tu sais.
-Pour l'instant, je ne vois pas trop quoi faire de ma vie.
L'écho d'un grand fracas parvint tout à coup à leur oreille, en direction de la ville de Desrin. Ils se redressèrent simultanément, et s'élancèrent en direction de leur demeure, le cœur battant la chamade.
Des cris et une chaleur étouffante les attendaient au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de la ville. Et lorsqu'ils arrivèrent enfin à l'orée du bois, ils distinguèrent avec horreur les habitations du quartier Est en feu.
Annie s'élança en direction de l'herboristerie, mais Myo resta figé. Il pensa immédiatement à ses parents. Son père appartenait à la milice de la ville, et était sûrement plongé au cœur du désastre, tandis que sa mère vivait elle-même au quartier Est.
Après plusieurs secondes qui lui permirent de digérer le choc, il courut en direction de sa maison. Il ne fut pas aisé de passer à travers une foule paniquée, qui fuyait dans la direction opposée à la sienne. Une menace encore effrayante que celle de l'incendie semblait se dresser derrière eux.
Enfin, il arriva en vue de la maison de sa famille. Il redoubla de vitesse, en constatant qu'elle était prise également dans l'incendie. Une fois devant, il cria, hurla le nom de sa mère. Etait-elle encore à l'intérieur ? Si seulement ces flammes n'étaient pas aussi répandues, il se serait jeté à corps perdu à l'intérieur, sans hésiter. Il sentit ses jambes trembler, puis tout son corps. Et soudain, une force démentielle vint le plaquer dos au sol.
Il poussa un cri de douleur, mêlé à de la terreur. Une créature de haute taille, et de stature imposante, se dressait au-dessus de lui. Sa peau, ses traits, ses mains étaient diforme. Le reste de son corps était couvert d'un ensemble d'armures grossières. Il pointait vers sa gorge une épée rouillée.
-Lâche-moi !! Hurla Myo, croyant voir sa dernière heure arriver.
Une lance transperça le dos du monstre, puis le poussa sur la droite. La créature lâcha un dernier souffle, avant de s'écrouler à ses côtés. Le jeune homme jeta un œil sur son sauveur, et reconnut son père, dans son armure de milicien. Un soulagement lui saisit le cœur, et après s'être relevé, il ne put s'empêcher de le prendre dans les bras.
-Ta mère a été mise en sécurité. Déclara-t-il d'un ton très sérieux, dénué d'affection. Suis la foule, et va t'abriter au lieu d'évacuation. Ne discute surtout pas !
Myo s'exécuta sans discuter, et retourna sur ses pas à toute vitesse. Cette créature qui s'en était prise à lui... C'était un Orc. On en parlait beaucoup ces derniers temps. Des troupes constituées de ces monstres s'attaquaient aux villes du royaume du Gondor depuis déjà plusieurs années. Mais dernièrement, on avait pu constater que le nombre d'attaques avait considérablement augmenté, à tel point que de nombreux réfugiés avaient été évacuées vers la capitale du royaume : Minas Tirith.
-Myo !
Il percuta involontairement Annie, puis s'arrêta. L'expression de la jeune femme était méconnaissable. Une froideur, un sérieux, une détermination animait son regard.
-Tu vas bien ? Demanda-t-elle d'une voix presque semblable à celle de son père. Comment va ta mère ?
-Elle est en sécurité. Et Monsieur Vern...
-Il a été tué. Allez viens, il ne faut pas traîner. Ordonna-t-elle en lui saisissant la main, et en s'engageant vers la sortie de la ville.
Myo la suivit, le cœur plein d'inquiétudes quant à la suite des événements. Il fut toutefois surpris de l'attitude très responsable d'Annie. Jamais il n'aurait cru que son amie serait capable d'afficher un tel tempérament dans cette situation, et il fut soulagé de pouvoir compter sur elle.
Mais qu'allait-il advenir par la suite ? Desrin allait tomber aux mains des Orcs, si la milice locale ne parvenait pas à les repousser. Et même si c'était le cas, le temps et les moyens nécessaires pour réparer les dégâts seraient considérables... Le futur s'annonçait bien sombre pour la population de la petite ville du Gondor.
Dernière édition par Yannou le Sam 2 Avr - 12:47, édité 2 fois |
| | | Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Re: En quête d'avenir Sam 2 Avr - 12:33 | |
| - Chapitre 2, Un triste constat:
Les réfugiés avaient été séparés selon leur sexe en deux files distinctes. Un garde de Minas Tirith, leur avait dit que cette opération consistait à les examiner, afin de les envoyer ou non en soins spécialisés. Cette troupe, provenant de la capitale, était arrivée aux premières lueurs de l'aube, et avait immédiatement prise en charge les réfugiés.
Myo jeta un coup d'œil à la file de droite, et repéra très vite Annie, qui n'allait pas tarder à être examinée. Elle finit par disparaître dans la tente dédiée aux femmes, laissant dans son cœur une légère crainte.
Quelques minutes plus tard, ce fut à son tour de passer. Il s'avança à l'intérieur d'une tente, et y fut accueilli par deux médecins, vêtus de blancs, l'emblème de l'arbre du Gondor dessiné sur leur buste. On pouvait trouver dans cette tente une table d'examen en son centre. Sur un petit buffet était posés plusieurs outils. Il en avait déjà vu des semblables dans l'herboristerie de Monsieur Vernon. Au fond de la tente, une mère gravement blessée à l'épaule était conduite, elle et son bébé, hors de l'abri. Il n'eut pas le temps d'en voir plus, l'un des médecins l'apostropha brutalement :
-Venez, asseyez-vous ici. Exigea-t-il en pointant une chaise.
Il s'exécuta, et laissa les deux Gondoriens l'étudier. Il répondit aux questions qu'ils lui posèrent concernant son état, puis enfin fut autorisé à repartir d'où il était venu. Il traversa le campement de fortune. Il était constitué de trop peu de tentes pour accueillir tous les réfugiés. Et il mettait sa main à couper que ces tentes étaient réservées à la garde de Minas Tirith. Il parvint enfin à repérer son amie, assise sur un rocher, le regard toujours aussi sérieux dirigé vers un point fixe. S'asseyant à ses côtés, il l'interrogea :
-Tout s'est bien passé ?
-Oui. Regarde là-bas. La milice de Desrin est de retour.
Myo se releva d'un bond et mit sa main en visière, le soleil couchant projetant une lumière vive dans ses yeux. En effet, les défenseurs locaux étaient de retour, mais en bien piteux état, pour ce qu'il en restait. L'inquiétude envahissant chaque fibre de son corps, il cavala vers les miliciens. Il ne reconnaissait pas son père parmi les premiers visages qu'il distingua. Ni même parmi les autres d'ailleurs. Il parvint finalement devant le capitaine de la milice, qui stoppa sa troupe. Ils se fixèrent tous deux en silence, durant de longues secondes qui parurent une éternité pour le jeune homme. Mais ce silence était sa réponse. Il flancha sur ses genoux, et tomba au sol, le corps secoué de tremblement de rage.
-Non... Il était fort. C'est pas des Orcs qui peuvent... Non...
-Je suis désolé, mon garçon.
Il héla un ordre, et le groupe poursuivit sa route vers le campement, passant aux côtés de Myo, en lui donnant quelques tapes sur le dos au passage. Mais la tristesse du garçon était immense... Et ce fut une bien triste image pour Annie, de le voir ensuite seul, courbé, fixant le sol, comme un être miséreux. Elle s'approcha, et vint enserrer ses bras autour de ses épaules, avant de lui chuchoter à l'oreille.
-Ca va passer... Je suis là. Pour l'instant, il faut que tu prennes soin de ta mère...
Le jeune homme hocha doucement la tête.
-Allez, lève-toi...
Elle lui prit doucement les mains, et l'aida à se redresser.
-Est-ce que tu as vu ma mère ? Demanda-t-il d'une voix faible.
-Oui, ne t'inquiète pas. Elle a été conduite autre part, avec les autres blessés.
-Quoi ? Elle était blessée ? S'écria-t-il en écarquillant les yeux.
-Une lésion à la cheville, mais ne panique pas, ils vont la soigner.
-Je veux la voir !
-Myo !
Elle posa ses deux mains sur ses joues, l'obligeant à la regarder dans les yeux.
-Il faut que tu gardes ton sang-froid. Je comprends que toutes ces horreurs s'enchaînant si rapidement, ça peut être très déstabilisant, mais il faut que tu restes calme. C'est la meilleure chose à faire. On fait rarement les bonnes décisions à chaud, comme ça... Viens, on va se reposer, et on verra ce que demain a à nous offrir.
Le jeune homme obtempéra. Annie le guida ensuite vers un coin reculé du campement, près d'un feu de camp. Un garde de Minas Tirith vint leur apporter un sac de vivres, et une couverture pour la nuit.
-Excusez-moi. L'interpella Annie.
-Oui ?
-Est-ce que je pourrai savoir ce que vous comptez faire de nous ?
-Nous comptons vous mener à la capitale Minas Tirith, dès que nous en auront le signal.
-Le signal ? Pourquoi ne pas nous y mener dès demain ?
-C'est comme ça, je n'ai pas à discuter des ordres de mes supérieurs.
Annie fronça les sourcils. Voilà des ordres bien étranges...
-Et les gens qui ont été envoyés pour être soigner. Ils vont bien être pris en charge ? La mère de ce jeune homme en fait partie, alors vous comprenez, je me fais du souci...
-Oui, je comprends mademoiselle. Ne vous posez pas de questions, tout va bien se passer.
La fille le salua d'un hochement de tête, avant de le voir repartir auprès de sa troupe. Cette dernière se divisait stratégiquement autour de la zone de refuge, offrant une protection assurée contre les menaces présentes aux alentours.
Elle se tourna vers Myo. Son regard était perdu dans le vide. Elle ne savait pas comment procéder pour le réconforter... Que fallait-il faire lorsque quelqu'un avait perdu un proche ? Lorsqu'elle avait perdu sa mère quelques années plus tôt, personne n'avait été là pour la consoler, pas même son père.
Ainsi, elle choisit le silence. Elle le fit doucement s'allonger dans la couverture, puis lui fit boire le contenu d'un flacon sans qu'il ne rechigne.
-Ça t'aidera à dormir, avait-elle dit.
Au fur et à mesure que les minutes passaient, il sombra plus profondément dans le sommeil. Tout autour, il n'y avait que lamentations, pleurs et plaintes. De nombreuses femmes avaient sûrement perdues leur mari, leur fils, leur père, faisant parti de la milice. La tristesse s'était abattue dans ce pauvre camp de réfugié.
Annie resta pensive. Elle n'en avait pas fait part à son ami, mais elle ne se sentait pas à son aise en ce lieu. Quelque chose clochait. Pourquoi les blessés étaient-ils amenés dans une zone éloignée ? Pourquoi n'étaient-ils pas soignés directement ici ? Et étrangement, ce n'était pas uniquement les blessés qui étaient évacuées. Elle avait bien observé lorsqu'elle se trouvait dans la file : les vieillards, les nouveau-nés et les infirmes faisaient systématiquement partis du voyage, même s'ils n'avaient subis aucune violence. Et cette histoire d'attente d'ordre d'évacuation était également troublante.
Peut-être y avait-il des raisons tout à fait valables à cela, mais il fallait qu'elle réponde à ses craintes. D'un moyen ou un autre.
Au milieu de la nuit, Annie était toujours éveillée. Un silence régnait sur le campement, seulement troublés par les chuchotements lointains des gardes. Elle choisit ce moment pour passer à l'action. Discrètement, elle enjamba les différentes personnes endormies un peu partout dans le campement, avant d'arriver aux dernières tentes. Elle se dissimula derrière un épais rocher, et jeta un coup d'œil en direction d'un garde, isolé des autres.
Il semblait concentré sur sa tâche, et fixait sans arrêt les plaines entourant la ville reculée de Desrin. Une proie idéale. Il était temps d'appliquer les leçons que son père lui avait enseigné. Plongeant la main dans sa sacoche, elle en sortit un produit dans un flacon ainsi qu'une serviette. Elle enduisit le tissu du produit, rangea le flocon, puis s'approcha lentement du garde. Sans qu'il ne s'y attende, elle plaça brutalement la serviette par-dessus son nez et sa bouche. Il tomba dans les pommes, comme prévu. Un sourire de satisfaction se dessina sur les lèvres d'Annie, tandis qu'elle traînait le corps de l'homme jusqu'à une tente vide.
A l'intérieur, elle ôta son équipement lourd, jusqu'à ce qu'il ne soit plus que vêtu d'un pantalon. Ensuite, elle saisit une chaise, et une corde présente parmi le matériel entreposées et l'y attacha solidement, avant de prendre place face à lui, sur une autre chaise. Elle s'empara d'un petit couteau, qu'elle utilisait habituellement pour couper des ingrédients lors de sa préparation, et attendit.
Environ une heure plus tard, l'homme battit des yeux. Annie plaça le bout de sa lame sur son cœur.
-C'est quoi votre nom ? Demanda-t-elle. Ce sera plus pratique à savoir, si on parle longtemps.
Il leva lentement la tête sur elle, et afficha un air terrifié.
-Votre nom. Insista-t-elle en exerçant une pression sur sa peau.
-T-Tirlin. Balbutia-t-il.
-Très bien Tirlin. J'ai des questions à te poser. J'aimerai que tu me répondes en toute honnêteté. Est-ce que tu peux faire ça ?
-Oui, comme vous voudrez...
-Où sont amenés les blessés ? Pourquoi ne sont-ils pas soignés ici ?
Le garde déglutit, et tremblait de tout son corps.
-Je... Je ne peux pas répondre à cela.
-Je ne veux pas insister.
Il se mordit les lèvres.
-Très bien. Désolé Tirlin.
Elle s'emparant d'un chiffon à l'intérieur de sa sacoche, et la fourra dans la bouche du garde. Puis, elle enfonça progressivement la lame de son couteau dans son avant-bras droit. L'homme essayait de hurler, mais son bâillon atténuait considérablement le son. Il ferma les yeux, et se débattit comme une furie.
-Je suis navrée... Murmura Annie, au bord des larmes.
La jeune femme n'appréciait pas du tout ce qu'elle faisait, et le sang coulant de l'entaille lui donnait une horrible nausée. Mais la réaction du garde avait confirmé ses soupçons, et ces hommes avaient quelque chose à cacher. Elle continua donc sa torture durant une dizaine de secondes. Puis elle replaça son couteau face au cœur de son opposant, et retira le bâillon de sa bouche. Il versa des larmes silencieuses, et garda la tête baissée.
-Qu'est-ce que vous me voulez... Gémit-il.
-Savoir où sont amenés les blessés.
-Pitié... Je n'ai pas le droit de divulguer cette information...
-Tirlin... Je vais continuer jusqu'à ce que tu me livres cette information... Dis-moi tout maintenant. Pourquoi souffrir encore, si au final, le résultat est identique ?
-Pitié... Je vous en prie... Faîtes-nous confiance... Vous êtes en train de gâcher vos chances. Si mes amis découvrent ce que vous avez fait, ce sera trop tard... Je vous laisse une chance... Libérez-moi, et je ne dirai rien de ce qu'il vient de se passer... Je le promets...
-Tu n'es pas en position de force. Ce n'est pas toi qui négocie.
Elle réitéra son action précédente, en saignant cette fois l'avant-bras gauche. Sa volonté l'emportait sur sa conscience, et Annie était décidée à continuer jusqu'à ce qu'elle ait une réponse suffisante.
-Très bien... Je vais tout vous dire... Je vous en prie, arrêtez... Pleura-t-il lorsqu'il fut de nouveau libre de parler.
-Parfait. Je suis heureuse que l'on trouve ce terrain d'entente.
-Hum...
-Alors ? Où sont soignés ceux que vous évacuez ?
-Ils ne sont pas soignés.
Elle fronça les sourcils.
-Comment ça ? Poursuis !
-Comprenez... On a pas assez de ressources à Minas Tirith... Sanglota Tirlin. Pas assez de nourritures pour suffire à tous les réfugiés qui arrivent chaque jour. On est obligé... De minimiser le nombre de nouveaux arrivants.
Un frisson parcourut le corps d'Annie. Elle n'aimait pas du tout la tournure que prenaient les propos de ce garde.
-Les gens que vous avez évacués... Ils n'iront jamais à Minas Tirith. Comprit la jeune femme.
-Oui. Les blessés, les vieux, les bébés, les estropiés... C'est un frein pour nous. On doit s'en débarrasser.
Elle n'avait même pas envie de savoir de quelle façon. Elle était sidérée ! Comment le Gondor pouvait-il être dans un tel état de misère, pour supprimer ainsi une part de sa population ?
-Les cultures sont saccagées, brûlées par les armées Orcs... On parvient même pas à nourrir tous ceux qu'on a accueilli jusqu'ici... Mettez-vous à notre place... C'est la guerre !
-Tu cautionnes ça ?! S'énerva-t-elle.
-Je suis qu'un simple garde. Je n'ai pas à contester mes ordres.
-C'est de la folie... Je suis dans un rêve... Tout ceci n'est qu'un rêve.
-Je répète ce que j'ai dit... Je peux garder secret ce qu'il vient de se passer... Libérez-moi, s'il vous plaît...
Annie posa son couteau sur la gorge de Tirlin, un regard noir pointé sur lui.
-Tu crois sûrement pas que je vais rester avec vous ! Si la garde de Minas Tirith est aussi horrible que tu sembles le décrire, je ne vais pas attendre d'être la prochaine à mourir « par nécessité » !
-Qu'est-ce que vous pensez... Tous ces ordres viennent de l'Intendant de Minas Tirith lui-même !
Elle n'en croyait pas ses oreilles... L'Intendant lui-même, gouvernant l'ensemble du royaume du Gondor, condamnait ses sujets ! Mais dans quel monde vivait-elle ?
-Libérez-moi... Commença Tirlin.
-Tais-toi ! Rugit Annie, en lui enfonçant le chiffon dans la bouche.
Elle se leva, furieuse, et quitta la tente, laissant ainsi sa victime. Elle ne perdit pas la moindre seconde, et se glissa jusqu'à Myo, ronflant dans sa couverture. Elle posa une main sur son épaule, et le secoua.
-Hum... Gémit-il.
-Réveille-toi !
Il ouvrit des yeux inquiets, en entendant son ton autoritaire mêlé à de l'inquiétude. Il jeta des coups d'œil tout autour du campement, mais ne remarqua pas la moindre attaque d'Orcs.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda-t-il.
-On doit partir.
-Partir ? S'étonna le jeune homme. Mais pourquoi ?
-On en est pas en sécurité avec ces gens. Allez, lève-toi, on y va.
-Mais de quoi tu parles, explique toi !
-Fais-moi confiance... Myo !
-Non. Le garde nous a dit qu'on nous amènerait à Minas Tirith ! Pourquoi on partirait, alors qu'on est censé prendre soin de nous là-bas ?
-Tu ne sais pas ce qui nous y attend !
Le garçon croisa les bras.
-Je veux que tu m'expliques ton comportement, sinon, tu pars toute seule, et je reste ici.
Annie poussa un soupir d'exaspération. Tout à coup, des voix aux intonations colériques s'élevèrent en direction de la tente, où elle avait interrogé le garde Tirlin. Les soldats de Minas Tirith se divisèrent à travers la population, et exigea à ce qu'elle se lève, et se regroupe. Elle se retourna vers Myo, et croisa son regard accusateur.
-Qu'est-ce que tu as fait ? Lui demanda-t-il sur un ton de reproche.
-Ce qu'il fallait faire. Répondit-elle avec désolément.
-C'est-à-dire ?
-Je te raconterai tout une fois que l'on sera à l'abri ! Partons d'ici !
Myo hocha négativement de la tête. Il était trop tard. Les gardes étaient éparpillés partout, et menaçaient de leurs armes les réfugiés. Ils furent tous regroupés dans un coin du campement. Levant les mains en l'air, ils gémissaient et suppliaient les gardes de les laisser en vie. Annie, dissimulée avec Myo dans la foule, jeta un coup d'œil à son environnement, et nota qu'ils étaient regroupés près d'une mare. Elle introduisit sa main dans sa besace.
Les gardes encerclèrent les habitants de Desrin, et un des hommes de Minas Tirith se distingua, en hélant à leur attention :
-Nous avons retrouvé l'un de nos frères d'armes gravement blessé, attaché et bâillonné dans une tente. Nous savons que l'un d'entre vous est le coupable. Il s'agit d'après ses dires d'une jeune femme, brune, avec une sacoche accrochée à la taille. Qu'elle se dévoile, ou nous devrons agir par la force.
-Qu'est-ce que tu as fait Annie... Lui murmura Myo.
-C'est grâce à lui que je sais ce qu'il se passe réellement ici...
-Tu lui as fait du mal, alors qu'ils prennent soin de nous.
-Je t'en prie, tu n'es pas prêt à écouter ce que j'ai à te dire pour l'instant.
-Mais qu'est-ce qui te pousse à vouloir partir ?
-Ils ont tué ta mère, idiot ! S'écria-t-elle avec colère.
Un garde la repéra, et la pointa du doigt. Mais elle fut la première à réagir. Sortant la main de son sac, elle jeta dans la mare une grosse poignée d'herbe, dégageant une épaisse fumée qui se répandit dans toute la foule.
Aveuglé par l'action de son amie, Myo n'eut d'autre choix que de se laisser guider, lorsque cette dernière lui saisit la main et le tira dans une direction inconnue. Mais les mots d'Annie résonnaient dans sa tête. Etait-ce un mensonge, ou sa mère était-elle réellement morte ? Il avait bien hâte de pouvoir enfin s'expliquer avec elle, mais pour l'instant, tous deux devaient s'enfuir au milieu de cette nuit noire.
- Chapitre 3, Des explications bienvenues:
Tous deux coururent sur une longue distance, sans s'arrêter et sans dire un mot. Ils dévalèrent une longue pente et entamèrent la traversée d'une plaine, jusqu'à ce que les premiers rayons du soleil apparaissent à l'Est.
Les vêtements trempés par la sueur, la respiration accélérée, les jambes meurtries, cette course fut l'une des actions les plus intenses de leur vie. Myo ne comprenait toujours pas la réaction de son amie, mais la suivait tout de même, afin de connaître la fin de mot de l'histoire concernant sa mère. Quant à Annie, elle savait que cette éprouvante traversée du royaume les éloignerait assurément de dangers certains : les Orcs, et la garde de Minas Tirith qui en avait désormais après eux. Mais elle fut la première à être à bout de force. Elle s'arrêta, et, tout en posant ses mains sur ses cuisses, se courba pour reprendre son souffle.
-Je pense qu'on est suffisamment loin de ce campement. Indiqua le garçon en s'épongeant le front avec ses vêtements. Maintenant, je veux sav...
-On pourrait pas trouver un coin d'eau avant ? Je suis désolée, mais j'ai vraiment besoin de m'hydrater...
Myo soupira. Il étudia les environs : au loin de dessinaient plusieurs forêts, et à l'opposé, des falaises, où coulait une rivière.
-Dans cette direction. Dit-il.
Dans un dernier effort, ils parcoururent la dernière distance les séparant de ces falaises, avant d'entreprendre une courte escalade, avant de parvenir enfin devant le cours d'eau. Les deux jeunes personnes bondirent à la surface de l'eau, et s'y abreuvèrent durant de longues minutes.
-Elle est fraîche... S'émerveilla Annie.
Elle se redressa, et réfléchit durant quelques instants en fixant la surface de l'eau. Lorsque Myo tourna les yeux dans sa direction, elle déclara :
-Je vais me laver. Tourne-toi.
-Me tourner ? Mais pourquoi ?
-Simple règle de pudeur, je pense que c'est évident non ? S'étonna-t-elle.
-Ca va... On se baignait ensemble quand on était petits.
-Justement, on était petits ! Maintenant, nous sommes adultes, alors tourne-toi !
-Très bien ! S'exaspéra le jeune homme en lui tournant le dos, et en croisant les bras.
Il patienta durant plusieurs secondes, avant d'entendre un "plouf". Il songea alors à sa propre hygiène, et constata qu'il était peut-être envisageable qu'il se purifie également.
-Bon, à ton tour de te tourner ! S'exclama-t-il.
Il ôta ses vêtements, qu'il déposa sur une pierre plate, afin que le soleil, désormais bien visible dans le ciel, puisse les sécher. Puis il plongea dans l'eau. Elle était glaciale, ce qui lui arracha un cri de surprise.
-Annie ? L'appela-t-il.
Il recula à l'aveuglette, et se cogna contre le dos de son amie.
-Je suis là. Dit-elle.
Ils restèrent dans cette position, songeurs, profitant de ce moment de tranquillité pour se remémorer les événements de la nuit.
-Comment se fait-il que ton comportement ait changé du jour au lendemain ? Demanda Myo d'une voix impatiente.
-Je n'ai pas changée...
-Vraiment ? L'amie d'enfance que j'ai connue n'aurait jamais torturé un pauvre garde comme tu l'as fait ! L'apprentie herboriste non plus !
-Je l'aurai fait, détrompe-toi. Tu ne me connais pas si bien que cela.
-Vas-tu m'expliquer clairement la situation ?! Explosa-t-il finalement se retournant vers elle.
Annie baissa la tête, gardant le dos tourné vers Myo.
-Par où commencer... Murmura-t-elle. Il y a tant à dire...
-J'ai tout mon temps, maintenant que nous sommes suffisamment éloigné du camp de réfugiés. Dit sèchement le jeune homme.
-Très bien.
La fille se décida alors à tout lui raconter. Elle relata son départ pour Disrin pour se rendre dans un royaume voisin à celui du Gondor : le Rohan. Là-bas, son père avait commencé son apprentissage. Il lui avait enseigné les ficelles du banditisme, et avait fait d'elle une femme téméraire et suffisamment égoïste pour garantir sa propre vie.
-« N'oublie pas, le plus important dans la vie, c'est toi. Récita-t-elle en faisant références au conseil de son père. Pour te garder saine et sauve, n'aie aucune pitié, ne recule devant rien, et surtout, ne regrette aucune de tes actions. »
Elle mentionna ensuite le décès de sa mère, prise par la maladie, et l'immense chagrin de son père, qui l'avaient poussés à quitter cette vie à vingt-ans, pour retourner dans son village natal.
-Depuis mon retour à Desrin, j'étais prête à tout. Expliqua-t-elle. Tu ne l'as pas remarqué, étant donné que jusqu'alors, aucune menace ne s'était profilée à l'horizon. Je suis donc restée amicale, gentille et souriante, mais au fond de moi, les leçons de mon père me tenaient encore en haleine. Et je me rends compte qu'elles se sont avérées payantes.
-Ton père t'as appris à torturer les gens ? Cracha Myo.
-Non. Mon père m'a appris à être impitoyable. Arrête de me juger ainsi ! Si je ne lui avais pas fait du mal, il n'aurait jamais craché le morceau.
-Morceau dont tu ne m'as pas fait part d'ailleurs.
-Les blessés parmi les réfugiés ne sont pas envoyés en soins spécialisés... Expliqua-t-elle, en appréhendant la réaction de son ami. Ils sont... tués, car ils représentent une entrave à la victoire, aux yeux de l'armée gondorienne.
Le jeune homme écarquilla de grands yeux.
-C'est... C'est insensé ! On ne tue pas les gens comme ça ! En quoi représentaient-ils une entrave ?!
Annie lui fit part du problème concernant la rationalisation des vivres dans la capitale, et la difficulté qu'éprouvaient les forces militaires à nourrir toute la population.
-Ces sacrifiés sont en quelque sorte des dommages collatéraux à leurs yeux... Je suis désolée, Myo, mais ta mère... Ne fait sûrement plus partie de ce monde.
Le garçon chancela. Son amie se décida alors à se retourner face à lui, et le maintint debout.
-Non... Non... C'est... Cauchemar... Non... Murmurait-il, le regard baissé sur les remous de l'eau.
-Myo...
-Lâche-moi ! Hurla-t-il tout à coup en la repoussant. Garce ! Sorcière ! Connasse !
Les poings serrés, il sortit de l'eau, et s'éloigna, loin de la rivière, en prenant en passage ses vêtements secs d'un mouvement vif du bras.
Annie resta un moment seule dans la rivière. Elle se faisait beaucoup de soucis pour ce nouvel orphelin. Allait-il être suffisamment saint d'esprit dans les jours qui viennent, suite à la mort brutale de ses deux parents ? Il leur fallait préparer un plan, et très vite l'appliquer, pour ne pas se retrouver dans une situation désespérée. Faire face aux Orcs saccageant actuellement le royaume, et mourir de faim, de froid ou de soif étaient, de loin, des situations qui pouvaient s'avérer réelles.
Une demi-heure plus tard, lorsqu'elle jugea que la colère du jeune homme s'était sûrement apaisée, elle partit à sa recherche. Elle le retrouva allongé sur un petit coin herbeux parmi tous les rochers de la falaise. Il fixait le ciel.
Sur ses gardes, elle s'avança.
-Va-t'en. Lui jeta-t-il d'un ton neutre, sans même lui adresser un coup d'œil.
-Je comprends que tu aies besoin de solitude pour faire ton deuil, commença-t-elle d'une voix avenante et calme, mais nous avons besoin d'un objectif, d'une destination. Il faut qu'on prenne cette décision ensemble.
-Oh, maintenant on prend ces décisions à deux ? C'est nouveau ? Je ne me rappelle pas que tu m'aies demandé mon avis, lorsque tu es parti mettre en place ton petit plan la nuit dernière.
-Voyons, Myo...
-Je m'en fiche de ton objectif. La coupa-t-il. Laisse-moi tranquille.
Légèrement irritée, elle s'approcha, jusqu'à se retrouver au-dessus de lui. Elle posa ses mains sur ses hanches, et le confronta du regard.
-Je ne joue pas ! Si tu veux mourir de faim, libre à toi. Manque de bol, t'es avec moi. Et je ne vais certainement attendre que l'on soit affaibli avant d'agir. Allez, lève-toi...
-Tu me laisses tranquille. Ordonna Myo.
-Comment tu crois me parler, exactement ? S'écria-t-elle. Bordel, si je fais ça, c'est pour nous ! Arrête de me cracher dessus !
-C'est facile pour toi. Je viens de perdre toute ma famille, toi, rien ne te retenait à Desrin. Quitter cette vie, c'est une épreuve beaucoup moins extrême pour toi, t'y est habituée non ?
C'en était trop.
-Tu sais où tu peux te le mettre ton avis ?! Explosa-t-elle. Je dois te rappeler que j'ai perdu ma mère moi aussi ?! Tu crois que ça m'a rien fait ? Après avoir tout tenté pour la soigner, c'était une grosse déception pour mon père et moi. Et ne viens pas de traiter comme une moins que rien ! J'appréciais cette ville où j'ai grandie au moins autant que toi ! J'aimais chaque habitant du Quartier Est, tout comme toi ! J'éprouvai une grande affection pour Monsieur Vernon ! Et... Et... Tu sais quoi... ? Vas-y, crève, laisse-moi seule si c'est ce que tu veux.
Elle ôta brutalement la chaîne d'argent autour de son cou, et la jeta au visage de Myo, avant de s'éloigner en direction de la rivière.
Le garçon se sentit plutôt humilié par l'acte d'Annie. Il s'empara de la chaîne, la porta au-dessus de ses yeux, et l'examina durant de longues minutes. Un flot d'émotions se bousculaient en lui. La mélancolie, la peur et surtout la colère. Les heures passèrent, et en définitive, la fatigue vint l'emporter sur ce bouillonnement de sentiments néfastes. Sa fuite l'avait grandement vidé de ses forces, et ses muscles étaient tétanisés par la douleur. Il finit enfin par s'endormir, aux alentours de midi.
Il se réveilla bien longtemps plus tard. La nuit était déjà tombée, et la lune était déjà haute dans le ciel étoilé. Irrémédiablement, une affreuse sensation de solitude s'emparait de lui. Il se surprit à espérer qu'Annie ne soit pas partie sans lui. Afin de penser à autre chose, il se décida à marcher un peu. Son visage de crispa de douleur lorsqu'il se redressa. Il avait encore un bon nombre de courbatures.
Lentement, il s'avança parmi les hauteurs des falaises, et fixa les étoiles, en songeant à ses parents. Pour la première fois, il se demanda ce que ses parents voudraient pour lui en ce moment. Il sortit la chaîne d'Annie rangée dans sa poche, et porta à nouveau le regard dessus.
Elle avait raison.
S'il avait su où avait été conduit les blessés parmi les réfugiés, il se serait sûrement élancé sur les traces de sa mère, dans l'espoir de la sauver. Mais ne sachant pas cette information, il devait se résigner à la perte de la première femme de sa vie... Quelle affreuse condition.
Il fallait donc qu'il trouve une solution pour remédier à sa situation. Mettre en place son avenir, et se trouver une place dans la future société. Partir à Minas Tirith ne faisait évidemment plus parti de ses plans. Rien d'avantageux pour lui ne l'y attendait : il risquait d'y souffrir de mauvais traitements et de malnutrition. Annie n'avait-elle pas mentionnée le Rohan ? Peut-être pourraient-ils se rendre dans ce royaume, situé à l'Ouest du Gondor, et y construire une nouvelle vie ?
Il ferma les yeux quelques instants, profitant du vent printanier caressant ses longs cheveux blonds. Quel calme...
Dorénavant, il était important qu'il se fasse pardonner par son amie, si tant qu'elle soit restée dans les parages... Il fut soulagé, lorsqu'il repéra une faible fumée noire s'élever en direction de la rivière. Il s'y rendit, et trouva Annie, assise devant un feu de camp. Il s'approcha discrètement derrière elle, et, doucement, passa sa chaîne autour de son cou. La jeune femme n'eut pas la réaction espérée.
Elle se releva en un bon, se tourna, et pointa vers lui son petit couteau d'alchimie. Myo leva les mains en l'air.
-Oh, c'est toi... Souffla-t-elle.
Ses épaules se détendirent, et elle rangea son arme.
-Tu t'es décidée à ne plus me cracher ton malheur au visage ? S'exclama-t-elle avec sarcasme.
-Oui... Je... Je sais bien que ma conduite peut-être difficilement excusable.
-Oh, ça va... On va pas passer trois ans à ressasser ce genre d'histoire, j'ai passé l'âge. Lâcha Annie en se rasseyant face au feu. Tu as changé d'attitude, et tu sembles dans un meilleur état, c'est le principal. Viens, assis-toi près du feu, tu grelottes...
Myo s'exécuta, touché par l'attitude d'Annie à son égard d'Annie. Il remarqua alors le poisson en train de cuire à la broche au-dessus du feu, et eut beaucoup de mal à le quitter des yeux.
-Prends-en si tu as faim. L'encouragea-t-elle en décrochant la broche.
-Mais ta part ?
-J'en ai déjà mangé un. Vas-y, avec les doigts. Ce n'est pas trop chaud.
Elle plaça la broche dans sa main, et l'appuya d'un regard insistant.
-Merci. Chuchota-t-il.
Le jeune homme goûta la chair cuite, mais très vite, sa faim l'emporta sur sa réticence, et il dévora sans pitié l'animal, sous le sourire satisfait d'Annie.
-Ce qu'il s'est passé ne doit pas se reproduire, déclara-t-elle. On ne doit plus agir de cette façon l'un envers l'autre. Désormais, il n'y a plus que toi et moi. Nous devons rester soudés, confiants et ne plus se tirer dans les pattes. Tu sais de quoi je suis capable désormais. Il n'y a plus de secrets entre nous. Est-ce que tu es d'accord pour repartir sur de bonnes bases avec moi ?
-Bien sûr.
Elle lui tendit la main, qu'il serra fermement.
-Amis ? Osa-t-il.
-Amis, répondit-elle avec un sourire.
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| Sujet: Re: En quête d'avenir Sam 2 Avr - 12:37 | |
| - Chapitre 4, Kevlan:
Annie plongea l'une de ses fioles vides dans le cours d'eau, avant de l'apporter à Myo. Il la saisit, en lui adressant un léger sourire, puis but avec satisfaction. Elle se pencha vers le schéma qu'avait produit le jeune homme sur le sol rocheux, en y posant des pierres de différentes couleurs trouvées dans la rivière. Tout en lui rendant la fiole, il désigna une grosse pierre blanche, et dit :
-Donc, cette pierre-là désigne Minas Tirith.
-L'endroit où nous n'allons pas. Indiqua-t-elle en haussant nonchalamment les épaules. Pourquoi l'avoir rajouté ?
-Pour que tu puisses te repérer. Après tout, c'est toi qui m'as demandé de te schématiser le Gondor. Comment veux-tu que je le fasse sans indiquer sa capitale ?
-Oui, bon tu as raison ! Abrège ! Quelle est notre destination ?
-Là, dit-il en pointant un galet marron. Kevlan, c'est une petite ville, presque un village, qui sert surtout de carrefour commercial. On pourrait y trouver tout ce dont on a besoin pour notre voyage pour le Rohan.
-Parfait. C'est à combien de temps de route de là où nous sommes ?
-Je vais pas être précis, mais pas plus d'une journée, je pense.
-Très bien. Allez, en route ! S'exclama-t-elle en se redressant, et en s'étirant.
-Attend. Avant je voulais juste...
Il plongea sa main dans sa poche, et en sortit la chaîne d'argent. Annie baissa les yeux dessus, mais ne dit rien.
-Je voulais savoir si tu voulais la reprendre.
Elle hésita durant quelques seconde. L'altercation de la veille l'avait beaucoup marquée, mais après tout, elle l'avait pardonné. Elle finit par acquiescer, et la recueillit dans la paume dans sa main.
-Elle est cassée. Remarqua-t-elle, en constatant que son acte brutal de la veille avait brisé un des maillons de la chaîne.
-On pourra la faire réparer à Kevlan, si on tombe sur un bon artisan. L'encouragea-t-il en refermant la main d'Annie sur son bijou.
-Hum... Espérons. Bon ! S'écria-t-elle tout d'un coup. On y va ?
Ils entreprirent la descente des falaises, avec prudence, avant de démarrer la traversée de la plaine menée par Myo, en direction de l'Ouest. L'ambiance du voyage fut beaucoup détendue que la veille. Le jeune homme se confia sur ses parents avec un calme étonnant. Il déclara qu'il était heureux de les avoir quittés en bon terme. Il avait eu la chance de serrer son père dans ses bras lors de leur dernier moment passé ensemble. Et sa mère lui avait confié, la veille du siège de Disrin, qu'elle avait été fière de son changement de conduite durant cette dernière année, tout comme l'avait été Annie. Cette dernière le laissait parler, et ne répondait que très peu à ses propos. Mais extérioriser tout ce qu'il contenait dans son cœur lui faisait un bien fou.
-Même si mon père ne démontrait pas souvent ses sentiments, on sentait qu'il nous aimait beaucoup, ma mère et moi. C'était quelqu'un de discret, mais de vrai. Et ma mère... Avait toujours cru en moi. Même lors de mes nombreuses années de délinquance, elle ne m'a jamais jetée, jamais abandonnée, et a continuée à croire que je reviendrai sur le bon chemin. Désormais, ils reposent en paix, tous les deux, et veillent sûrement sur moi.
Annie glissa sa main dans celle du jeune homme, et la serra légèrement, pour lui apporter du soutien. Il tourna son regard vers elle, et lui adressa un léger sourire de gratitude.
-Si un jour, j'ai une femme, j'aimerais avoir le même genre de relation qu'avait mes parents... Dit-il, d'un air songeur. Simple, sans prise de tête et empli de sentiments passionnels.
La jeune femme ressentit un étrange pincement au cœur. Le propos de son ami l'avait bizarrement mise mal à l'aise. Par instinct, elle resserra la main qu'elle tenait. Ce geste n'échappa pas à Myo, mais il n'eut pas le temps de réagir, car ils venaient d'arriver en vue de leur destination.
-Voilà... Kvelan. Déclara-t-il, perplexe.
Sur plusieurs centaines de mètres se dévoilait une petite bourgade, traversée par un fleuve, et située sur un grand carrefour. Un parfait silence régnait sur cette ville marchande, ce qui ne correspondait aucunement aux souvenirs qu'avait Myo de cet endroit.
-Quelque chose cloche. Indiqua-t-il, en accélérant sa cadence.
-Attend ! lança-t-elle en lui retenant le poignet. On va pas s'y jeter tête baissée. Souviens de Disrin. Nous sommes deux, nous ne sommes pas des combattants et nous n'avons aucun moyen de nous défendre. J'ai besoin d'en dire plus ?
-Non, approuva le garçon. J'ai compris.
-Soyons prudents, et ne faisons rien d'idiots.
Une fois parvenu aux portes de la ville, ils redoublèrent donc de vigilance. Une odeur vomitive parvint à leur nez, et plusieurs mouches tournoyaient dans plusieurs coins de la rue. Ils traversèrent une allée pavée, qui dans les souvenirs de Myo, était un endroit animé. Son père l'avait emmené à Kevlan lors du jour de ses dix ans. Ça avait été une merveilleuse journée. A cette époque, cette allée avait été témoin d'une animation débordante, avec un nombre incalculable de charrettes et de voitures tirées par des chevaux.
Ils prirent un virage à droite qui était censé les mener à la grande place marchande, et tombèrent des nues. Sur cette place reposait des dizaines de squelettes et de cadavres en putréfactions. Des mouches tournoyaient en masse autour de ce triste spectacle. Du sang séché couvraient la plupart des dalles de ce lieu. Les corps étaient disposés anarchiquement, faisant penser que ces pauvres personnes avaient dû être massacrées dans leur fuite. Les armes disséminées ci et là ne faisaient que prouver cette idée. Il saisit une épée, et l'examina. Elle paraissait « non terminée ». Son père lui avait souvent montré ses armes, et par rapport à ces dernières, cette épée semblait de maigre facture...
Annie se pencha quant à elle sur le cadavre d'une personne qui devait avoir son âge. Son état ne laissait aucun doute sur la période de sa mort : elle était décédée depuis bien longtemps.
-Ce sont forcément des Orcs... Annonça Myo en jetant l'épée au sol.
-En tous cas, ces créatures ne risquent pas de traîner encore dans les parages. Cette boucherie a eu lieu il y a pas mal de temps déjà. Peut-être il y a plusieurs mois.
-La gloire du Gondor s'amenuit de plus en plus...
-Ce n'est qu'un début à mon avis. Souffla la jeune femme.
Lorsqu'ils avaient décidés de se rendre au Rohan, et plus précisément là où elle séjournée pendant dix ans, elle avait éprouvé de nombreuses réticenses. Mais ce triste spectacle finit de la convaincre que le royaume du Gondor n'était désormais plus un endroit sûr.
-Ne restons pas une minute de plus ici. Se désola Myo. Cherchons ce que nous sommes venus chercher, et partons.
Après une heure de recherche, parmi des lieux tout aussi attristants au cœur de la ville, ils finirent par trouver une échoppe près du fleuve, dont l'enseigne présentait « Au petit batelier : matériels et provisions ».
-On s'en va pas sur l'eau, mais ça peut toujours être utile. Dit Myo en poussant la porte de la boutique.
L'entrée présentait déjà une horreur sans nom. Le propriétaire des lieux était embroché sur un pic, derrière son comptoir. C'en était trop pour le jeune homme, qui vomit sur le seuil. Annie entra à son tour, et sursauta à la vue de cette monstruosité.
-Heureusement que chez nous, l'alarme a été donnée à temps. On dirait qu'ils ont tous été surpris, ici... Murmura-t-elle.
-Allons voir dans la réserve, décida le garçon en reprenant son souffle.
Ils passèrent à côté du cadavre du pauvre homme, leur soulevant un haut-le-cœur au passage, et s'engagèrent dans l'arrière-boutique, où se trouvaient toutes les fournitures dont ils avaient besoin. Sacs à dos, gourdes, nourriture conservable, couvertures, torches, petite tente, carte du royaume, cordelette, tasses, allumettes... Ils s'autorisèrent même à prendre chacun une tenue de batelier.
-Il faudrait que je trouve un endroit où trouver les principaux ingrédients ou produits pour mes préparations. Déclara Annie en regardant à l'intérieur de sa sacoche. Avec tous ce qu'il s'est passé, la petite réserve que je m'étais constitué est presque vide.
-C'est sûr que pour déclencher un nuage de fumée, ça doit demander plein d'ingrédients. Plaisanta Myo.
-C'était des « herbes fumantes ». Je me rappelle plus du nom précis, mais c'est hyper efficace ! Normalement, on s'en sert à faire tomber la fièvre d'un malade, en les plongeant dans de l'eau chaude. Mais là, je pensais pas que ça allait aussi bien marcher dans une mare, mais en tout cas, je suis fier de mon idée !
-Ça nous a permis de nous sauver, c'est l'essentiel.
Ils quittèrent la réserve, et prirent la direction de la sortie. Annie s'arrêta à la hauteur du comptoir, en évitant de jeter un coup d'œil au propriétaire, et tira un tiroir. Les recettes de la boutique se trouvaient à l'intérieur.
-Qu'est-ce que tu fais ? L'interpella Myo.
-On pourrait récupérer l'argent.
-Quoi ? Mais c'est malhonnête !
Annie lui jeta un regard en biais, en se demandant s'il était le mieux placé pour lui faire ce genre de réflexion. Avait-il pas passé plusieurs années à déborer les biens d'autrui ? Il sembla le comprendre, et se résigna :
-D'un autre côté... Ça ne lui servira plus jamais.
Elle s'empara des économies, et l'inséra dans une bourse de cuir posée sur le comptoir, qu'elle fourra à l'intérieur de son nouveau sac à dos. Lorsqu'elle se tourna vers son ami, elle se rendit compte qu'il n'était plus là.
-Myo ? Appela-t-elle.
Elle ne reçut aucune réponse. Elle sentit son cœur battre de plus en plus fort. Sortant son couteau d'alchimie, elle sortit de l'échoppe, et l'appela une nouvelle fois.
-Par ici ! Répondit-il, sur la gauche.
Elle se dirigea vers un bâtiment à la façade colorée. Les fenêtres avaient été brisées, mais cette fois, aucun corps ne semblait se trouver à l'intérieur. Elle enjamba les quelques marches montant à l'entrée, et se retrouva à sa plus grande surprise dans une boutique de jouets.
Le jeune homme regardait pourtant autour de lui, nostalgique. Devant le regard interrogateur d'Annie, il raconta :
-Tu te souviens de mon petit ourson ?
-Tu ne le quittais jamais.
-C'était mon cadeau pour mes dix ans. Mon père me l'avait acheté ici ce jour-là. Je m'en souviens comme si c'était hier, ça m'a marqué !
La fille s'amusa devant l'air enfantin qu'il présentaut. Elle parcourut d'un air nonchalent les divers rayons, et tomba très vite sur ce qu'elle cherchait. S'emparant d'un ourson en peluche, à la fourrure brune, aux gros yeux noirs et au museau rose pointu, elle le souleva sous le nez de Myo, et lui demanda d'une voix railleuse :
-C'était un ourson comme ça, non ?
Le jeune homme ouvrit de grands yeux surpris, et s'empara de la peluche. Il avait les yeux pétillants de joie.
-Oui ! Exactement comme celui là. Alors comme ça, cet ourson se vendait encore...
- S'il a plu à un petit garçon comme toi, il n'y a pas de raison que ça ne plaise pas à d'autres.
-Sûrement.
-Ça devait plaire également aux jeunes hommes. Tu devrais voir la tête que tu as actuellement.
Il lui adressa un regard amusé, et lui jeta l'ourson à la figure.
-Arrête de te ficher de moi !
-Je ne me fiche pas de toi ! Ria-t-elle.
Elle s'empara d'une épée en bois au sol, et tendit la pointe vers son buste. Un air espiègle animait son expression.
-Tu vas payer pour ton insolence ! S'exclama-t-elle. En garde !
-Penses-tu, sorcière !
Il saisit un tigre pelucheux sur une étagère, et s'en servit de protection contre l'attaque d'Annie.
-J'ai le puissant tigre à mes côtés !
Ils s'amusèrent ainsi durant de longues minutes, riant, s'esclaffant à ne plus avoir de voix. Utilisant châteaux, poupées, jouets en bois et de société, ils mirent à sac la moitié du magasin. Ils finirent finalement allongés sur le parquet, épuisés, mais riant toujours aux éclats. Myo souleva l'ourson au-dessus de ses yeux, et réfléchit.
-A quoi tu penses ? Demanda Annie, en se tournant vers lui.
-Je me demande si je pourrais le garder.
-On a pas tellement de places dans nos sacs, tu sais... Ils sont pleins à craquer.
-Je sais, mais bon... Je veux un souvenir de mes parents auquel me rattacher. Je n'ai rien qui me vient d'eux. Et lorsque j'aurais un enfant, je pourrais lui offrir, ça lui fera peut-être plaisir. Enfin je l'espère.
La jeune femme le fixa avec émotion. Ce garçon pouvait avoir un air froid ou asocial à certains moments, il n'en demeurait pas un être au cœur rempli de bonnes volontés. Elle ne regrettait décidément pas d'avoir quitté le camp de réfugiés avec lui.
Il ouvrit son sac, et y déposa délicatement l'ourson, en affichant un sourire de satisfaction. Au même moment, un étrange appel résonna à travers les rues de Kevlan. Il y eut une autre voix, enrouée, qui lui répondit de suite.
Ils se fixèrent durant plusieurs secondes. Ils s'échangèrent des signes en bougeant les lèvres, pour se comprendre silencieusement. Finalement, Myo se décida à ramper jusqu'à l'une de fenêtre, en prenant soin de ne pas entrer en contact avec un verre brisé, et regarda à l'extérieur :
Une dizaine d'Orcs se trouvaient actuellement au bout de la rue de gauche, tous armés, massifs et répugnants. La seconde suivante, le jeune homme se précipita, la tête baissée, vers Annie, et s'exclama à voix basse :
-Y'a des Orcs ! Tu m'avais pas dit qu'ils étaient pas censés à être là ?!
-Ils peuvent très bien être revenu... Mais ces gens sont bels et bien morts depuis de belles lurettes, je ne me suis pas trompée !
Le garçon soupira. Il regrettait déjà leur écart de conduite dans cette boutique. Leurs rires et leurs cris avait peut-être attiré ces créatures traînant dans les parages ?
-Ils savent qu'on est là, d'après toi ? Demanda-t-elle en sortant son couteau.
-Je ne sais pas. J'en avais pas vraiment la sensation. Mais peut-être qu'ils fouillent la zone, qu'ils savent pas où on est précisément.
-Je vois pas quoi faire Myo, désolée...
-Viens...
Il posa une main sur son dos, et, tout en restant accroupis, ils progressèrent jusqu'à un espace reculé du bâtiment. Ils se dissimulèrent sous une nappe tombée au sol, et se plaquèrent contre le mur, se faisant ainsi passer pour de simples éléments du décor, des débris comme on pouvait en trouver partout dans cette ville fantôme.
Ce contact proche avec Myo troubla Annie. Un certain sentiment de sécurité s'insinua en elle, lorsqu'il enroula un bras autour de son dos, et que son autre main se posa sur son épaule.
-Ne bouge pas, murmura-t-il à son oreille.
Un frisson parcourut son corps. La jeune femme se sentit attirée par lui... Mais.... Ce n'était pas le moment de penser à ce genre de chose !
Lorsqu'elle avait décidée de l'emmener avec elle loin du camp de réfugié, elle avait effectivement pensé que la force du garçon et son physique supérieur au sien pouvait être sécurisant en cas de mauvaise rencontre. Mais elle n'avait jamais pensée se retrouver autant en sécurité en sa compagnie.
Elle, qui avait toujours fait preuve d'une mentalité à toute épreuve, qui avait toujours tout fait pour s'en sortir seule, sans l'aide personne, se retrouvait désormais à espérer que ce jeune homme reste ainsi, à la garder dans ses bras. Qu'il conserve cette position durant un très long moment, jusqu'à ce que le danger se soit suffisament éloigné.
Myo, de son côté, resta concentré sur les bruits extérieurs. La troupe semblait passer à côté de la boutique. On n'entendait plus de voix, seulement des bruits de pas. Etait-ce un signe d'inquiétude, ou au contraire, de bonne espérance ? Il espérait de tout son cœur que ce soit la seconde option.
Quelques minutes plus tard, Annie sentit Myo lui tapoter l'épaule.
-Mmhh ?
-Je crois qu'ils sont partis. Lui dit le jeune homme.
-Ne restons pas ici. Finalement, j'ai une idée pour quitter cette ville rapidement.
-Ah ouais ?
-On va utiliser un bateau. Annonça-t-elle
Elle se releva, chancelante, encore quelque peu émoustillée par ce rapprochement.
-Un bateau ? Répéta le garçon, ébahi.
-Ne perdons pas plus de temps.
Elle se dirigea vers la sortie, aussitôt suivi de son ami. Jetant un coup d'œil discret à droite et à gauche, elle se mit finalement à découvert, et prit à nouveau la direction de l'échoppe de batelier.
-Tu sais diriger un ba...
Annie se tourna brutalement vers lui, et lui intimida le silence en plaçant un index sur ses lèvres. Il consentit, et tous deux progressèrent sur la route pavée, jusqu'à retrouver l'ancienne échoppe. Sur la gauche se trouvait le fleuve, s'écoulant dans un bruit de torrent assez puissant. Un bateau d'apparence assez lambda reposait sur l'eau : trois à quatre mètres de hauteur, six à sept de longueur.
Elle enjamba des cordages, traversa un ponton, et bondit sur le plancher de l'embarcation. Myo la suivit, avec un peu moins d'aisance. Il sursauta, lorsque le bateau tangua à son arrivée.
-Ne t'inquiète pas, il ne va pas basculer. Dit Annie, en s'approchant du gouvernail.
-Comment on dirige un truc pareil ?
-Occupe-toi de détacher les cordages reliés au ponton, je vais lever l'ancre.
Le jeune homme s'approcha d'un des quatre cordages, et constata avec découragement qu'il était attaché par nœud complexe. Il tenta bien de le défaire, sans succès.
-Il me faudrait un objet tranchant. Dit-t-il.
-J'ai mon couteau, mais bon c'est pas très pratique... Proposa Annie en lui tendant son outil d'alchimie devenu son arme de prédilection.
-Ce sera mieux que rien. Lâcha-t-il en s'en emparant.
Il commença à couper les cordages. Mais la situation n'était pas vraiment faite pour arriver : d'un côté, la corde n'était pas faite pour être tranchée, de l'autre, le couteau n'était pas fait pour trancher des cordes.
Un hurlement le fit sursauter. Au loin, il repéra la troupe d'Orcs, tournés vers eux. Un tremblement le saisit de part en part, et il s'écria :
-Annie ! Ils arrivent !
-Vite, coupe les cordages !
-Ca marche pas ! S'énerva-t-il. Essaie de trouver quelque chose... je sais pas... Un truc plus coupant !!
Les créatures couraient dans leur direction. Le premier n'allait pas tarder à arriver... Annie parcourut la surface du bateau, sans rien trouver d'intéressant. Sur les tables, près du gouvernail, à l'intérieur des tonneaux, même dans la petite cabine présente à l'intérieur de l'embarcation, le résultat était même : il n'y avait aucune lame sur ce bateau.
La confrontation fut inévitable. Un énorme monstre bondit sur le bateau, la faisant violemment tanguer. Le couteau s'échappa des mains de Myo, avant qu'il ne soit plaqué contre le mât par l'Orc. Il cracha son haleine fétide au jeune homme, et dégaina une hachette pendant à sa ceinture
Annie ne perdit pas de temps. Elle n'avait encore jamais tué de créature humanoïde, mais elle était résolue à ne faire preuve d'aucune pitié concernant cette bête tout droite sortie des légendes maudites. Elle n'allait pas perdre son ami dès le début de ce voyage. Elle ramassa son couteau au sol. Rassemblant son courage, elle s'élança vers l'Orc. Avant que ce dernier n'abatte sa hachette sur Myo, elle entra en collision avec lui et enfonça sa lame dans son énorme cou. Les principales leçons de son père traversèrent son esprit à cet instant.
Du sang noir jaillit, et éclaboussa sa tunique grise. Le monstre s'écroula à ses pieds. Elle se tourna vers son ami. Il avait la main sur le cœur, et reprenait sa respiration, en la regardant avec surprise.
La fille s'empara de la hachette tombée au sol, et en remarquant son poids un peu trop lourd, se résolu à la mettre entre les mains de Myo.
-Coupe-moi ces cordages ! Ordonna-t-elle d'une voix autoritaire.
Il s'exécuta sans discuter. Les autres Orcs n'étaient plus très loin. Il trancha une corde, deux cordes, trois cordes et enfin quatre cordes. Son ancre étant levée, le bateau fut violemment secoué et entraîné rapidement par le courant du fleuve.
- Chapitre 5, Sur le fleuve:
Annie se releva avec difficulté, et se précipita vers le gouvernail. Elle le pivota brutalement vers la gauche, empêchant ainsi le bateau de s'écraser contre des habitations qui bordaient le fleuve. -Qu'est-ce qu'il se passe ? Hurla Myo. -Le courant est extraordinairement puissant ! Il emporte l'embarcation ! Maintiens-toi à quelque chose, j'essaie de nous sortir de là ! Le jeune homme se plaqua contre le bord du bateau, et progressa lentement vers son amie. Il percuta le cadavre de l'Orc, dont la gorge était à moitié ouverte. Il sortit le couteau d'Annie de son cou, et, usant de toute sa force, il souleva le corps du monstre, et le projeta en dehors du bateau. Une violente secousse fit trembler à nouveau chaque centimètre de l'embarcation, et projeta le garçon plusieurs mètres en avant, avant de se cogner contre le dos d'Annie. -Excuse-moi, j'ai beaucoup de mal à le diriger... Déclara-t-elle en se massant le crâne. -Tu es sûre que tu sais le faire au moins ?! -J'ai vu mon père diriger le bateau, qu'il avait dérobé, pour qu'on puisse se rendre au Rohan. J'essaie de reproduire ses gestes, mais c'est pas simple avec cette agitation Myo ressentit un malaise à cette annonce, et commença à craindre pour sa vie. -Rends toi utile de ton côté ! S'agaça la jeune femme. -Comment ? -Défais les voiles ! On va bientôt quitter le périmètre de la ville. Ce sera l'occasion de les déployer, ce qui va considérablement ralentir l'embarcation. -Compris ! Il se dirigea vers le mât situé au centre du bateau, et déroula les voiles durant de longues et éprouvantes minutes, toujours interrompus par des heurts et des collisions. En grommelant, il se tourna vers Annie, avec la ferme attention de dire ce qu'il pensait de son plan, et constata alors qu'ils quittaient enfin les limites de la ville. La jeune femme s'avança à son tour vers le mât. Elle saisit les voiles, et les tendit sur plusieurs mètres, avant de les accrocher à un autre mât, plus petit, à l'aide d'un système précis. Directement, la vitesse du bateau diminua grandement, jusqu'à atteindre un rythme suffisamment lent pour que les deux jeunes gens tiennent debout sans difficulté. Un calme plat régnait désormais sur le fleuve, seulement troublé par le souffle du vent frappant sur les voiles, et le torrent du fleuve sous leur pied. Myo et Annie échangèrent un regard entendu, et se sautèrent dans les bras en poussant des cris de joies. Sautant sur place, un grand sourire sur le visage, ils n'arrivaient pas à croire à ce qu'il venait de se passer. Tant de tension, de dangers s'étant succédé à une vitesse folle... et pourtant, les voilà tous deux sains et saufs, voguant sur un fleuve qui les menait vers le Nord-Ouest, et vers le Rohan. -Quel moment... Souffla la jeune femme, lorsque tous deux se furent un peu calmés. -Et ton action sur l'Orc ! C'était parfait ! -Oui, ria-t-elle. Et je ne regrette absolument pas ce que j'ai fait. -Merci de m'avoir sauvé. Dit-il, tout d'un coup plus sérieux. Sincèrement, merci. Il se pencha, et déposa un baiser sur sa joue. Annie resta immobile, très surprise par cette démonstration, et ses joues se mirent à rosir. Myo remarqua son air médusé, et pour vite faire passer cette situation gênante, elle s'exclama d'un ton ironique : -C'est normal ! Moi les sauvetages et les actions décisives, c'est ma passion. Le jeune homme lui adressa un sourire amusé, puis se tourna vers Kevlan. -Bon, malgré la triste constatation qu'on a pu faire, on y aura récupéré tout ce qu'il nous fallait. C'est une bonne chose. -Il me manque toujours des ingrédients. Râla Annie en croisant les bras. Espérons que je trouverai ce qu'il faut lors de notre prochain arrêt. C'est où d'ailleurs ? Myo fouilla à l'intérieur de son sac, et en sortit la carte trouvée dans l'échoppe de batelier. Il la déroula soigneusement sur la balustrade. -On va devoir remonter davantage vers le Nord, si on veut atteindre le Rohan. -Je peux m'occuper de modifier notre trajet sur le fleuve, trancha la jeune femme. -Où pourrions-nous retrouver ton père, une fois là-bas ? -On... On habitait à Coudeflots. Hésita-t-elle. -D'après la carte, cette ville se trouve près des cours d'eau, c'est avantageux pour nous, se réjouit-t-il. -Ouais, enfin... Ne sois pas ravi trop vite. Entre deux, on a quand même plusieurs semaines de voyage. En espérant que ce bateau soit suffisamment en bon état pour tenir debout, que nous ne subissions pas d'attaque et que notre nourriture ne s'épuise pas le temps du voyage. -Sur ce dernier point, on peut toujours pêcher. Positiva Myo. Dans la cabine, j'ai repéré des cannes à pêche. -Tu sais pêcher toi ? S'étonna-t-elle. -Heu... Non. Mais on peut apprendre. Après tout, faudra bien qu'on s'occupe dans les semaines qui viendront ! Déclara-t-il en lui adressant un clin d'œil. Ce garçon apparaissait toujours plus craquant aux yeux d'Annie. Plus le temps passait, plus il semblait ouvrir son cœur, dévoilant un Myo totalement différent : un jeune homme courageux, enjoué et attachant. Mais il restait encore à voir s'il conserverait ce comportement au cas où la situation venait à empirer. Ainsi, les jours passèrent, sur le tumultueux cours d'eau. La plupart du temps, la jeune femme restait concentrée sur sa tâche de pilote, et se tenait droite, les mains posées sur le gouvernail, et le regard dirigé vers l'horizon. Son ami demeurait isolé, pensif, la carte souvent en dessous des yeux. Mais une profonde lassitude s'installa très vite sur l'embarcation, et le jeune homme finit par se désintéresser des trajets et des villes présentés sur son plan. Il remarqua le couteau d'Annie perdu sur le plancher, à sa droite, et le saisit. Il présentait une petite poignée en cuir, et une lame finement ouvragée. Et en le retournant, il distingua alors des écritures sur cette lame. Quatre lettres bien distinctes : « REV.E ». Les yeux plissés, il se tourna vers son amie. -T'as perdu ton petit couteau. Déclara-t-il. Elle fit volte-face, quitta le gouvernail et s'approcha. -Merci. Dit-t-elle en le prenant. Je l'avais oublié depuis cette aventure avec l'Orc. -Ca veut dire quoi REV.E ? Demanda-t-il en levant des yeux curieux sur elle. Elle rapprocha la lame sous ses yeux à son tour, et afficha un sourire nostalgique. -Ce couteau, c'est un cadeau d'adieu de mon père. Annonça la jeune femme. A la base, c'est plutôt fait pour crocheter des serrures. Mais bon, je l'ai trouvé à mon goût pour servir de couteau d'alchimie. -C'est pas vraiment un cadeau d'adieu alors, vu qu'on va le revoir. Remarqua le jeune homme. -Ouais... Soupira-t-elle. Elle se laissa glisser sur la balustrade, et s'assit à la droite de Myo. -Un souci ? S'inquiéta ce dernier. -Tu sais, j'appréhende beaucoup nos retrouvailles. Contrairement à toi et ton père, moi mon dernier moment avec le mien a été assez intense et violent. On s'est échangé des paroles qu'on ne pensait pas. -Quels genre de paroles ? Si ce n'est pas indiscret comme question... -Je lui avais dit que la vie de crapule qu'il me proposait ne m'intéressait plus. Ça l'a mis dans une colère noire. C'était sûrement la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Il était déjà pas mal dégradé par la mort de ma mère. C'est ce comportement de mon père ce qui m'a poussé à partir. Il était plus très net. -Tu penses qu'il aura changé, à ton retour ? Annie resta pensive. Elle resserra ses jambes contre sa poitrine, et posa sa joue droite sur ses genoux. -Je l'espère. Emu par les confidences de son amie, Myo ne put s'empêcher de lui tendre ses bras. Elle s'y glissa volontiers, et se blottit timidement contre son buste. -Quand est-ce qu'il t'a donné ce couteau alors ? Demanda-t-il. -Il me l'a pas donné de main propre en fait. C'est ma petite sœur qui me l'a apporté, le jour de mon départ. -Tu as une petite sœur ?! S'exclama le jeune homme, en ouvrant de grands yeux étonnés. -Oui, s'amusa-t-elle. Elle est née au Rohan, c'est pour ça que tu l'as jamais vue. -Tu ne me l'as jamais dit ! Lui reprocha-t-il. -J'ai jamais vraiment fait référence à mon passé, de toute façon. Elle avait neuf ans quand j'ai quitté mon père. Cette petite gamine me faisait beaucoup penser à toi, dans son comportement, et aussi physiquement. Elle était aussi blonde que toi. Annie joua avec les cheveux mal coiffés du jeune homme, lui arrachant un sourire d'amusement. -Et tu l'as laissée avec ton père, dans l'état qu'il était ? -Je ne me fais pas de soucis là-dessus. Mon père n'aurait jamais osé lui faire de mal, il l'adorait tellement... -Toi, il ne t'aimait pas ? -Si ! Si... Bien sûr. C'était juste... Différent. Tu sais, souvent, les parents ont un lien différent qui s'installe en fonction de leurs enfants. Expliqua-t-elle. Il était plus dur envers moi, mais je pense que c'est parce qu'il voulait que son premier enfant soit quelqu'un de fort et responsable. Et je ne lui reprocherai jamais d'avoir été comme ça. Sans lui, je ne serais jamais devenu celle que je suis actuellement. -Si je comprends bien, sans lui, on serait mort ? -Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda-t-elle. -Bah, tu nous as sorti plusieurs fois de situations périlleuses. Ça demande pas mal de ressources ! -Oh... S'embarrassa Annie. Bah... Je fais juste ce qui doit être fait. Myo pouffa. Il s'exclama : -Sois pas modeste ! -Je ne suis pas modeste, je suis réaliste. Ça peut te paraître pessimiste, mais on n'est sûrement pas au bout de nos ennuis. C'est que le début de notre voyage ! -On verra bien. Ils restèrent ensuite silencieux. Leur cœur battait la chamade, et un profond sentiment de tendresse émanait simultanément d'eux. Annie ferma les yeux, et tenta de calmer ses émotions. Elle n'avait jamais eu de sentiments semblables par le passé, et ne s'habituait décidément pas à cette situation. Myo était de son côté un peu plus confiant. Il n'était pas encore résolu à franchir le pas avec son amie, qui était décidément encore pleine de mystères. Et une appréhension l'empêchait également d'aller trop loin : et si les sentiments du jeune homme n'étaient pas réciproques ? La suite du voyage se déroulerait alors dans un malaise néfaste à leur cohésion, qu'il valait mieux éviter. Ils s'en tinrent donc là, dans un silence reposant. Des oiseaux migrateurs passèrent au-dessus d'eux, hauts dans le ciel. La liberté de mouvements de ces volatiles agacèrent Annie. Eux, humains, passaient leur temps à fuir... Combien de temps fallait-il patienter, avant que la paix soit enfin rétablie au Gondor ? Avant qu'une vie décente leur soit enfin rendu, qu'ils n'aient plus à fuir de la sorte ? Ce fut finalement Myo qui trancha le silence, en rappelant le sujet de conversation précédent : -Ils s'appelaient comment, ton père et ton frère ? -Mon père, c'était Etor, et ma petite sœur, Sina. -Donc le dernier E de REV.E, c'est l'initiale de ton père alors ? Déduisit-il. -Bravo l'expert ! Plaisanta la jeune femme. -Et REV ? Ce sont des initiales de noms, aussi ? -Non. Ça signifie "Reste En Vie". Et c'est ce que je ferais. Avec toi. Fatiguée, elle ferma les yeux, posa sa tête dans le cou de Myo, et sombra dans le sommeil.
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| Sujet: Re: En quête d'avenir Sam 2 Avr - 12:42 | |
| - Chapitre 6, Nouvelles familiales:
-Coudeflots est en vue ! S'écria Annie.
Myo, qui coupait une planche à l'aide de la hachette de l'Orc mort, se redressa, et mit sa main en visière. Au loin se dessinait les premières constructions du port.
-Ça tombe bien, on a plus de quoi manger... Tiens d'ailleurs, ça mort ?
La jeune femme jeta un coup d'œil au flotteur de sa canne à pêche posé à la surface de l'eau. Il était toujours immobile.
-Rien.
-Qu'est ce qui va se passer du coup ? Demanda-t-il, en commençant à clouer la planche à une fissure au sol.
-Des contrôleurs vont venir vers nous, et on va devoir nous identifier.
-Mais ils te connaissent, non ?
Elle approuva tristement de la tête.
-Ils doivent sûrement être au courant des activités de ton père alors ?
-C'est même sûr. Ils vont pas m'aimer, je le sens. Je pense pas que ce sera une partie de plaisir, de pouvoir rentrer dans cette ville. Mais j'ai toujours une idée.
Elle se leva, saisit la canne et se dirigea vers la cabine, où elle rangea l'outil de pêche.
-Je peux garder la hachette, tu crois ? Tenta le garçon.
-Comme tu veux. Avec un peu de chance, ça pourrait les intimider.
Quelques minutes plus tard, le bateau rentra calmement dans le port. Deux hommes vinrent dans leur direction. Annie dirigea l'embarcation dans un emplacement prévu pour, et jeta l'ancre.
Les contrôleurs s'arrêtèrent en face du bateau, et glissèrent jusqu'au pont une passerelle. Myo constata que son amie appréhendait beaucoup la situation. Il posa ses mains sur ses épaules tétanisées, qui s'affaissèrent à son contact.
-T'inquiète pas... C'est sûrement pas ça qui va te faire peur. Souviens-toi des leçons de ton père.
Elle souffla un bon coup, et s'engagea vers le ponton.
-Qui êtes-vous, que venez-vous faire ici ? Clama l'un des contrôleurs.
-Je viens voir mon père. Déclara-t-elle.
L'expression des hommes du Rohan se refroidirent. Le même contrôleur s'exclama :
-Seigneur ! Mais... Mais vous êtes...
-Annie, fille d'Etor, en effet.
L'autre homme se retourna alors vers Myo, qui apparaissait aux côtés de la jeune fille. Il baissa les yeux sur sa hachette impressionnante, et ses poils se dressèrent lorsqu'il imagina cette dernière plantée dans son crâne. Il tenta alors l'intimidation, et tout en désignant le sabre pendant à sa ceinture, lui adressa :
-Ne faîtes pas le malin avec ça. Nous aussi on est armé.
-C'était pas mon objectif.
-Peut-on se rendre à Coudeflots ? Demanda Annie.
-Ca dépend. On aime pas trop le genre d'activité que vous faîtes, vous et votre père. Donc...
-On vous laisse le bateau. Coupa-t-elle. Il vous appartient désormais.
-Hum hum... Se réjouit-t-il en jetant un coup d'œil à l'embarcation. C'est alléchant, mais ce n'est pas encore assez à mon avis... Vous avez beaucoup de dettes à vous acquitter, n'est-ce pas ? Ce serait dommage de les rembourser en passant du temps en prison...
-Tenez. Trancha-t-elle froidement en leur tendant la bourse contenant les économies dérobées à l'échoppe de Kevlan.
-Merci beaucoup. Ria le contrôleur en saisissant brutalement la bourse.
-Si tu me fais un bisou, je veux bien te conduire jusqu'à ton chez-toi ! Railla l'autre.
-Allez crever... Grinça-t-elle entre ses dents, tandis qu'elle s'avançait en bousculant au passage l'un des contrôleurs.
Gêné, Myo suivit son amie, et se prépara mentalement à trouver les mots pour calmer la jeune femme, avant ses retrouvailles avec son père.
-Au fait, votre père n'est plus ici. Annonça soudainement un des hommes dans leur dos.
Annie se retourna vivement, et s'écria, le regard noir :
-Où est-il ?
-Aucune idée. Il est parti seul il y a un an, vers l'Ouest. On l'a plus jamais revu.
Elle s'avança à grande enjambées vers eux, les prenant ainsi en dépourvu. Une fois parvenue à leur hauteur, elle sortit son couteau, saisit au col l'un des contrôleurs, et lui porta la lame au cou.
-Et Sina ?! Explosa-t-elle. Où est ma petite sœur ?!
-Annie ! S'exclama Myo en courant dans sa direction.
L'homme non menacé dégaina son sabre, et le pointa vers la jeune femme.
-Lâchez-le ! Ordonna-t-il.
-Où est-elle ?! Hurla-t-elle.
Myo saisit la fille par les épaules, et la tira en arrière. Elle se débattit violemment, en demandant une nouvelle fois où se trouvait sa sœur.
-C'est pas une solution... Chuchota-t-il à son oreille. Calme-toi, allez... Souviens-toi de ce que tu m'as dit : « On fait rarement les bonnes décisions à chaud ».
Le corps d'Annie se détendit légèrement. Elle ferma les yeux, et tenta de reprendre contenance. Le jeune homme en profita pour reposer sa question, d'un ton plus conciliant :
-S'il vous plaît, dîtes-nous où se trouve la petite Sina. Ensuite on partira, et plus jamais vous ne nous reverrez.
-Elle a fugué peu après le départ de sa sœur. Lâcha l'homme qui avait eu la lame sous la gorge. Les recherches n'ont rien donné. Elle est considérée comme morte depuis plus d'un an déjà.
Un sursaut secoua Annie.
-Sina... Murmura-t-elle d'une voix tremblante.
Ses yeux s'embrumèrent de larmes. Tout à coup, elle se dégagea brutalement, et s'élança à toute vitesse en direction de Coudeflots.
-Annie ! Annie !! L'appela le garçon, tandis qu'elle parcourait la route vers la ville.
Il soupira, puis se tourna vers les deux contrôleurs décontenancés.
-Merci, leur adressa-t-il, avant de se hâter à la poursuite de son amie.
Une centaine de mètres les séparait l'un et l'autre, et le jeune homme eut beaucoup de mal à la rattraper. Ils quittèrent le port, traversèrent une longue route pavée, jusqu'à parvenir à la ville de Coudeflots. Annie bourra les gardes sur son passage, sans que ceux-ci ne s'y attendent, et Myo l'excusa lorsqu'il parvint à leur hauteur.
Ils passèrent dans les rues en pleines activités, presque semblables à l'ambiance du quartier Est de la ville de Desrin. La jeune femme bouscula hommes et femmes sur son chemin, fit même tomber un petit garçon. Elle effondra l'étal d'un vendeur, bouscula une table où étaient présentés plusieurs vases venant se briser au sol, enjamba les barrières, les murets, les marches et les bancs.
Lors de son passage, les gens poussèrent des cris de surprise, et certains mentionnèrent son nom en la reconnaissant. Une panique générale fut déclenchée sur le sillage de cette jeune femme. Mais elle n'en avait rien à faire. Rien autour d'elle ne détourna son attention, qui était portée sur sa seule et unique destination : sa maison.
Myo fut soulagée de la voir ralentir enfin, au détour d'une rue quasiment vide. Elle se précipita alors à l'intérieur d'une habitation à l'allure abandonnée. Du lierre grimpait sur sa façade, le jardin était infesté de mauvaises herbes et la boue s'amoncelait sur certains coins.
Annie se retrouva dans sa salle à manger. De la vaisselle brisée reposait sur la quasi-totalité du sol, et des bouteilles d'alcool s'amassait à côté du fauteuil sur lequel son père s'asseyait si souvent. Le cœur serré, elle se dirigea vers la chambre à coucher de ses parents. Elle empestait tellement que la fille fut obligée de se pincer le nez. Cette pièce n'avait apparemment pas été entretenue depuis des lustres...
Sur la table de nuit, elle s'empara du cadre représentant le portrait de sa mère. Son désarroi se multiplia lorsqu'elle observa que la vitre du cadre avait été brisée, et le portrait déchiré en deux.
A ses pieds, elle aperçut alors un morceau de papier roulé en boule. La main tremblante, elle le ramassa, et le déplia lentement.
-Annie ? Cria la voix de Myo, qui venait d'entrer dans la maison.
Elle se dirigea vers la porte de la chambre, la referma, et tourna la clef présente sur le verrou, comme elle l'avait toujours été. Elle avait besoin d'être seule. Puis elle leva le papier sous ses yeux. C'était l'écriture de sa sœur, toujours aussi soignée. Des larmes coulèrent sur ses joues, sans même qu'elle n'ait commencé à lire.
Papa,
Je suis désolée. Je m'en vais. Je ne sais pas si je vais réussir à m'en sortir. Je pense que oui, Annie m'a montrée quelques trucs à savoir pour vivre en dehors de la maison. Mais je pense que tout vaudra mieux que rester ici.
J'espère que ça va te faire réagir. Tu as changé depuis la mort de Maman, plus encore depuis le départ d'Annie. Tu ne t'occupes plus de moi. Tu me fais beaucoup de peine. Je ne t'ai jamais autant détesté que ces derniers mois. Et tu n'as pas l'air de t'en rendre compte.
Malgré tout, je sais qu'un jour tout ira mieux. Annie reviendra, tu auras repris de l'aplomb à ce moment-là. Vous viendrez me rechercher, et on pourra reprendre notre vie, comme avant !
Bisous. Et arrête l'alcool, s'il te plaît.
Sina.
Myo traversa les différentes pièces à la recherche de son amie, jusqu'à se retrouver bloqué devant une porte fermée à clef. Il toqua plusieurs fois, mais se heurta à un silence angoissant.
-Annie ?
Un léger sanglot parvint à ses oreilles.
-Annie !
Il frappa plus fort contre la porte, et cria :
-Annie, ouvre-moi ! S'il te plaît !
Un nouveau silence. Décidé à ne pas laisser la jeune femme dans un tel état de désarroi, il saisit sa hachette à deux mains, leva les bras, et donna un coup dans le verrou. Ce dernier sauta. Puis Myo tourna la poignée, et entra.
Il se retrouva dans une chambre vide. Sur sa droite, il entendit plus clairement les pleurs de son amie, à travers une autre porte entrouverte. Il poussa doucement l'entrée, et découvrit une nouvelle chambre, à la décoration plutôt mignonne. De nombreux dessins représentant des chevaux, des fleurs et des soleils ornaient les murs, et une fenêtre projetait sur la pièce une lumière plutôt agréable. Deux lits, l'un petit, l'autre grand, était présents à chaque coin.
Il vit alors Annie, assise, le dos contre le petit lit, blottie sur elle-même. Des larmes coulaient en abondance jusqu'à son menton, et tombaient sur la lame de son couteau, qu'elle n'avait toujours pas lâchée. Myo s'approcha, doucement, une main en avant.
-Très bien Annie... Pose ce couteau... Tu n'es pas obligée d'en arriver là...
Elle leva sur lui un regard interrogateur, et comprit, lorsqu'elle vit ses yeux fixés sur son couteau. Elle ouvrit la bouche, pour lui dire qu'elle ne comptait pas se tuer, mais sa gorge nouée l'empêcha de prononcer le moindre mot. Elle jeta alors l'arme aux pieds du jeune homme.
-Tu... Tu veux que... Commença-t-il.
-Non... Laisse-moi seule. Parvint-elle à articuler d'une voix faible.
-Tu as l'air pas mal...
-S'il te plaît... Va-t'en.
Il n'en dit pas plus, et s'exécuta, en prenant soin d'emporter avec lui son couteau.
Elle posa ses mains sur ses tempes, et replongea dans un profond sanglot.
-Pourquoi tu pleures ? Demanda une voix étrangement aigue.
Elle releva la tête, et vit Sina, baissée à sa hauteur. Myo n'était plus là. La lumière du jour ne passait plus à travers la fenêtre. Il faisait nuit. Sans même le vouloir, sa bouche s'ouvrit, et sa voix, se voulant rassurante, déclara :
-Ça va, t'inquiète pas petite curieuse.
Ses pensées elles-mêmes s'écartèrent de la réalité, et la ramenèrent plusieurs années en arrière. On avait diagnostiqué à sa mère une maladie qui était incurable. Elle allait mourir dans les prochains mois. Elle décida de ne pas en faire part à sa petite sœur, car cela pourrait la plonger dans une profonde tristesse. Elle n'était pas encore prête.
-Tu t'es fait mal ? Insista la petite fille.
-Ou-Oui, c'est ça. Mentit-elle. Cet après-midi.
-Où ça ?
-Au pied.
D'une humeur très sérieuse, Sina se chargea de retirer la chaussure de sa sœur, et fronça les sourcils.
-Mais ton pied, il a rien ! S'exclama-t-elle.
-Normal. Si j'ai mal, c'est parce que tu me casses tout le temps les pieds ! Plaisanta-t-elle.
-Hé !!
Annie se jeta sur elle, et la chatouilla au niveau des côtes. Elle riait aux éclats, la suppliait d'arrêter. Etrangement, le rire de sa sœur fut pour elle une immense source de satisfaction. La joie, l'amusement et la gaieté étaient bien des choses qu'il manquait récemment dans cette famille. Elle continua ainsi durant une très longue minute, jusqu'à ce que tout à coup, son regard commence à se troubler, et qu'elle ressente une étrange sensation, comme si on la secouait.
Elle émergea doucement, et vit alors Myo penché sur elle.
-Annie... Ça va ?
Elle posa une main sur son front, et murmura :
-Il est quelle heure ?
-La nuit est tombée. Il doit être... Vingt heures peut-être.
-J'aurais jamais dû partir... Articula-t-elle.
Il ne voyait pas quoi y répondre. C'était sûrement la tristesse qui la faisait parler ainsi. Mieux valait attendre le lendemain pour en parler avec elle. Poussant un profond soupir, elle proposa alors, sans même y croire elle-même :
-Ça te dit d'aller boire ?
-Boire ? Répéta-t-il, incrédule.
-Je crois que j'ai vraiment besoin d'alcool, là...
-Si tu veux. Tu te sens capable de te lever ?
-Je suis triste, pas affaiblie.
Elle leva sa main vers Myo, qui, délicatement, l'aida à se relever. Le regard perdu, elle suivit le jeune homme, qui la conduit au dehors de la maison.
-Par ici, dit-elle, en pointant un bâtiment éclairé de l'intérieur.
Ainsi, ils se dirigèrent vers la taverne de Coudeflots, avec la bien ferme intention d'oublier les récents événements.
- Chapitre 7, Une bonne taverne:
Une table vide était située dans un coin de cette pièce bruyante et pleine d'ambiance. Annie et Myo s'y établirent. La jeune femme s'étala sur la table et poussa un profond soupir.
-Qu'est-ce que tu comptes faire ? Demanda Myo, en lui jetant un regard chargé d'inquiétude.
-Qu'est-ce que tu veux que je fasse... Ma petite sœur est morte, et mon père s'est barré...
-Rien ne prouve que ta sœur soit m...
-Elle avait neuf ans ! le coupa-t-elle. Rêves pas, elle avait aucune chance de s'en sortir !
-On sait jamais... Dit-il en baissant la voix, intimidé par l'attitude de son amie.
-Ah ! T'es bien marrant ! Se moqua-telle. C'est comme pour ta mère. Je sais même pas où la chercher. Je vais pas aller dans la nature, et fouiller chaque coin d'herbe en espérant tomber sur elle. Ça fait deux ans qu'elle est partie. Si elle était en vie, elle pourrait être n'importe où maintenant.
Myo remarqua alors le gérant de la taverne s'approcher d'eux, l'air réticent.
-Excusez-moi ? Dit-il en se plaçant devant leur table.
La jeune femme leva les yeux sur lui, et sembla le reconnaître.
-Vous êtes bien Annie ? La petite d'Etor ?
-Ce qu'il en reste. Lâcha-t-elle d'un ton morne.
-Je... Hésita-t-il. Je vous pensais partie il y a plusieurs années.
-Nous avons tous deux décidés de retrouver la famille d'Annie. Déclara Myo. Nous venons du Gondor, où la guerre a touché notre ville et fauché ma propre famille. Et nous cherchons à trouver un sens à notre vie, un avenir.
Il tira une chaise, et se joint à la table.
-Je crois savoir où est parti votre père. Dit-il, d'un ton sérieux.
La jeune femme se tourna vivement vers lui, les yeux grands ouverts. Il poursuivit :
-Le jour de son départ, il est venu me voir. Malgré ses activités... Disons... Peu recommandables, on s'entendait bien tous les deux.
-J'étais au courant. Approuva-t-elle.
-Il m'a dit qu'il partait loin, vers le Nord-Ouest, retrouver son frère... Je crois que son nom était Jyarla.
-Où, vers le Nord-Ouest ? L'empressa Annie.
-Je dois avoir une carte, dans un coin. Autant vous montrer directement. Suivez-moi.
Il se releva, et se dirigea vers son comptoir au bout de la salle. Annie, prise d'une nouvelle énergie, s'élança à sa suite. Myo lui saisit le poignet, et la tira doucement vers lui pour lui adresser une messe basse :
-Je n'ai pas envie d'être pessimiste, mais ne fonde pas tous tes espoirs dessus. On ne sait jamais... Je ne veux que tu sois déçue. J'espère que tu comprends...
-Non, tu as raison. Acquiesça-t-elle. Je serai prudente.
Ils échangèrent un sourire empli de confiance, et rejoignirent le tavernier derrière son comptoir. Ce dernier était penché sur un coffre, et fouillait bruyamment en râlant :
-Je pensais l'avoir mise ici... Zut alors ! Je ne l'aurais pas jetée quand même... ? Ah si ! La voilà !
Il brandit le parchemin, qu'il vint déposer sur son comptoir. Elle représentait la Terre du Milieu, grand continent s'étendant sur des multitudes de contrées et de royaumes. Les deux jeunes gens affichèrent un air ébahi, en constatant que le Gondor n'avait qu'une petite taille sur cette carte. On pouvait y voir d'énormes chaînes de montagnes, des forêts et des lacs faisant la moitié de leur royaume, ainsi que bien des lieux, dont ils n'avaient jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui.
-Je ne pensais pas que le monde était aussi vaste... Murmura Annie en caressant du bout des doigts le vieux papier jauni par le temps.
-Vous aurez encore énormément de chemin à faire avant d'espérer retrouver votre père. Annonça le tavernier.
Il posa son doigt sur un point, tout au bout de la carte, indiquant le nom de Bree.
-Aux abords d'une région que l'on appelle la Comté, il y a ce village, Bree. C'est la destination de votre père, d'après ses dires.
-Jamais entendu parler. Se découragea Myo.
-C'est à combien de temps de voyages ? Demanda la jeune femme, affichant un air toujours aussi sérieux.
-Plusieurs mois, tout au plus. Prévoyez des provisions, et un moyen de transport fiable. Ce sont les seuls conseils qu'un humble tavernier comme moi peut vous offrir.
-Pouvons-nous vous emprunter cette carte ?
-Gardez là tant que vous en aurez besoin. De toute façon, elle ne me sert à rien, ici.
Annie rangea le parchemin dans sa sacoche, et afficha un sourire gêné vers le gérant.
-Je ne vois pas comment vous remercier... Je ne connais même pas votre nom...
-Offrez cette carte à votre père, au nom de Joel et de notre amitié. Déclara-t-il, en leur tendant chacun une chope de bière. Tenez, c'est ma tournée.
Plusieurs heures plus tard, tous deux étaient affalés sur leur table, une énième bière au bout de la main. Annie riait niaisement, et Myo louchait sur une miette de pain.
-J'crois qu'on a trop bu... Dit la jeune femme en cherchant ses repères.
-Hey... Tu vois ces mecs là-bas ?
Il désigna une bande d'hommes bourrus, n'étant pas dans un meilleur état qu'eux. Ils constituaient sûrement les clients les plus bruyants de la soirée.
-Je vois une bourse qui dépasse de la poche de quelques-uns, déclara-t-il avec un sourire malicieux.
-Nan... Nan je vois où tu veux en venir. T'as arrêté de faire ça !
-On s'en fout ! Lâcha-t-il. T'façon, on est déjà hors-la-loi depuis que t'as torturé le mec l'autre jour... B-Bref... Ah ! Et on a aussi besoin d'argent ! Faut qu'on paye notre bouffe !
Les pensées de la jeune herboriste, embrumés par l'alcool, donnèrent finalement raison au garçon.
-Bon vas-y... Mais te fais pas chopper !
Il se fit chopper. Le jeune homme avait quitté sa place, et avait rampé sur le ventre jusqu'à leur table, ce qui avait forcément attiré l'attention de toute la clientèle alentours. Et lorsqu'il repéra la bourse d'un des individus présent, il ne parvint pas à la détacher, et tira avec force dessus.
-Tu comptes faire quoi au juste ? Dit l'inconnu en se retournant vers lui, et se levant de toute sa prestance.
-Rien du tout. Répondit Myo, en reculant avec prudence.
-Que je t'y reprenne pas ! Le menaça-t-il.
-Attend ! S'exclama un autre ivrogne en posant une main sur l'épaule de son camarade. Ce serait pas la fille de l'autre enfoiré ? Tu m'avais dit qu'il t'avait tout pris.
Il pointa du doigt Annie, qui buvait tranquillement le contenu de sa choppe à sa table. L'homme fronça les sourcils, hocha affirmativement la tête, et s'avança dans sa direction.
-Hey dis donc ma petite chérie ! S'écria-t-il. Je crois que ton père a une dette envers moi. Je vais compter sur toi pour m'offrir une petite compensation.
-On se connaît ? Demanda la jeune femme tout en relevant les yeux sur lui.
Elle porta sa main à sa sacoche, prête à sortir son couteau dans la pire des situations.
-Tu vas me rendre tout ce qu'il m'a pris. Ordonna-t-il.
Le tavernier Joel quitta son poste au comptoir, pour intervenir dans ce début de conflit. Mais Myo se dévoila avant que qui ce soit ne réagisse. Il se plaça entre l'ivrogne et son amie, et adressa à son adversaire un regard noir.
-Tu la laisses tranquille. S'énerva le jeune homme, et il se redressa à sa hauteur.
-Bouge, morveux ! lança l'ivrogne en le poussant sur le côté.
Le garçon agit du tac au tac, et frappa violemment le brigand, de son poing fermé.
Un grand silence s'installa dans la pièce. Les deux hommes se fixèrent durant de longues secondes, jusqu'à ce que l'alcoolique hurle :
-Toi, tu vas me le payer !!
-Ça suffit ! Je vous en prie, cessez cette mascarade ! S'exclama le gérant. Mes jeunes amis, quittez l'établissement je vous prie.
-Allez, viens Myo, restons pas là... Renchérit Annie.
-Nan, t'inquiète pas ! Ria le jeune homme en ôtant soudainement le haut de sa tenue. Je vais me le faire !
La fille leva les yeux au ciel, et soupira :
-T'as rien à prouver !
-Nan, mais lui il va s'excuser, le gugusse !
Le dit « gugusse » poussa un cri de colère, et plaqua Myo contre une poutre en bois. En réponse, le garçon lui adressa un violent coup de boule. L'individu fut déstabilisé, laissant place à l'un des membres de sa bande.
Mais le jeune homme ne se démonta pas, saisit une chaise, et l'abattit brutalement sur la tête du nouveau venu.
Le pathétique combat de taverne se poursuivit durant de longues minutes. Annie trouva finalement ce spectacle fort amusant, malgré son désaccord avec la réaction de son ami. Mais le voir ainsi bondir, cabrioler et courir dans toute la taverne, esquivant, frappant et assommant les malotrus, offrait une image très comique de ce jeune homme, d'un habituel si discret.
Mais très vite, il fut dépassé par le nombre d'ivrognes contre lui, et tous deux furent jetés dehors. Il pleuvait des cordes sur les dalles de pierre de la ville, et leurs vêtements furent bientôt totalement trempés. Annie riaient encore aux éclats. Et Myo sourit, face à cet amusement de la part de son amie, qui avait été si mélancolique.
-J'ai une bonne nouvelle. Dit ce dernier.
Il sortit de ses poches trois bourses de cuir, remplies de pièces d'or.
-J'ai pu les avoir entre deux coups de poing. Se réjouit-il. Finalement, ce combat, il aura pas servi à rien !
-Pas mal ! Le félicita-t-elle en lui adressant un clin d'œil maladroit.
C'est joyeux, et encore vacillants sous l'effet de l'alcool, qu'ils reprirent la route de la maison familiale d'Annie. En pénétrant à l'intérieur, la jeune femme se frictionna.
-On va devoir se changer, remarqua-t-elle. Je dors pas avec ces vêtements trempés !
-J'ai oublié certains de mes vêtements là-bas... Se désola Myo.
-Il doit rester quelques habits à mon père. Vous devez faire la même taille... Je vais t'en chercher un.
Elle revint quelques minutes plus tard, les bras chargés de vêtements secs.
-Il me reste encore des vêtements à moi, qui datent de plusieurs années. Dit-elle avec un grand sourire. Heureusement que j'ai pas tout prit en partant au Gondor !
Elle tendit un pantalon, une chemise, un manteau et des chaussettes à Myo. Sous l'effet d'ébriété, le jeune homme eut beaucoup de mal à se revêtir. Il perdit l'équilibre, et tomba sur Annie. Ils s'étalèrent sur le plancher. Puis la fille jeta un coup d'œil surpris vers son ami.
-T'es vraiment bourré, toi ! Ria-t-elle.
-Parle pour toi... Marmonna-t-il, en se massant le crâne.
-Tu sais, c'était pas super intelligent ce que t'as fait là-bas, mais c'était marrant... Ça m'a fait du bien de rire... Et t'as voulu me défendre. J'en avais pas forcément besoin, mais c'est gentil de ta part...
Elle glissa ses doigts entre ceux de Myo, et se glissa vers lui. Malgré sa tête prise de vertiges, le jeune homme n'eut aucun mal à attirer la jeune femme contre lui. Ils se collèrent l'un contre l'autre, et joignirent leurs lèvres. Ce langoureux et maladroit baiser dura de courtes secondes, jusqu'à ce que Myo penche sa tête en arrière, et pousse un ronflement sonore. Annie sourit, amusée, puis posa sa joue sur son buste, et s'endormit à son tour.
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| Sujet: Re: En quête d'avenir Sam 2 Avr - 12:45 | |
| - Chapitre 8, Nouvelle menace:
Les doigts d'Annie se refermèrent sur un poignet. Elle fronça les sourcils, et ouvrit les yeux. Avec surprise, elle constata qu'elle se trouvait allongée, dans les bras de Myo. Ce dernier dormait toujours.
Elle tenta de se redresser, mais une douleur lui saisit instantanément le crâne. Elle posa ses mains sur ses tempes, et respira longuement. Mais comment s'étaient-ils retrouvés ici ? Le jeune homme se réveilla à son tour, dans un état tout aussi déplorable que son amie. Il sursauta en se voyant à moitié nu.
-Qu'est-ce qui s'est passé ? S'écria-t-il.
-J'ai quelques souvenirs qui reviennent... Murmura Annie. On était bourrés.
-Sans blague... Ironisa-t-il.
-Tu t'es battus avec des ivrognes, et on s'est fait un peu d'argent. Ajouta-t-elle, en soulevant les trois bourses posées sur le plancher.
-Et on s'est retrouvé ici... Termina Myo, en se grattant la tête.
Ce qu'il ne disait pas, c'est qu'un dernier souvenir venait de lui remonter en mémoire, le faisant rosir. Un baiser échangé dans ses derniers moments de conscience... Mais il évita de le mentionner.
Malheureusement pour lui, la fille se souvenait également de ce moment. Et c'est dans un malaise prononcé que tous deux rangèrent leurs affaires éparpillées aux quatre coins de la chambre.
Tout en enfilant un haut et une paire de bottes, le jeune homme éternua.
-Tu t'es enrhumé ? Demanda Annie, amusée. Faut dire que quand on est à moitié à poil sous la pluie, c'est pas vraiment une surprise.
-Te moque pas... Râla le jeune homme en levant les yeux au ciel.
-Je ne me moque pas, je trouve ça plutôt chou même. Le taquina-t-elle. Le petit garçon enrhumé, dont il faut s'occuper...
-Arrête de dire des bêtises... Dis-moi plutôt notre objectif du jour.
-On s'en va. Déclara-t-elle en sortant la carte du tavernier Joel.
-Qu-quoi ? Déjà ?
-Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse encore ici ? Plus rien ne nous y retient.
-On pourrait se reposer, après tous ces jours de voyage...
-Cette maison tient sur deux pattes. Et je n'ai vraiment pas envie de rester ici. S'il te plaît, Myo...
Le garçon poussa un soupir, exaspéré. Il approuva enfin de la tête, arrachant un sourire à Annie.
-Pour répondre plus précisément à ta question, continua-t-elle, nous allons aujourd'hui profiter de notre petite compensation financière d'hier soir pour nous acheter des provisions, en vue de notre route à travers le continent.
-A vos ordres.
Les deux jeunes gens ne perdirent pas plus de temps. Leur gueule de bois s'était peu à peu dissipée, après une douce tisane préparée aux soins d'Annie. Ils arpentèrent ensuite toute la ville de Coudeflots : chez l'épicier, l'apothicaire pour les ingrédients de la jeune femme, et enfin l'écurie, où ils louèrent une charrette avec les dernières pièces qu'il leur restait.
-Avec cette bête, le voyage se passera forcément bien ! Assura le charretier en tapotant l'encolure du cheval tractant la charrette. J'espère que vous aurez trouvé tout ce que vous vouliez à Coudeflots !
-Presque tout... Se désola Annie pour elle-même.
-Installez-vous, dit-il. Le voyage sera long, jusqu'aux frontières du Rohan, alors essayer de trouver une place de confort. Si vous voulez me parler, appelez-moi Juke.
-Très bien Juke. Dirent-ils à l'unisson.
Le charretier prit place à l'avant, sur un siège lui étant réservé. Myo et Annie s'assirent sur les bancs de bois à l'intérieur du moyen de transport. Juke donna des coups de rênes à son cheval, et la charrette avança. Les deux jeunes personnes adressèrent un dernier regard à la ville portuaire. Au loin, Joel apparut à l'encadrement de sa taverne, et leur adressa un signe de la main. Ils le lui rendirent avec joie, émus que cet homme ne leur en veuille pas pour la pagaille déclenchée dans son établissement.
-C'est le début d'une longue aventure. Dit tout bas Myo, en prenant conscience de la route qui les attendait.
-On va y arriver. On a les ressources nécessaires. L'encouragea-t-elle. Quand on est deux, il ne peut rien nous arriver. Il n'est même plus nécessaire de le prouver !
-Si tu le dis.
Il tourna ses yeux bleus vers elle, un sourire rassurant sur les lèvres.
-Toi et moi...
-Toi et moi. Répéta-t-elle.
A travers ce regard, ils se comprenaient. Ce fut comme une promesse. Un engagement disant l'un serait là pour l'autre, et inversement. Et cette promesse leur fut bien utile par la suite...
Le convoi mit un mois à traverser le faste royaume du Rohan. Le charretier Juke avait dû emprunter beaucoup de détours, au malheur des deux jeunes gens, pour éviter des menaces qui ravageaient actuellement cette région.
-On les appelle des Uruk-Kaï... Leur expliqua Juke d'une voix basse, comme si en parler lui avait été interdit. On dit qu'ils obéissent à un sorcier, habitant loin à l'Ouest, près des frontières du Rohan, où nous nous dirigeons.
-Que sont ces Uruk-Kaï ? Demanda le jeune homme.
-Je n'en ai jamais vu personnellement, mais voyez-vous à quoi ressemble des Orcs ?
-Oui... Certifia Myo, parcouru d'un frisson d'horreur au souvenir de ses deux confrontations avec ces monstres.
-Les rumeurs racontent que ces Uruk sont bien plus massifs que les Orcs, et qu'ils ne craignent pas la lumière du soleil ! Ils saccagent depuis un ou deux ans les villages de l'Ouest du Rohan.
Le garçon se tourna vers son amie, jusqu'alors demeurée dans un sombre silence.
-Dire que nous pensions être à l'abri de la guerre ici...
-Hum...
Le regard perdu dans le vide, la jeune femme songeait à sa petite sœur Sina. Elle avait fuguée durant l'apparition de ces créatures dans le royaume... Elle imagina une scène où la petite fille se serait retrouvée pourchassé par ces « Uruk-Kaï ».
-Qu'est-ce qu'ils font aux humains ? Demanda-t-elle au charretier.
-Ils les tuent, sans leur laisser la moindre chance de fuite.
Sa gorge se serra, et Annie n'osa plus dire le moindre mot pour éviter de pleurer.
Lorsqu'enfin, ils entrevirent la fin du voyage, plutôt que d'être réjouis, les membres du convoi sentirent l'angoisse monter en eux. Ils s'approchaient des terres assiégées par les hordes de créatures sanguinaires.
Enfin, Juke leur annonça qu'ils n'étaient plus qu'à un jour de route avant d'atteindre les frontières du royaume. Comme la nuit tombait, ils posèrent le campement près d'un bosquet, et s'assirent tous trois autour du feu. Myo put constater une peur permanente sur le visage du charretier.
-Ça va ? Demanda le jeune homme, inquiet.
-Hein ?! Oui ! Sursauta-t-il. Oui, pourquoi ?
-Vous avez l'air tendu... Ajouta Annie. Vous voulez peut-être une tisane ? Ça va vous déten...
-Non, non ! J'ai juste... Écoutez, j'y peux rien, mais j'ai... Très peur des Uruk...
-Mais je pensais que vous n'en aviez jamais vu... Remarqua Myo.
Juke lui jeta un regard ébahi.
-Et alors ? Nous ne sommes pas obligés d'avoir vu quelque chose pour en avoir peur. S'affligea-t-il. La mort ne nous effraie-t-elle pas tous ? Pourtant nous ne l'avons jamais connue... Alors cessez de parler de choses dont vous ignorez...
-Très bien, excusez-moi... Concilia le garçon en mettant ses deux mains en avant. Je me fais juste du souci pour vous.
Un grondement frappa le ciel, et des gouttelettes de pluie vinrent tomber sur la région. Le feu commença doucement à s'éteindre, sous le regard impuissant des trois voyageurs. Finalement, Juke brisa le silence en annonçant d'une voix maussade :
-Ils ont tué mes parents.
Pris au dépourvu, Myo et Annie s'échangèrent un regard. Tandis qu'ils se demandaient quoi répondre, le charretier ajouta :
-Leur village était dans les environs. Ils ont pas échappé à la situation, donc ils ont été tués. J'en parle quasiment jamais... Mais... J'espère que vous comprenez... Tous ces détours lors du trajet, et la piètre compagnie que je fais ce soir...
-Nous comprenons parfaitement, ne vous inquiétez pas là-dessus. Lui assura Annie. Nous aussi avons... appris... la perte d'un proche récemment.
-Désolé pour vous.
-Si vous voulez, on peut toujours veiller les environs, pour vous assurer qu'il n'y a aucun Uruk-Kaï. Proposa Myo.
-Ils peuvent se dissimuler...
-Ça ne coûte rien d'essayer. S'encouragea-t-il. Allez, viens Annie, on va laisser Juke tranquille, et voir ça.
Ils se levèrent, jetèrent un dernier coup d'œil au charretier. Il fixait les fumées du feu éteint, d'un air mélancolique. Ils se dirigèrent alors vers une colline, surplombant l'immense plaine à l'Est et les hauts reliefs à l'Ouest. Alors qu'ils escaladaient la colline, Myo, d'humeur protectrice, ôta son manteau, et le posa sur les épaules d'Annie. Elle baissa les yeux sur le vêtement, et rit :
-Ça va, t'as pas à prouver une quelconque galanterie !
-C'est pour te faire plaisir !
-Mais ça me fait très plaisir...
Elle s'approcha de lui, enroula ses bras autour de son cou, et déposa un baiser sur sa joue. Son visage rougit comme une fraise, et pour faire diversion, le jeune homme dit précipitamment :
-Tu devrais mettre la capuche...
-Oui, oui, t'inquiète pas, papa.
Ils parvinrent enfin en haut de la colline, et examinèrent les environs.
-Bon, pas grand-chose à déclarer... Conclut la jeune femme.
-T'as vu ça ? S'exclama Myo.
Elle se tourna dans la direction vers laquelle regardait son ami, et distingua le sommet d'une immense tour faîte de noire, dépassant derrière les falaises, à l'Ouest.
-Qu'est-ce que c'est... ? Demanda le jeune homme.
-Juke a dit que le sorcier commandant aux Uruk-Kaï vivait dans les environs. Je crois qu'on a trouvé sa demeure...
-Quand on dépassera ces falaises, il vaudra mieux ne pas traîner dans les parages alors.
Annie hocha doucement de la tête, en fronçant les sourcils.
-Allez, retournons voir le charretier, et lui annoncer qu'il n'y a pas le moindre Uruk dans les parages. L'encouragea-t-il en posant une main sur son épaule.
Lorsqu'ils revinrent au campement, ils furent médusés de constater que le Juke rangeait ses affaires à l'intérieur de sa charrette, non sans un certain empressement.
-Hey ! Qu'est-ce que vous faîtes ?! S'écria le garçon en accourant à ses côtés.
-Je m'en vais.
-Mais... Mais pourquoi ?! Non ! Arrêtez !
Il saisit le sac dans les mains du travailleur, et lui barra la route.
-Vous devez nous amener jusqu'à la frontière du Rohan, pas avant !
-Je ne resterai pas une minute de plus ici. Annonça Juke. Laissez-moi passer.
-Non ! Pas avant nous avoir expliqué vos motivations ! Vous n'allez pas nous laisser seuls, ici, dans la nature ! Ce n'était même pas convenu !
-Je ne veux pas crever, tout simplement ! Cria-t-il, en bousculant Myo.
-Calmez-vous ! Supplia Annie. Il faut rester calmes !
-Non ! Je ne resterai pas calme tant que je serai ici ! Maintenant laissez-moi partir !
-On a pas payé pour être déposé ici. Répéta le jeune homme en croisant les bras, et en conservant sa position.
-Très bien, bah prenez-le votre argent, et laissez-moi me barrer ! Hurla le charretier en lui lançant la bourse au visage. Je pensais pas être dans un tel état de panique en venant ici, au départ, voilà, j'ai fait une connerie ! Maintenant, vous me laissez reprendre ma charrette !
-Mais il n'y a aucun Uruk dans les environs ! Ajouta Annie. On a été voir nous-même !
-Je m'en contrefous ! Qu'il y en ait, ou qu'il n'y en ait pas, je me sens pas à l'abri ! Allez-y, si vous n'avez pas peur, mais moi, je...
Tout à coup, une flèche se planta dans l'oreille droite de Juke, et transperça entièrement son crâne. Myo se figea, le regard terrifié, tandis que son compagnon de route de tout un mois vint s'écrouler à ses pieds.
Annie, de son côté, réagit sans hésiter. Une menace était présente près d'eux. Ne connaissant ni le nombre de leurs adversaire, ni leur origine, ni même leurs ressources, la seule solution était la fuite. Elle bondit sur le siège du charretier, et donna un coup de pied à son ami pour le faire réagir.
-Grimpe ! Ordonna-t-elle.
Le garçon bondit aux côtés de la jeune femme, qui lança le cheval au galop. Les chocs et les dérapages furent nombreux, car la route était boueuse comme jamais. Myo aperçut alors des silhouettes massives, brandissant des longs arcs noirs, à travers l'épaisse averse déferlant sur eux.
-On avait tort ! Les Uruk-Kaï semblent tous près !
-La pluie est à notre avantage !
La charrette tangua brutalement sur le côté, manquant de faire chuter les deux personnes.
-Le cheval ne veut pas m'obéir ! S'énerva la jeune femme.
-On fonce droit vers le bosquet !
Tirant de toutes ses forces, la fille ne parvint décidément pas à stopper la monture au galop.
-Annie !!
Ils pénétrèrent dans le bois au milieu d'un grand fracas. Les broussailles et les arbres finirent par séparer les liens rattachant le cheval au moyen de transport. L'animal s'échappa sans même se retourner.
La charrette, quant à elle, fut entraînée dans une descente vertigineuse. Les branchages fouettaient les visages d'Annie et Myo, qui n'avaient plus aucun contrôle sur la situation. Ils tentaient tant bien que mal de se maintenir à la charrette.
-Il faut sauter ! Déclara Annie d'une voix autoritaire.
-Non ! Attend !
Le jeune homme repéra d'autres formes monstrueuses entre les arbres, à une centaine de mètres.
-Ils nous suivent ! S'exclama-t-il. Si on saute, on est mort.
Tout à coup, la charrette perdit sa roue arrière gauche. Tout en continuant à rouler, elle se retourna sur la droite, dans une vive secousse.
-Myo !! Hurla la fille en se jetant contre lui.
Une rivière venait de se dévoiler sur leur route, et sans avoir le temps de réagir, les deux jeunes gens furent plongés dans l'eau glaciale.
Myo nagea jusqu'à la surface, malgré le puissant courant qui déferlait sur le cours d'eau, tout en saisissant sa hachette. Il émergea, et prit une grande respiration, avant d'être à nouveau plongé dans la rivière. Il donna un grand coup avec sa hache, espérant la planter quelque part, mais il n'en fut rien.
Le courant emporta finalement le jeune homme, qui luta comme il pouvait. Son corps fut frappé par les rochers et les arbres déracinés présents sur la rivière, avant qu'il ne parvienne à planter sa hachette dans une racine. Il se hissa, et reprit avec espoir une bouffée d'oxygène. Il examina alors les environs.
La rivière circulait en provoquant un bruit d'écoulement puissant. Ce torrent était sûrement dû à l'averse déferlant sur la région.
-Annie ! Hurla-t-il.
Un léger cri parvint à ses oreilles. A une centaine de mètres, dans le sens inverse du courant, la jeune femme tentait de se retenir à une branche qui allait bientôt céder.
-Annie, j'arrive !
Il tenta de grimper sur la berge, mais l'eau le tirait sans arrêt en arrière. Il poussa un cri de rage, et jeta à nouveau un coup d'œil vers Annie. Elle n'était plus là. La branche avait cédée. Paniqué, il ne la repéra nulle part. Il sentit son cœur battre à mille à l'heure, jusque dans ses tempes. Et tout à coup, une forme vint lui percuter la hanche. Il plongea instinctivement la main sous l'eau, attrapa quelque chose au hasard, et le hissa de toutes ses forces hors de l'eau.
Il avait saisi la jeune femme par les cheveux, et constata à sa mine qu'elle n'était plus consciente. Malgré le peu de forces qu'il lui restait, il enroula son bras autour de son dos, et la maintint hors de l'eau.
-An-nie ! Je t-t'en prie ! Réveille-toi ! Supplia-t-il, la parole coupée l'écoulement de l'eau.
Devant cette non réaction, il projeta le corps de son amie sur la berge, et la poussa du bout des doigts, afin qu'elle ne replonge pas dans la rivière. Le corps douloureux de partout, il manqua de lâcher sa hachette, mais l'attrapa à temps à deux mains. Il libéra son bras droit tétanisé, et parvint en même temps à poser ses pieds sur une pierre au fond de l'eau. Profitant de cette aubaine, il poussa sur ses jambes et tira sur son bras. Et enfin, il parvint à se hisser hors du courant.
Durant de longues secondes, il reprit sa respiration, allongé sur le ventre. Et soudain, l'inconscience d'Annie lui revint en mémoire. Il leva la tête, et la vit toujours là, allongée dans la boue, le visage toujours aussi impassible. Il se traîna jusqu'à elle, et, le souffle encore manquant, il tenta pourtant de redonner celui de son amie. En effet, elle ne respirait plus...
Posant ses mains sur sa poitrine, il effectua un massage cardiaque intensif.
-Allez ! Putain, allez ! Tu vas te réveiller !
Après trois tentatives de la part du garçon, la jeune femme se redressa soudainement. Elle cracha directement l'eau de ses poumons. Myo poussa un soupir de soulagement, ferma les yeux et se laissa tomber sur le dos, libérant enfin ses muscles tétanisés depuis déjà plusieurs minutes. Annie toussa toute l'eau contenue dans son corps, avant d'imiter le comportement de son ami.
-Je sais pas nager... Lâcha-t-elle.
-Ça fait au moins un truc que tu ne sais pas...
-Myo... Appela-t-elle d'une voix tremblante.
Il se tourna vers elle, inquiet, et la vit alors frissonner de toute part. Il se traîna précipitamment jusqu'à elle, et la cueillit dans ses bras. Il frictionna ses membres, espérant lui apporter un tant soit peu de chaleur.
-Je suis là, t'inquiète pas...
-J'ai perdu ton manteau dans la rivière.
-T'inquiète pas. C'est pas grave.
Annie posa son front contre le sien, le regard perdu dans le vide. Cette expérience semblait l'avoir traumatisée...
-Toi et moi. Glissa Myo à son oreille.
-Toi et moi... Murmura-t-elle en forçant un sourire.
-Levez-vous. Ordonna tout à coup une voix n'appartenant ni à l'un ni à l'autre.
Ils se redressèrent simultanément, et virent alors avec surprise deux inconnus bandant des arcs dans leur direction.
-C'est nous qui avons l'avantage. Déclara l'un d'eux. Vous allez faire ce qu'on vous dit de faire, sans discuter.
- Chapitre 9, Rencontres précipitées:
Myo se leva, levant ses mains en signe de soumission.
-Qu'est-ce que vous nous voulez ? Demanda-t-il.
-Vos vivres, votre or, votre matériel de soin, bref, tout ce qui peut être utile. Exigea un des deux archers.
Ce dernier portait un bouc, avait des yeux noirs, accentués par d'épais sourcils lui donnant une apparence sévère. Sa capuche descendait en une longue cape noire, où apparaissaient entre ses plis un plastron de cuir et une ceinture où pendaient deux couteaux.
-On a rien de tout ça... Déclara Annie à son tour. On vient juste d'échapper à la noyade.
-Votre sacoche.
-Je... Ce sont simplement des ingrédients qui me servent à mes préparations...
-Donnez votre sacoche, tout de suite.
Il tira de façon menaçante sur la corde de son arc. Myo s'écria précitemment :
-Non, non attendez ! Qu'est-ce qui vous pousse à faire ça ?! Qu'est-ce que vous faîtes ici ? On peut peut-être s'entraider, non ?
-Ne discutez pas. Obéissez simplement à nos ordres. Déclara finalement à son tour l'autre archer.
-Chut ! Lui jeta son compagnon d'une voix agacé. Tu me laisses faire.
L'homme sommé de se taire leva les yeux au ciel. Il semblait jeune : il avait sûrement la vingtaine. Myo songea que tous deux étaient peut-être père et fils.
-Si vous tenez à le savoir, il y a des Uruk-Kaï dans les environs. Ajouta la jeune femme en retrouvant peu à peu un air autoritaire. A mon avis, vous aurez bien moins l'air malins, avec vos arcs, quand ils se retrouveront face à vous.
Les deux hommes se regardèrent simultanément dans les yeux. Leur visage se crispa. Cette information semblait avoir fait son petit effet. Tout à coup, une femme, d'allure plutôt fragile et étant sûrement dans la quarantaine, apparut à son tour de derrière les fourrées, et s'approcha des deux hommes.
-Fearan ! S'exclama-t-elle en se dirigeant vers le plus âgé d'entre eux. Kinie ne se sent pas bien !
Elle repéra alors les deux jeunes personnes trempées jusqu'aux os, et fronça les sourcils.
-Qui sont ces gens ?
-On vient de tomber sur eux. Lui apprit le prénommé Fearan.
-Qu'est-ce que vous comptiez faire avec eux ? Ce n'est pas ce que je crois, j'espère ! Se fâcha la femme.
-On meurt de faim ! Je fais ce qui doit être fait !
-On a plus urgent à gérer actuellement ! L'état de Kinie ne fait qu'empirer !
Les créatures sanguinaires n'allaient sûrement pas tarder à arriver. Il était urgent qu'ils partent d'ici, et que ces inconnus soient contraints de se montrer conciliant. Une occasion se présenta, et Annie sauta dessus :
-Vous avez une malade ? Demanda-t-elle.
-Non, une blessée. Lui expliqua l'inconnue.
-J'ai quelques talents de médecin. Je peux peut-être faire quelque chose.
Elle écarquilla les yeux, saisit vivement la main d'Annie, et la tira dans la direction vers laquelle elle provenait.
-Non ! On ne les connaît même pas ! Refusa Fearan.
-Je ne laisserai pas Kinie mourir de ses blessures ! Lui répondit avec colère la quarantenaire, sans même lui adresser un regard.
Myo s'engagea derrière les deux femmes, suspicieux à l'égard des hommes, et ne quittant par leur arc des yeux. La petite troupe s'engagea alors dans la fouilleuse forêt, menée par l'inquiète femme, qui progressait d'une démarche rapide malgré son âge.
-Mon nom est Adriane. Apprit-elle à l'herboriste.
-Annie.
Elles se serrèrent la main, et s'adressèrent un léger sourire.
-Excusez le comportement un peu hargneux de Fearan et Ethenol... Nous sommes à cran récemment. Nous sommes pourchassés par des Uruk-Kaï depuis plusieurs jours, et ce matin, le dernier membre de notre groupe, une jeune fille de votre âge, a été blessé à la hanche.
-C'est donc pour vous que ces monstres étaient là... Comprit la jeune femme.
Elle se tourna vers Myo, et lui expliqua, tout bas :
-Les Uruk en avaient après ces gens. Les monstres ont dû nous confondre.
-De toute façon, maintenant, on est avec eux, alors ça n'a plus vraiment d'importance.
Ils arrivèrent en vue d'une petite grotte, dont le toit protégeait de l'averse une jeune femme allongée sur un brancard de fortune. La quarantenaire présentée sous le nom d'Adriane accourut à son chevet. Elle lui saisit délicatement la main, et la porta contre son cœur.
-Ca va aller trésor, on a ramené quelqu'un pour te soigner...
Annie s'approcha de la blessée, et étudia son apparence : c'était une jeune fille rousse dont les traits harmonieux étaient crispés par la douleur. Elle portait une tunique de voyage trouée et déchirée, qui s'apparentait aux vêtements portés par le reste de son groupe. Un bandage ensanglanté entourait sa hanche. En le détachant, elle constata alors la profonde plaie.
-Elle n'est pas encore infectée... C'est une chance. Constata-t-elle. Mais il ne faut pas perdre de temps, quitte à faire les soins nécessaires ici. Je dois avec ce qu'il faut dans ma sacoche.
Curieux, Myo s'approcha, mais directement, le plus vieux des archers lui saisit l'épaule, et le retourna brutalement.
-Toi, tu vas guetter les environs avec nous, ordonna-t-il en lui pointant un index autoritaire sous le nez. Si vous restez, autant que vous soyez utiles.
Le jeune homme ravala un commentaire désobligeant, et hocha affirmativement de la tête. Il saisit alors sa hachette de la main droite, et se tint prêt à l'arrivée des Uruk-Kaï, avec la boule au ventre. Il n'avait eu que très peu d'affrontement contre les Orcs depuis le début de cette aventure, et encore ! Il n'en avait tué aucun ! A chaque reprise, on était venu à sa rescousse ! Et là, il était censé affronter des créatures encore plus redoutables.
-Hey, ça va ?
Il sursauta, et se retourna vers le garçon qui avait accompagné le prénommé Fearan.
-T'as pas l'air dans un meilleur état. Lui répondit Myo en le voyant trembler de la tête aux pieds.
-Tu m'étonnes... J'ai vingt-trois ans, et plutôt que de me trouver une femme et un foyer, je me retrouve à devoir affronter des monstres de deux mètres de haut, dans la nature hostile.
-Moi aussi, j'ai vingt-trois ans.
-C'est quoi ton nom ?
-Myo... Et toi ?
-Ethenol. Ravi de faire ta connaissance.
L'archer lui tendit la main. Le jeune s'apprêta à la saisir, quand il remarqua tout à coup, dans le dos d'Ethenol, une silhouette semblable à celles qui les pourchassaient plus tôt. Elle se trouvait à une centaine de mètre plus loin, entre deux arbres, et pointait une flèche dans leur direction.
-Derrière toi ! S'écria-t-il, les membres figés.
L'archer se baissa juste à temps. La flèche fila, et frôla son dos. Malheureusement, le projectile poursuivit son trajet, et vint alors se planter dans l'œil gauche de Myo.
Le jeune homme fut en proie à un choc terrible. Il eut une seconde d'incompréhension, avant de sombrer dans l'inconscience.
De son côté, Annie effectuait tous les soins nécessaires à la jeune Kinnie, malgré la situation quelque peu délicate qu'ils vivaient. Elle termina enfin son travail, releva la tête, et son cœur se souleva lorsque, sous ses yeux, son ami se prenait une flèche dans la tête. Elle poussa un cri de détresse, bondit au-dessus de sa patiente, et courut vers Myo. Une flèche était figée dans son orbite...
-On doit partir ! S'exclama-t-elle à l'adresse du groupe.
Les deux archers s'étaient mis à couverts derrière des arcs, et tentaient de contenir l'arrivée des premiers Uruk-Kaï. Heureusement, la pluie empêchait la plupart des autres flèches de les atteindre. Le jeune Ethenol rejoignit les femmes de son groupe, et, avec l'aide d'Adriane, souleva le brancard sur lequel reposait la dénommée Kinie.
-Monsieur ! Cria Annie à l'égard du dernier archer au combat. Je vous prie ! Prenez mon ami !
Il baissa les yeux sur le corps étendu au sol, et fronça les sourcils.
-Fearan ! L'appela Adriane. On doit partir, maintenant !
-Désolé, mais on peut pas s'encombrer d'un autre fardeau de plus, annonça-t-il en rejoignant son groupe.
-Quoi ?!
Il lui tourna le dos, laissant une Annie décontenancée. Non... Non, ce n'était pas envisageable. Son visage se transformant en masque de haine, elle saisit son couteau, s'approcha de Fearan par derrière, et lui posa brutalement la lame sous la gorge.
-Pas question ! Vous allez transporter mon ami ! Hurla-t-elle. Sinon c'est votre corps que je vais laisser pourrir ici !!
Ethenol et Adriane se tournèrent vers la scène, et affichèrent une mine terrifiée.
-Non ! Ne faîtes pas ça ! Le supplia le jeune archer.
-J'en ai aucune envie ! Mais j'en suis capable ! Vous ne me connaissez pas ! Alors vous allez porter Myo ! C'est un ordre !
-Je vais le faire ! Lâchez-moi !
La jeune femme le repoussa, et pointa vers lui son arme, au cas cet inconnu aurait simulé cette coopération. Il lui adressa un regard noir, puis s'approcha du jeune homme blessé, qu'il posa sur son épaule.
Enfin, la troupe déguerpit la zone, sous une gerbe de flèches. L'averse commença enfin à se calmer, tandis qu'ils débouchaient enfin à la lisière du bois. Quelques rayons de soleil virent leur caresser doucement leur visage. Ils suivirent la rivière tumultueuse sortant de la forêt, sous les conseils de Fearan, qui semblait être le chef de cette compagnie.
Annie jeta un œil derrière son épaule. Les Uruk-Kaï gagnaient du terrain. Elle ne s'attarda pas sur leur apparence, et fut prise d'une poussée d'adrénaline qui lui permit ee redoubler de vitesse.
-Ils nous rattrapent ! S'exclama-t-elle.
-On doit délaisser les poids morts ! Répondit avec colère Fearan.
-Pas question ! Rugirent simultanément Annie et Adriane.
Tout à coup, le son d'un cor résonna à travers les plaines, provenant de l'Est. Au loin se dessinait une troupe de cavaliers chevauchant dans leur direction. Leur longue lance étaient pointées en avant, et leur armure dans les coloris verts leur offraient un air terriblement menaçant.
-Les cavaliers du Rohan ! S'exclama Ethenol, impressionné.
La pression que ressentait Annie, depuis déjà un très long moment, s'évapora lorsqu'elle vit la troupe percuter violemment les Uruk, et les massacrer sans aucune pitié. Le chef du groupe s'exclama :
-On continue de courir ! Vite !
-Ces gens ne peuvent pas nous aider ? Demanda Annie en jetant un œil vers Myo.
-On continue de courir ! Répéta Fearan comme toute réponse.
Ils atteignirent une vallée escarpée, offrant un magnifique panorama sur la région se profilant sur cette frontière. En contrebas, la rivière rejoignait un grand fleuve. Derrière, des collines verdoyantes constituaient un environnement tranquille, où ils pourraient enfin se poser. Prudemment, les membres du groupe passèrent, sans blessure, cette descente rocheuse. Du coin de l'œil, Annie remarqua que la quarantenaire faiblissait à vue d'œil. Elle posa une main sur son épaule, et proposa :
-Laissez-moi prendre le relais.
-Prenez soin d'elle, s'il vous plaît.
La fille saisit les deux manches du brancard, et participa au transport de la blessée. Ils parvinrent devant le fleuve. Après vérification, Fearan leur annonça qu'ils auraient pied, et pourraient le traverser sans aucun soucis.
S'échangeant un regard entendu, Annie et Ethenol soulevèrent la civière au-dessus de leurs épaules, et passèrent sans difficulté le cours d'eau. Une fois que tous se retrouvèrent enfin sur la rive opposée, le chef dit à l'ensemble du groupe :
-On va s'arrêter ici.
Il déposa Myo sur le sol, et le laissa tel quel en rejoignant ses compagnons. L'herboriste s'approcha de son ami, et eut un haut-le-cœur en voyant d'aussi près la flèche plantée dans son œil. Par sa concentration, elle parvint à faire passer son instinct médical par-dessus ses émotions. Elle posa sa main sur le tube de la flèche, et ferma les yeux. D'un geste vif, elle ôta le projectile. Le cri du jeune homme résonna ses oreilles, et alors, elle ouvrit les paupières.
Un filet de sang s'échappait du trou où se trouvait précédemment l'œil du garçon. Elle se baissa à sa hauteur, et posa ses mains sur ses épaules.
-Myo ! Myo ! S'exclama-t-elle en l'obligeant à la fixer dans les yeux. Essaie de te détendre, je t'en prie...
-On... On est où ?
-En sécurité.
-J'ai mal...
La jeune femme fouilla dans sa sacoche, et saisit une fiole d'alcool, des pansements, et un coton.
-Ça risque de faire vraiment mal...
-Non... Non, fais pas ça...
Elle imbiba le coton d'alcool, espérant en avoir suffisamment après les soins apportés auprès de la jeune Kinie.
-Allez, courage. Murmura-t-elle.
-Non ! Hurla-t-il ! Non, pitié !
Elle posa le coton sur la blessure. Et au milieu des cris de souffrance, elle commença à la nettoyer.
-C'est nécessaire, ajouta-t-elle en le maintenant aussi fermement qu'elle le put.
Le jeune homme se débattait comme un diable. Alors, en haussant la voix, elle dit d'un ton tranchant :
-Si je ne la nettoie pas, ta blessure va s'infecter ! Donc tu vas me laisser faire, si tu tiens à la vie !
Les épaules de Myo s'affaissèrent, et son visage se crispa sous la douleur provoquée par l'alcool.
-Voilà, c'est mieux... Se réjouit Annie.
Durant une vingtaine de secondes, elle termina son travail avec douceur, et un regard toujous attentif. Puis, elle attacha délicatement le bandage autour du crâne de Myo et par-dessus son œil. Le jeune homme restait silencieux. Tout à coup, une froideur lui toucha la joue. Elle sursauta, et vit alors les doigts du jeune homme caresser doucement sa peau trempée, puis écarter une mèche blonde derrière l'oreille.
Les lèvres de la fille tremblèrent. Un léger sourire se dessina sur celles de Myo. C'était comme si la douleur de sa blessure s'était évaporée, comme s'il n'avait jamais perdu son œil. Il posa glissa sa main derrière sa nuque, et attira la jeune femme jusqu'à lui. Ils s'échangèrent un timide baiser, un simple contact entre leurs lèvres respectives. Mais rien que par cette action, le cœur de chacun battait comme jamais. Leur corps tremblait de partout, et leurs membres frigorifiés par l'humidité furent soudain traversés par une agréable chaleur.
Après plusieurs dizaines de secondes, ils se détachèrent de leur étreinte. Tous deux se fixèrent dans les yeux. Annie était toute rouge, et Myo arborait un mignon petit sourire.
-T'es à moi... Glissa-t-il d'un air taquin.
La jeune femme poussa un petit ricanement. Puis il saisit à deux mains le col de la veste de la tille, et l'attira vivement vers lui. Ils s'embrassèrent une nouvelle fois, avec une intensité nouvelle. Leurs fronts se rencontrèrent, leurs yeux se fermèrent, et leurs pulsions s'accentuèrent. C'était comme s'ils étaient seuls, sur cette rive. Mais très vite, la réalité revint à la charge, et les cris du groupe parvinrent à leurs oreilles :
-Il faut qu'on trouve un plan ! S'énervait Adriane. Ca fait trop longtemps qu'on voyage, sans même avoir un but ! Vous voyez ce que ça donne ! Hein ! La voilà blessée !
-Il n'y a rien à faire, alors cesse de jacasser de la sorte. Trancha Fearan.
-Oh, tu ne vas pas commencer à prendre tes grands airs avec moi ! Tu sais aussi bien que tout ça ne nous mène à rien !
-Je suis d'accord avec elle. Rester au Rohan ne me semble pas être une bonne idée. Renchérit le jeune Ethenol.
-Toi, tu l'as ramène pas ! Lui jeta l'archer d'un ton autoritaire.
Annie stoppa ses moments d'intimités avec Myo, se redressa doucement, et releva la tête en direction des inconnus.
-Pourquoi ne pas avoir demander de l'aide aux cavaliers tout à l'heure ? Demanda-t-elle d'une voix forte pour que tout le monde l'entende.
-Vous, taisez-v... Commença Fearan.
-Les villes de ce royaume ne veulent pas de nous. Leur expliqua Ethenol. Ils nous ont rejetés, et ces soldats ne peuvent rien pour nous.
-Eh, tu vas te taire ! S'agaça son compagnon en lui donnant une violente tape à l'arrière du crâne.
-Oh, c'est bon ! Se récria le jeune archer. J'ai quand même le droit de parler, nan ?! Tu vas enfin me laisser tranquille ?
-Pourquoi ils vous chassent ? Ça n'a pas de sens... Se troubla Myo.
Tout à coup, la jeune Kinie, jusqu'alors toujours demeurée silencieuse et isolée, se redressa, en poussant un profond gémissement, et croisa le regard du jeune homme.
-Parce qu'on a rien. Lui répondit-elle. Ils nous considèrent... comme étant des mendiants, et ne veulent... pas s'encombrer de nous.
Adriane se baissa à sa hauteur, et posa une main protectrice sur son dos.
-Repose-toi... Tu as encore du mal à respirer.
La jeune femme hocha négativement de la tête, sans quitter des yeux Myo.
-Je suis d'accord avec Adriane et Ethenol. Je ne veux pas rester au Rohan. Et si ces gens veulent bien rester avec nous, j'en serais ravie.
-Quoi ?! S'exclama Fearan. Attend, tu rigoles ! On a déjà plus de nourriture pour nous quatre, et tu veux qu'ils nous accompagnent ?
-Elle a les compétences requises pour me soigner. Répliqua-t-elle. Si tu veux partir, alors vas-y... Mais n'oublie pas la promesse que tu nous as faîte, à Adriane et moi.
L'archer posa ses mains sur ses hanches, et leva les yeux au ciel, en poussa un profond soupir.
-Nous effectuons actuellement un grand voyage, jusqu'à l'autre bout de la Terre du Milieu, à destination d'un village appelé Bree. Leur apprit Annie. Nous ne serions pas contre de la compagnie, si vous acceptez de venir avec nous...
-De plus, on a un peu d'argent, pour payer de la nourriture, ne serait-ce qu'un peu. Rajouta Myo.
Il sortit de sa poche la bourse d'or. Il fut parcouru d'un frisson, lorsque l'image du charretier Juke lui lançant cette bourse au visage, avant qu'une flèche ne lui transperce la tête, lui revint en mémoire.
-Je veux accompagner ces personnes. Déclara Kinie.
-Moi aussi, renchérit Adriane.
-Vous connaissez mon avis sur le sujet, compléta Ethenol en adressant une œillade chargée de colère au dernier membre de la compagnie.
Tous les regards furent tournés vers ce dernier. Il resta silencieux, les yeux fermés, la tête baissée, et ce, pendant de nombreuses secondes. Enfin, il annonça en un soupir :
-C'est d'accord. Nous vous accompagnerons, jusqu'à votre destination finale.
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| | | Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Re: En quête d'avenir Dim 3 Avr - 15:10 | |
| - Chapitre 10, Relations et souvenirs:
Dans les Terre Sauvages à l'Ouest de la Terre du Milieu, les voyageurs progressaient en file indienne sur les hauteurs d'un relief escarpé. Annie, fermant la marche, passa le regard sur chaque membre du groupe.
En tête, Fearan était un homme d'un âge assez avancé. Sévère, solitaire, souvent pensif, il avait conservé son titre de chef durant ces trois mois de route. Ses connaissances et son expérience de la survie s'avéraient être extrêmement utiles à leur progression. Il ne lui parlait pas souvent personnellement. La jeune femme jurait qu'il avait une dent contre elle. Ce comportement était sûrement dû aux échanges assez violents qu'ils avaient eu lors de leur rencontre, en particulier cette menace au couteau qu'elle avait été contrainte d'accomplir pour sauver Myo, et qu'il ne semblait toujours pas avoir digéré. De plus, cette longue période dans la nature avait fait pousser une épaisse barbe sur son visage, lui donnant un aspect encore plus hargneux qu'il ne l'était auparavant. Elle se contentait donc de l'ignorer, et de veiller au bon état de son ami d'enfance.
Ce dernier tourna la tête dans sa direction, et lui adressa un sourire. Elle le lui rendit, en pensant que ce jeune homme était le plus merveilleux compagnon au monde. Elle se remémorait les doux moments passés en sa compagnie. Même si, durant les premières semaines de voyage, leur amour fut mis de côté, au profit des soins et au repos qui étaient nécessaires à son rétablissement. De plus, le garçon avait eu certaines absences ou des trous de mémoire.
-C'est normal, lui avait assurée la jeune femme, un soir, blottie contre lui. Le choc a provoqué certains troubles à ton cerveau. Avec le temps, ces problèmes vont se stabiliser.
-Je te fais confiance...
-Tu peux. Je ferai tout ce qui est nécessaire pour te garder en bonne santé.
- J'espère que cette blessure a pas trop amochée ma tête... S'était-il inquiété. Tu me trouves repoussant ?
-Bien sûr que non. Ta tête, je l'aime sous toutes ses formes.
Elle avait déposé un doux baiser sur ses lèvres, puis glissé sa tête dans son cou.
-Où est ta chaîne ?
-Je l'ai perdu dans la rivière, au Rohan, quand j'ai failli me noyer. S'était-elle désolée.
Le jeune homme était demeuré compréhensif. Le reste de la soirée s'était conclue sur une foule de caresses et de mots doux, dont Annie se remémorait tous les détails. Chaque moment passé avec lui était tellement agréable qu'il lui donnait l'impression d'être sur un petit nuage, et ce, malgré les difficultés rencontrées : la faim, la fatigue, le manque d'hygiène et le caractère du chef du groupe à supporter.
Tout à coup, des pierres cédèrent sous un pas de Kinie, et celle-ci manqua de tomber dans le vide. Myo se retourna, et la rattrapa à temps.
-Stop ! Cria Fearan.
Il se tourna vers la jeune femme rousse, et posa une main sur son épaule, en lui jetant un regard interrogateur.
-Ca... Ça va, haleta-t-elle. Merci beaucoup Myo.
Le jeune homme lui adressa un sourire compatissant, et la compagnie reprit la route. De son côté, Annie avait légèrement rougie suite à cet échange. Lors du début du voyage, elle s'était surprise à ressentir une vive jalousie à l'égard de cette Kinie, lors des discussions que cette dernière entretenait avec Myo. Ils semblaient bien s'entendre, et riaient aux éclats à de nombreuses reprises.
Mais un jour, elle avait remarqué, avec une immense surprise, qu'elle et Adriane la doyenne du groupe, s'étaient échangées un baiser. Sans aucune honte, et sans même essayer de le cacher. Myo avait bien rit en remarquant son expression ahurie. Plus tard, elle avait pu discuter de ce sujet avec Adriane, en toute honnêteté.
-Je vous trouve vraiment courageuses d'assumer votre identité et votre relation. Lui avait-elle confiée. Je suis très heureuse pour vous.
-C'est pas souvent qu'on me dit ce genre de choses. Avait répondu la femme en écartant timidement une mèche grisonnante derrière son oreille. Habituellement, on nous insulte pour notre orientation sexuelle, ou même pour l'écart d'âge qu'il y a entre elle et moi. Mais ça s'est fait comme ça, nous n'y pouvons rien, et nous l'assumons. Pourquoi devrions-nous renier qui nous sommes... ?
-Cette façon de penser est très honorable. Je t'admire, Adriane.
-Merci Annie. Ça me touche beaucoup...
Tout comme la doyenne, l'herboriste entretenait de bonnes relations avec le dernier membre de la compagnie, lui faisant face dans la file indienne. Le jeune Ethenol était beaucoup plus silencieux et réservé que Myo, et était sûrement le membre le plus suspicieux de la compagnie. Il ne quittait que rarement son arc des mains, et guettait souvent les environs d'un œil attentif. Etrangement, il fut le premier à se tourner vers elle durant les deux premiers jours de proximité avec le groupe. Tous deux avaient longuement discuté de leur vie et de leur passé respectifs. Ils s'étaient avérés qu'ils avaient tous deux un objectif semblable : trouver leur place quelque part, et forger un avenir plutôt commun, dans un foyer et au milieu d'une famille.
Au fur et à mesure de leurs échanges, le jeune homme se livrait de plus en plus à elle. Il lui avait confié récemment qu'il avait beaucoup de mal à supporter l'attitude de Fearan. Ce dernier s'était avéré ne pas être son père, contrairement à ce qu'elle et Myo pensaient.
-Il me dit que je ne connais rien à la vie, et que je ferais mieux de garder le silence. Avait-il raconté avec agacement. « Qu'à mon âge, on ne devrait faire qu'observer, et attendre enfin le moment où ce sera notre tour d'agir ». Je ne supporte pas l'air supérieur qu'il a à mon égard. J'en peux plus.
« Ça nous fait un point commun » S'était dit Annie.
-Comment vous vous êtes rencontré ? Avait-elle demandé.
-Je mendiais à l'époque. Mon père étant mon seul parent et faisant partie de la cavalerie du Rohan, il venait de mourir et n'avait rien à me léguer. Fearan a croisé ma route, et m'a pris sous sa tutelle.
-Tu aurais pu refuser, si ce n'est pas ce que tu voulais...
-Au contraire ! C'est CE que je voulais. Je ne veux plus jamais retourner dans les rues. C'est... Un cauchemar, que je ne pourrais revivre. Là-bas, les gens te prennent de haut. Ils te crachent dessus, sous prétexte que tu « dégueulasses » les lieux publics. Ils sont cruels... Ils te reprochent de ne pas avoir d'argents pour te payer des vêtements présentables, mais lorsque tu cherches du travail, les employeurs te reprochent à leur tour que tu n'es pas assez présentable...
-C'est pour ça que tu as décidé de suivre Fearan.
-Il m'a appris plein de choses, certes, mais il m'a tout de suite fait comprendre la place que j'aurais à son égard. La présence d'Adriane et Kinie me permet parfois de me détendre, et d'avoir une compagnie un peu plus agréable.
-Je comprends... Ca ne doit pas être facile de se sentir rabaissé constamment.
-Vraiment pas, mais je m'en sortirai pas sans lui. Avait-il lâché en baissant les yeux. Je ne suis pas un survivant.
-C'est parce qu'il te fait penser ça. Mais peut-être qu'en réalité tu en es un ? Je ne te connais pas très bien, mais tu as certainement bien plus de ressources que tu sembles croire.
Gêné, il avait souri, et fui le regard d'Annie.
-Si tu veux, tu pourrais rester avec nous, lorsque nous serons arrivés à Bree. Avait-elle ajouté. Là- bas, ce n'est pas la même situation qu'au Rohan. On te proposera peut-être un travail.
-Ce serait une bonne chose. Avait-il conclu sans vraiment y croire.
Le chemin escarpé se termina enfin, débouchant sur un point de vue qui dévoilait le paysage sur plusieurs kilomètres. Annie s'approcha de Myo par derrière, enroula ses bras autour de sa taille, et posa son menton sur son épaule, avant d'admirer le panorama. Les cimes fleuries des arbres s'étalaient à perte de vue. Au loin, le soleil se couchait en projetant de magnifiques couleurs rosées sur le ciel.
-L'été vient... Murmura-t-elle à son oreille.
-Et les jours s'allongent enfin... Ça fait plaisir... Lui répondit Myo.
De son côté, Fearan, concentré, déplia la carte du continent, que lui avait confiée Annie, et l'étudia.
-Après avoir franchis cette forêt, nous aurons à traverser des marécages, et arriverons enfin en vue de notre destination, annonça-t-il. C'est la dernière ligne droite avant la fin de ce voyage.
Kinie poussa un cri de joie, et se jeta dans les bras d'Adriane. Myo jeta un regard à Annie, et remarqua son anxiété.
-J'angoisse à l'idée de retrouver mon père, expliqua-t-elle. Ça fait deux ans quand même...
-Pense à autre chose. De toute façon, tu connaîtras sa réaction que lorsque tu l'auras sous les yeux, pas avant, alors vaut mieux éviter d'y songer, non ?
-Tu as raison.
-En avant ! S'écria Fearan en reprenant la tête de la marche.
Ils poursuivirent leur route, jusqu'à parvenir à la lisière de l'immense forêt, aux dernières lueurs de la journée. Comme à leur habitude, chaque membre du groupe s'activa à la préparation du campement. Kinie ramena le bois et Myo les pierres nécessaires à la préparation du feu de camp, qu'Annie se chargea d'allumer. Le dirigeant du groupe s'éloigna, espérant chasser un gibier à faire cuire, et Adriane installa une tente de fortune avec Ethenol. Une heure plus tard, tous les membres du groupe se trouvaient serrés devant le feu, attendant le retour de Fearan.
Le ventre de Myo gronda bruyamment.
-Faîtes qu'il ramène quelque chose, par pitié... Dit-il, sous les rires de ses compagnons.
-Sinon j'ai toujours quelques racines dans mon sac, proposa Annie.
-Je ne veux pas être désagréable... Mais... Je préfère attendre de voir ce que va nous ramener Fearan avant de m'engager sur ce dangereux terrain. Plaisanta-t-il. C'est pas pour te déplaire, mais tes racines sont vraiment...
Elle lui donna un coup de coude, et fit la moue.
-Par contre, toi, je veux bien te manger... Ajouta-t-il en lui chatouillant la taille. T'es à croquer !
La jeune femme se mordit les lèvres, mais finit par éclater de rire. Elle supplia le garçon de se stopper, et parvint enfin à maintenir ses poignets. Tout en se redressant, elle reprit son souffle, puis s'excusa auprès du groupe pour cette scène un peu trop démonstrative.
-Oh c'est rien. Leur assura Ethenol. C'est même plutôt agréable de vous entendre rire. On a pas souvent l'habitude de rire quand l'Autre est dans les parages.
-Tu as vraiment beaucoup de mal à supporter Fearan ces derniers temps... Releva Kinie.
-Il m'insupporte. Souffla-t-il. Vivement qu'on arrive à Bree, que je me casse enfin !
-C'est vrai qu'on est souvent tendu en sa présence. Approuva l'herboriste.
-Vous exagérez ! S'exclama Adriane. N'oubliez pas qu'il nous apporte énormément en matière de survie. Et c'est un homme d'honneur. Lorsque nous nous sommes rencontrés, il nous a promis, à Kinie et à moi, de veiller sur nous, et jamais il ne nous a abandonné.
Annie releva les sourcils, mais n'ajouta rien. Elle se souvenait du jour où cet homme avait été jusqu'à proposer d'abandonner la jeune Kinie sur la route, au même sort que Myo, pour échapper aux Uruk-Kaï. Avait-il pensé à sa promesse ce jour-là ? Elle s'en fichait bien après tout. De toute façon, cette histoire ne la concernait pas.
-C'est mon anniversaire aujourd'hui. Déclara soudain Kinie.
Toutes les têtes se tournèrent vers elle. Un immense sourire se dessina sur le visage d'Adriane, qui lui donna une légère tape à l'épaule et lui reprocha :
-Tu aurais dû me prévenir ! J'aurais pu te trouver un cadeau !
-Nan... De toute façon, tant que tu te portes bien, je serais heureuse.
La jeune femme caressa tendrement la joue de sa compagne, sous le regard attendri des autres membres de la compagnie.
-Ça te fait quel âge ? Interrogea Myo avec curiosité.
-Vingt-cinq ans ! Le fameux « quart de siècle ».
-Joyeux anniversaire Kinie. Dit alors la voix de Fearan, déboulant de l'obscurité de la forêt, un cerf sur les épaules.
-Ouah ! Incroyable ! S'écria la doyenne en se levant, pour aider l'archer à déposer le gibier face au feu.
-On va pouvoir faire un festin pour cette occasion. Se réjouit Ethenol à l'adresse de la jeune femme.
-Sûrement pas ! Dénia le chef du groupe. On a déjà pas beaucoup de vivres, donc il est nécessaire de rationner pour le reste du voyage.
-Roh, on peut quand même profiter de temps en temps ! Contesta le jeune homme blond, en se détachant légèrement d'Annie.
-Ca va pas nous tuer de faire une petite soirée, sans rechigner sur les détails. Renchérit Ethenol. Allez! Lâche un peu de lest, pour une fois !
-Je sais mieux que toi ce qui est mieux pour nous. Déclara Fearan. On va s'en tenir aux apports habituels.
-Il a raison. Appuya alors Annie, à la surprise de tous.
Elle se racla la gorge, et poursuivit :
-Mon père disait souvent : « Ce sont souvent les moments de relâchements, que l'on finit toujours par regretter plus tard ». Nous aurons toute l'occasion de faire la fête à Bree.
Fearan remercia l'herboriste d'un signe de la tête. Mais de son côté, Ethenol adressait toujours un regard noir à l'adresse de son tuteur. Leur relation allait de mal en pis.
Ainsi, au cours de la soirée, avec l'aide d'Adriane, le chef se chargea de dépecer la bête, et de découper la viande de l'animal. Le jeune archer, irrité, se coucha sans même manger, aussitôt copié par une Kinie exténuée. Myo et Annie s'isolèrent du groupe. Le garçon s'assit en tailleur, et la jeune femme se posa derrière lui. Elle commença à raccourcir les longs cheveux blonds de son compagnon à l'aide de son couteau. Elle remarqua alors son humeur taciturne.
-Ça va ? Demanda-t-elle en posant ses mains sur ses larges épaules.
-J'ai un mauvais pressentiment...
-Comment ça ?
-Disons que... On a voyagé sans vraiment rencontrer des embûches, contrairement au Gondor et au Rohan. Imagine que ça nous tombe dessus, tout à la fin. Je le sens venir.
-Je ne vois vraiment pourquoi tu penses ça. Qu'est-ce qu'il pourrait nous arriver ?
-Je sais pas, c'est juste un pressentiment.
Elle déposa un baiser sur le haut de son crâne, et lui glissa d'une voix rassurante :
-T'as pas à t'inquiéter, je vais tout faire pour veiller sur toi, mon petit Myo. N'oublie pas que je suis une grande guerrière. Le moindre monstre qui veut s'en prendre à toi, je le réduis en poussière.
Le jeune homme pouffa de rire. La fille fut ravie d'être parvenue à le détendre. Puis, en baissant nonchalamment les yeux, elle remarqua une fleur, aux délicats pétales blancs. L'ôtant de la terre, elle la porta aux yeux de Myo, et lui demanda :
-Tu te souviens de cette fleur ?
Il la saisit entre ses doigts, et étira un sourire nostalgique.
-Je t'avais fait un collier avec ces fleurs, quand on était petits.
-Tu t'en souviens...
-Je me souviens d'énormément de moments passés avec toi étant petit. Tiens, en parlant de ça, tu te rappelles ce jour, où nous avions fait couler la barque du vieux Corbyn, après avoir tenté de trouer le fond de l'embarcation en espérant pêcher à l'intérieur ?
-Ah ah ah ah ! Je m'en souviens, oui ! Heureusement qu'on était près de la rive, sinon je me serais noyée ! S'esclaffa-t-elle.
-Cette époque a l'air tellement lointaine...
-Moi je me souviens sourtout des sorties que nous faisions dans les champs de blés, aux alentours de Desrien. Se remémora-t-elle. Là, sous le soleil brillant, je te racontais des histoires, que tu écoutais avec des yeux bleus brillants d'innoncence...
-On était vraiment proches à cette époque... Dit le garçon en poussant un profond soupir.
-Mais on l'est encore davantage maintenant.
Sur ces derniers mots, elle posa ses mains sur le bas de son menton, et tira doucement sa tête en l'air, avant de s'emparer de ses lèvres. Myo ferma les yeux, et attira lentement sa compagne dans ses bras. La jeune femme se laissa faire, et, en prenant tout son temps, elle glissa ses baisers jusque dans son cou, tout en passant sa main dans sa chevelure dorée. Alors, lentement, les doigts du garçon se baladèrent le long de ses épaules, puis sur ses courbes, si féminines... A ce moment-là, la paume de la main d'Annie se posa brutalement sur son torse.
-N'allons pas plus loin... Murmura-t-elle, gênée.
Il approuva doucement de la tête. Ils se comprenaient. Cette relation avait beau durer depuis trois mois, tous deux ne s'habituaient tout simplement pas au flot de nouvelles émotions qui animaient leurs corps. Jamais encore ils n'avaient encore connus de relations amoureuses avant celle-ci. Et la proximité de leurs compagnons de voyage n'était parfois pas du tout idéale pour oser franchir le pas. Ainsi, ils préféraient décaler leur « première fois » à leur arrivée à Bree.
-Je t'aime, Annie. Dit-il avec amour.
-Moi aussi. De tout mon cœur.
Ils se blottirent l'un contre l'autre. Les secondes passèrent, et Annie leva les yeux sur Fearan, qui était désormais le seul éveillé durant son tour de garde. Plus tard, ce serait à son tour de tenir ce poste. Elle ferma alors les yeux, profitant de ce court moment d'intimité, avec le plus aimant des hommes.
- Chapitre 11, Une histoire de plantes:
Les étincelles virevoltaient avec grâce, au-dessus des flammes dansantes. Annie admirait ce petit spectacle d'un sourire inconscient. Elle ne pensait à rien... Ce petit moment de calme et de solitude, durant son tour de garde, lui faisait beaucoup de bien. Elle ferma les paupières, et respira, longuement.
Un grondement ébranla soudain la région, la faisant sursauter. Au loin, à l'Est, des fulgurations claquaient violemment le ciel. L'orage frappait...
Une heure plus tard, tout le monde était éveillé. Les bruits assourdissants provoqués par le tonnerre empêchaient chacun de trouver le sommeil. Ainsi, ils restèrent assis en tailleur sur le sol, les yeux lourds, chargés de fatigue, baissés au sol, tandis que Fearan faisait les cent pas, impuissant.
A sa grande surprise, l'herboriste vit Kinie s'approcher d'elle. Elle n'avait pas beaucoup eu d'échanges avec cette fille au cours de ce voyage, seulement quelques banalités sans importance. Mais elles ne discutaient jamais de sujets très sérieux, contrairement à ce qu'elle avait l'habitude de le faire avec Ethenol.
-Je peux te dire deux mots ? Demanda-t-elle sans s'imposer.
-Bien sûr. Assieds-toi. L'invita-t-elle en tapotant le sol à ses côtés.
Elle s'exécuta, puis lui expliqua :
-Je ressens des douleurs au niveau de mon ancienne plaie, à la hanche.
-Depuis quand ? S'inquiéta l'herboriste.
-Quelques jours...
-Tu aurais dû m'en parler directement ! Fais-moi voir ça !
Elle releva légèrement son haut, dévoilant aux yeux d'Annie quelques rougeurs autour de la cicatrice.
-Hum... Une légère réaction. Je n'ai pas le traitement approprié, mais il est très simple à mettre au point. Il me faut des plantes particulières. Je pourrais même en trouver dans les parages, si j'ai un peu de chances ! La rassura-t-elle, tout en se relevant.
-Je veux t'aider. Laisse-moi t'assister dans tes recherches.
-Comme tu veux.
Elles annoncèrent à l'adresse du groupe qu'elles allaient s'absenter pour une heure ou deux. Fearan leur confia une torche, puis elles partirent seules, dans l'obscurité.
Les minutes durant, elles cherchèrent des herbes et des fougères à l'aspect particulier, les faisant s'éloigner de plus en plus du campement.
-Alors... Tu te sens bien dans ce groupe ? Demanda Kinie.
-Oui, ça va. Je m'entends avec à peu près tout le monde, même si je ne parle pas souvent avec certains.
-Ca m'est adressé... ? Hésita la jeune conjointe d'Adriane.
-Pas directement, mais bon... On parle pas vraiment, toi et moi. Après... ça dépend de ton état d'esprit. Si tu me vois juste comme un compagnon de voyage, je peux comprendre. On est pas obligée de se lier d'amitié.
-Non ! C'est pas ça... C'est juste que... En fait, tu m'intimides un peu.
-... Hein ? Je... Je t'intimide ? S'étonna-t-elle en fronçant les sourcils.
-Oui. Dans ta manière d'être. Je veux pas te blesser... Mais tu parais froide. Et tu me lances des regards assez durs par moments...
-Oh ! Ca ! Pouffa Annie. Je te prie de m'excuser pour ça. C'est juste qu'au départ, je savais pas qu'Adriane et toi étiez en couple. Et vu que vous aviez l'air de bien vous entendre, Myo et toi, eh bien, tu comprends...
Kinie sourit à son tour.
-C'est pour ça ! Ça m'étonnait, l'attitude que tu avais envers moi, mais je suis soulagée d'enfin comprendre cette réaction.
-Quelques fois, je suis encore jalouse, mais c'est plus fort que moi.
-J'ai pu constater ça ce matin.
-Je n'ai rien contre toi. Sincèrement.
-J'en suis ravie.
Kinie se baissa sur des broussailles, et saisit une plante particulière.
-C'est cette herbe là, non ? Interrogea-t-elle en la portant à la vue d'Annie.
-Exactement ! Oh... Tu es toute rouge. S'alarma-t-elle en posant sa main sur son front. Tu es fiévreuse ! Tu ferais mieux de te reposer. Retourne auprès des autres, je vais poursuivre seule la recherche.
-Tu es sû...
-Sûre et certaine. Allez... Fais ce que je te dis.
Pour l'encourager, elle posa sa main sur son dos, et la poussa légèrement en direction du campement. La jeune rousse finit par obtempérer. Elle tourna la tête vers Annie, et lui adressa ces dernières paroles :
-Je suis contente d'avoir pu parler en toute franchise avec toi. Et... Je me rends compte que je ne regrette absolument pas d'avoir proposé à mon groupe de vous accompagner, le jour on s'est rencontré.
Pour toute réponse, Annie lui présenta une accolade.
-Allez, file.
Elles s'échangèrent un regard amical, et Kinie revint sur leurs pas. Elle ne se doutait pas qu'au campement, la situation s'était considérablement envenimée.
Tandis que les deux jeunes femmes étaient parties à la recherche d'herbes, la terre s'était soudainement mise à trembler, et ce, à plusieurs reprises. Instinctivement, les hommes avaient sortis leurs armes.
-Ce sont les éclairs ? Gémit Adriane.
-Non. Quelque chose de massif se déplace ! Déclara Fearan.
-Cette chose doit bien peser plus d'une tonne pour causer des tremblements pareils ! S'exclama Myo.
-Des Trolls... Grogna le chef.
Un silence de marbre s'installa à cette nouvelle. Les Trolls étaient sûrement le pire des soucis qu'il puisse leur tomber dessus en cet instant. Ces bêtes monstrueuses et massives avaient la réputation de massacrer et dévorer toute viande pouvant remplir leur panse, et les humains n'y faisaient pas exception ! Et encore, ce genre d'activités ne concernait que les Trolls n'étant pas au service du seigneur des ténèbres.
-Non... C'est pas possible ! S'écria Ethenol d'une voix craintive. On les aurait entendus venir !
-L'orage a dû couvrir leur approche... Dit Myo.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda Kinie en déboulant au milieu du camp.
Tout en poussant un soupir de soulagement, Adriane se jeta dans ses bras, et la serra de toutes ses forces.
-Ça va ? Vous êtes pas tombé sur eux ? Où est Annie ?
-Heu... Oui. Annie est restée chercher quelques plantes... Mais... Mais qu'est-ce qu'il vous arrive ?
La terre s'ébranla à nouveau.
-On doit partir ! Maintenant ! S'écria Fearan.
-Très bien ! Je vais chercher Annie ! Annonça Myo en commençant à s'élancer en direction de la forêt.
Le chef du groupe le stoppa vivement, en lui saisissant l'épaule.
-Non ! T'as pas compris ! C'est trop tard pour ta petite copine ! On a plus le temps !
Le jeune homme se tourna vers les membres de sa compagnie en affichant une expression ébahie.
-Vous n'êtes pas sérieux ?! Vous allez pas abandonner Annie !
-Sûrement pas. Renchérit Ethenol en se plaçant aux côtés du jeune homme.
-Les Trolls ne se déplacent jamais seuls, et vivent essentiellement dans les forêts ! On doit poursuivre la route, et fuir en suivant le sentier. Développa Fearan. Tant pis pour Annie, elle s'est sûrement déjà fait bouloter à l'heure actuelle !
-Non ! Il n'y avait pas de Trolls là où nous étions ! S'exclama Kinie.
-Et alors ? Nous aussi, nous ignorions leur présence il y a encore cinq minutes, mais pourtant, ils sont bels et bien là !
-Mais... Hésita la jeune femme. Adriane... Qu'est-ce qu'on fait ?
Elle jeta à sa compagne un regard suppliant. La doyenne déglutit, ferma les yeux, et annonça d'une voix basse :
-Je ferai ce qu'il doit être fait pour sauver nos vies, à Kinie et moi. Et je suis navrée si cela consiste à abandonner notre amie à son sort. Je me fie aux conseils de Fearan. Il a toujours pris les bonnes décisions pour notre survie.
-Tu ne crois pas ce que tu dis j'espère ! Rugit Ethenol. Si je comprends bien, cet homme compte nous « sauver » la vie en sacrifiant délibérément l'un d'entre nous ?!
-Je le fais, car c'est la seule option, morveux ! Je sais mieux que toi ce qu'il vaut mieux faire dans ce genre de situ...
-Alors quoi, je devrais me taire ?! Tout le monde fait des erreurs dans la vie, personne n'est irréprochable. Alors arrête de me considérer comme de la merde, et constate ton erreur !! Pourquoi je te suivrais ? Parce que tu sais systématiquement mieux que les autres ? Parce que tu as affronté des centaines de Trolls dans ta vie ? Parce que tu as défié le Mal en personne ? Parce que tu as survécu à des températures intolérables pour l'être humain, et parce que tu es quelqu'un de fort, intelligent, pragmatique et que tu es une très bonne personne, ne voulant que bien aux autres ?
Le chef du groupe se pinça les lèvres. L'expression du jeune Ethenol traduisait une colère profonde à son égard, et lui répondre n'aurait eu aucune utilité.
-Vous êtes deux à vouloir partir, on est deux à vous rester. Concilia Myo, impatient de résoudre de conflit. Kinie. A toi de trancher.
Les regards se tournèrent vers la jeune femme. Une secousse, encore plus violente que la précédente secoua la lisière de la forêt. Les pensées de Kinie se bousculèrent. Les battements de son cœur s'accélérèrent, tandis que son stress montait comme une flèche.
-Je... Je...
-Kinie... Allez... La supplia Adriane. On ne peut toujours sauver tout le monde, tu le sais bien.
-Suis tes convictions. Ne garde pas ce choix sur la conscience. La résonna Myo.
Elle fit quelques pas en arrière, baissa la tête, et hocha négativement de la tête.
-Arrêtez de mettre ce choix entre mes mains... Je ne sais pas...
Elle croisa le regard de sa compagne, et fut tenter de suivre Fearan, quand tout à coup, les paroles échangées avec Kinie lui revinrent en mémoire. Quelle déception ce serait d'abandonner cette fille, qui avait tant pris soin d'elle, et avec qui elle commençait à tisser des liens d'amitié.
-Kinie, on peut plus attendre ! La bouscula Fearan.
-Je... Je crois que je vais suivre l'avis de...
Soudain, une énorme main se dévoila de l'obscurité des arbres, et s'empara de la jeune femme. Cette dernière poussa un cri de terreur, tandis qu'une effroyable créature se dévoilait à la lueur des flammes : trois à quatre mètres de haut, la graisse pendant inégalement sur son corps, une tête ignoble, à la mâchoire déformée et aux yeux globuleux. Un Troll. Adriane cria d'effroi, et tenta de courir au secours de son aimée, mais le chef la retint fermement pour l'empêcher de commettre cette folie. Ethenol banda son arc, mais n'osa pas tirer, de peur de toucher Kinie au milieu des larges gesticulations du monstre.
Sous les vociférations de désespoir de la doyenne et le regard horrifié du groupe, le Troll planta ses dents dans le corps de Kinie qui hurlait telle une furie, et l'arracha en deux. Adriane vacilla sur ses jambes, et s'écroula, les yeux embrumées de larmes, tandis que le colosse engloutissait l'une après l'autre chaque partie du corps de sa compagne.
-Non ! S'écriait-elle en tendant une main suppliante vers la créature.
Ethenol lâcha la corde de son arc, et sa flèche vint se planter dans son coude. Le Troll poussa un immense cri de douleur, et porta ses yeux dans sa direction. Directement, Myo saisit le poignet d'Adriane, et l'attira en dehors de l'affrontement. Ils s'éloignèrent à une dizaine de mètres du campement, et le jeune homme la fit s'asseoir contre un épais chêne qui la dissimulerait bien des yeux extérieurs.
L'expression de la femme était vide d'émotions. Le regard perdu, les lèvres tremblantes, le corps tétanisé. Faute d'essayer, il ne parvenait à se mettre à sa place. Lui aussi avait perdu des proches, mais n'avait pas eu le malheur de les voir mourir sous ses yeux. Et l'horreur qu'avait connue Kinie dans ses derniers instants était... Indescriptible. Il ne voulait certainement pas qu'Annie connaisse le même sort. Ainsi, d'une voix se voulant calme, il ordonna à la doyenne :
-Attend ici, jusqu'à ce que je revienne.
Ensuite, il s'élança en direction des bois, en tenant bien fermement sa hachette à la main. Sans réfléchir au danger et aux risques encourus, il hurla le nom de sa bien-aimée, tout en poursuivant sa course entre les arbres.
Il découvrit à sa plus grande terreur, la jeune femme, perchée à la cime d'un grand arbre. Un autre de ces Trolls secouait le tronc de toutes ses forces, qui n'allait pas tarder à céder.
Sans hésiter, le garçon se glissa jusqu'aux jambes du molosse, et planta avec brutalité sa hachette dans sa cheville. Un hurlement déchirement lui vrilla les tympans, et la seconde suivante, un choc extrêmement puissant le frappa. Il vola sur plusieurs mètres avant s'écraser au sol.
-Myo ! Beugla Annie.
Le coup du Troll l'avait soit tué, soit mis en état d'incapacité de se relever. Le jeune homme ne bougeait plus. Priant pour que son compagnon ne soit qu'assommé, la fille bondit à la cime d'un autre arbre, tandis que le précédent tombait lentement au sol sous les coups du monstre. Elle peina à s'agripper aux branches qui craquaient sous son poids, et c'est le cœur serré par la peur, qu'elle lutta seule pour sa survie.
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| | | Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Re: En quête d'avenir Lun 11 Avr - 17:28 | |
| - Chapitre 12, Dévastés:
Le Troll en pleine charge défonça les arbres sur son passage, et manqua de renverser le jeune Ethenol. L'archer s'était jeté au hasard sur le côté, et avait atterri sur le feu de camp.
Sa cape commença à s'enflammer et sa peau à piquer. Il détacha avec précipitation ses vêtements en feu, et recula en titubant, jusqu'à se cogner contre le tronc d'un arbre. L'effroi s'empara de lui, lorsqu'il vit le monstre face à lui, le fixant droit dans les yeux. Seuls quelques mètres les séparaient. En cet instant, le garçon pensa vivre son dernier instant.
Fearan, de son côté, avait longuement débattu intérieurement. La possibilité de s'enfuir, et de laisser l'intégralité de son groupe comme pâtures aux Trolls, lui aurait sûrement garantit la vie sauve. Mais avoir vu Myo mettre la doyenne du groupe à l'abri, ravivait en son esprit sa promesse à l'égard d'Adriane et de sa défunte compagne, Kinie.
Voir son filleul, en proie à cette massive créature, fut le poids qui fit pencher la balance. Le visage terrorisé d'Ethenol ranima en lui une émotion qu'il se manifestait quasiment jamais : l'affection. Il ne pouvait laisser mourir ce jeune garçon, qu'il avait pris sous son aile, et à qui il avait apporté tant de connaissances.
Vivement, il saisit une flèche dans son carquois, la porta à son arc, et tira avant que le Troll ne porte attaque fatale contre son jeune héritier. Elle se planta partiellement dans son énorme cou. La bête pivota et poussa un nouveau hurlement. Fearan ne perdit pas une seconde, et envoya un second projectile venant se figer dans sa joue.
Le Troll fonça vers à toute vitesse. Lorsqu'il parvint à sa hauteur, il balaya sa main droite pour le saisir. Habilement, l'homme l'esquiva en s'accroupissant, et s'engouffra dans la faille dévoilée par le monstre. Il lâcha son arc, et dégaina ses deux couteaux, avant d'en planter sauvagement les lames dans son genou droit. Surpris, la créature battit sa jambe de haut en bas en rugissant d'impatience, espérant détacher ce petit homme.
Afin d'éviter de se retrouver pris au piège, Ethenol avait profité de l'aide inattendue de son protecteur pour se dissimuler derrière un arbre défoncé, et viser avec précision la tête du monstre de son arc. Manqué. Il toucha sa hanche. Et devant l'indifférence que témoignait le Troll à l'égard de cette blessure, il répéta l'action plusieurs fois. Ses flèches se plantèrent respectivement sur son épaule, sa poitrine, et manqua de peu de toucher Fearan, qui accaparait actuellement toute l'attention du colosse. Mais rien à faire... La corpulence de leur adversaire lui offrait une incroyable résistance face aux projectiles utilisés.
Pendant ce temps, les flammes du feu de camp se répandaient dangereusement parmi la verdure. Une idée risquée traversa l'esprit du jeune archer. Comme les simples flèches semblaient avoir un impact beaucoup trop insignifiant sur le monstre, peut-être le résultat serait-il différent si elles étaient enflammées ?
Il saisit l'une des dernières flèches de son carquois, déchira une bande de tissu de sa chemise, et l'enroula autour du pic. Puis, il respira un bon coup, et courut en direction des flammes. Le garçon devait faire vite, étant à découvert, le monstre risquait à tout moment de le saisir. Il tendit sa flèche en avant, et le tissu commença à s'embraser.
-Ethenol attention ! Cria la voix de Fearan.
Le jeune homme tourna la tête, mais il fut trop tard. La puissante main du Troll le frappa et le repoussa sur plusieurs mètres. Il finit allongé sur le ventre, le corps entièrement douloureux. Et pourtant, sa volonté de vivre fit qu'il se redressa sur ses coudes en gémissant. Il croisa le regard inquiet de Fearan.
Ce dernier, toujours accroché au genou du monstre, poursuivit avec acharnement sa lutte pour sauver son protégé. Il poignarda cette jambe massive, en hurlant de rage pour attirer l'attention de la créature. Du sang de Troll recouvrait désormais entièrement son visage de haine, et plus rien ne l'empêcherait de se battre pour la survie d'Ethenol. S'ils parvenaient à s'en sortir tous les deux, leur relation changerait. Il s'en fit la promesse.
De son côté, le jeune homme se traîna avec difficulté jusqu'à son arc et la flèche enflammée reposant au sol. L'attitude du chef de la compagnie l'intriguait certes beaucoup, mais l'encourageait à poursuivre le combat. L'image de Kinie passa dans sa mémoire. Serrant les dents, il parvint à poser un genou au sol, tenir droit son arc, l'armer de sa flèche enflammée, et pointa le monstre. Il coupa ses sens à son environnement, ferma un œil, retint sa respiration... Et tira. Cette fois-ci, il atteint l'œil gauche du Troll.
Le feu dévora une partie du visage du monstre, lui arrachant des vociférations qui hanteraient à coup sûrs les rêves des deux archers. Mais à leur grand détriment, la bête se tenait toujours debout.
-Non... Murmura Ethenol.
A bout de forces, le jeune homme se laissa tomber au sol. Sous ses yeux impuissants, le monstre, encore plus énervé qu'il ne le fût déjà, frappa sa jambe droite contre le tronc d'un arbre. Sonné, Fearan lâcha enfin prise, et s'écroula aux pieds du Troll.
La scène sembla tourner au ralenti pour le garçon. La créature leva lentement la jambe au-dessus du chef du groupe, et, brutalement, écrasa son pied sur lui, dans un affreux bruit de bouillie. Du sang, des organes et de la terre s'éparpillèrent tout autour d'eux. Par instinct de survie, Ethenol surpassa son traumatisme, et roula sur sa gauche. Il tomba à l'intérieur d'un trou sous une souche d'arbre. Là, il était à couvert et en sécurité, du moins pour l'instant. Il enfouit ensuite son visage dans ses mains, et tenta de reprendre contenance.
Dans un lieu peu éloigné, Myo quant à lui reprenait doucement ses esprits. Les appels d'Annie finirent de le faire réagir. Il se releva précipitamment, et manqua de s'écrouler une nouvelle fois en constatant la faiblesse de son corps. Chacun de ses membres grelottait, et sa vue se troubla un instant.
-Annie ?! Appela-t-il.
Un grand fracas frappa le sol sur la droite. Il se tourna, et vit le Troll abattre un à un chaque arbre. Il aperçut entre les feuillages une tignasse brune, et s'écria alors, d'une voix forte :
-Hey ! Par ici !
Il agita les bras en l'air, et continua de héler le monstre, qui daigna jeter un coup d'œil vers le jeune homme. Cette proie de choix, à découvert, et déjà blessée par-dessus le marché, était peut-être plus intéressante que cette frêle humaine qui bondissait d'arbre en arbre. Il opta finalement pour le jeune garçon blond, et se lança à sa poursuite.
Annie ne tenta pas de retenir cette créature. Bien qu'elle se fasse du souci pour son compagnon, ce dernier était en bien meilleure posture qu'elle ! Ainsi, elle profita de ce moment de répit pour confectionner une arme, dont l'utilisation pourrait s'avérer puissante, en ce moment d'urgence. Et pour mettre son plan en marche, l'incendie qui commençait à se propager au loin allait lui être bien utile.
Dès l'approche du colosse, Myo détala comme un lapin. Mais la course poursuite s'avéra être l'une des plus angoissantes qu'ait pu vivre le jeune homme. Tandis qu'il était contraint de faire des virages et enjamber des obstacles, le Troll progressait en ligne droite, défonçant tout sur son passage. De plus, ses grandes enjambées permettaient de rivaliser face à la rapidité du garçon.
Malheureusement, le monstre gagnait de plus en plus d'avance. En jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, Myo comprit que s'il ne trouvait pas une solution très bientôt, l'impact serait inévitable. Tout à coup, il remarqua ce gros trou sous une souche d'arbre. Sans hésiter, il plongea à l'intérieur, tandis qu'au même moment, le Troll rasait l'emplacement où il se trouvait une seconde auparavant.
-Ethenol ?
-Myo ?
Les deux garçons se fixèrent. Un étrange mélange de soulagement et d'angoisse se dégagea de ces retrouvailles précipitées. Soulagement de se savoir mutuellement en vie, mais l'angoisse de constater que chacun se retrouvait seul, non accompagné par ses compagnons respectifs. Serrés dans ce trou devenus trop étroit pour eux deux, ils n'osaient plus bouger. Le jeune archer demanda d'une voix tremblante :
-Annie est... ?
-En vie. Et les autres ?
-Fearan a...
Il fut pris d'une nausée, et vomit sous les yeux de son compagnon. Des larmes glissèrent lentement sur ses joues sales. Il poursuivit, lorsqu'il eut repris un peu plus d'aplomb :
-Il est mort. Et Adriane, je sais pas où elle est...
-Les Trolls sont deux. Déclara Myo.
-C'est ce que j'ai cru comprendre.
-On peut pas rester là. Les filles ont besoin de nous.
-Qu'est-ce qu'on est censé faire ? Gémit Ethenol. On a tiré... Je sais pas combien de flèches sur l'un de ces monstres... Et c'est comme si il n'avait rien subi !
-On les retrouve, et on s'en va. Il est pas nécessaire de les affronter.
-Hey ! Par ici ! Cria tout à coup la voix perçante d'Annie.
Les poils de Myo se dressèrent. Sans même attendre une réaction de son compagnon archer, il sortit de sa cachette, et s'élança en direction de la voix.
-Ouhouh ! Continuait de s'exclamer l'herboriste dans la nuit noire.
Les tremblements continuaient de secouer les environs, rendant la recherche beaucoup plus difficile pour le garçon. Plus loin, il constata qu'un incendie commençait à ravager la lisière de la forêt. Un nouveau cri d'Annie se répercuta. Et... Il semblait provenir des flammes ! Mais quelle folie l'avait-elle prise ?
Soudain, une déflagration secoua la partie de la forêt en feu, et s'en suivit une énorme secousse. Sous l'effet de l'adrénaline, Myo ignora la douleur qui frappait son corps, et accourut au lieu de l'explosion. Il constata alors avec surprise que l'un des Trolls se débattait sur le dos, et la moitié de son corps était marqué de brûlures. Il semblait avoir pris l'explosion de plein fouet. Peu importe l'origine de cette forme de destruction... L'un des colosses était à sa portée et il fallait tirer profit de sa faiblesse. Il s'approcha de la tête du monstre qui grognait de colère. Marchant lentement, il marqua bien dans son esprit l'image de sa première victime. Une fois positionné devant son crâne, il leva sa hachette, et l'abattit durement sur son front. Du sang noir jaillit, et termina de salir entièrement son revêtement.
De son côté, Ethenol avait pris soin de contourner l'incendie. Il avait remarqué une forme humaine présente derrière les flammes. Il y retrouva Annie, fixant avec une concentration particulière le milieu du carnage. Dans ses mains se trouvaient d'étranges boules de tissus qui semblaient être remplies de différents produits. Enfin, la jeune femme pivota vers lui, et, à sa grande surprise, vint le serrer dans ses bras.
-Tu t'en es sorti... Murmura-t-elle, soulagée.
-Je ne peux pas en dire autant de Faeran et de Kinie.
Elle haussa les sourcils avec étonnement.
-Kinie est... Oh... Non... On venait juste de...
Elle se baissa légèrement sur ses genoux, et posa ses mains sur ses tempes. Cet épisode était en train de se transformer en véritable boucherie... Mais pourquoi donc Fearan les avaient-ils conduits ici ? Avait-il pris conscience du danger présent ?
-Annie... Annie ! C'est pas le moment ! On doit rester concentré ! La secoua le garçon.
-Ou-Oui... Tu as raison.
Elle reprit sa position, et plissa les yeux à travers les flammes. Elle repéra alors Myo. Ce dernier enfonçait son arme dans la tête du Troll. Celui qu'elle avait renversé précédemment avec ses armes artisanales.
-On en a eu un. Déclara-t-elle en affichant un sourire triomphant.
-Comment ?! S'écria Ethenol, décontenancé.
-Ça.
Elle démontra ses tas de poudre enroulées dans du tissu, qu'elle avait dans les mains.
-J'ai mis toute ma réserve de poudre pour fabriquer ces genres de bombes. Au contact du feu, elles explosent. Bon... Expliqué comme ça, c'est peut-être tiré par les cheveux, mais ça marche ! Tiens !
Elle plaça deux bombes dans les mains de l'archer, et lui adressa un regard sérieux.
-Essaie d'attirer le dernier dans le feu, et une fois que c'est bon, tu lui balances ça à la gueule. Radical.
Sur ces ordres, elle s'élança au milieu des flammes, espérant atteindre Myo. Tandis qu'elle esquivait les flammes se propageant de plus en plus dangereusement, son esprit se porta sur ses proches. Elle faisait taire sa peur au plus profond de son cœur, espérant rendre son père fier. « Quand tu veux ou dois faire quelque chose, n'hésite jamais » disait-il. « Même si c'est sur un coup de tête, fais-le. Hésiter, ça n'apporte jamais rien de bon. Fonce. Ce n'est qu'en prenant des initiatives que l'on survie. Reste en vie, Annie. Surtout. Reste en vie. »
Lorsqu'enfin, elle atteignit la hauteur de son compagnon, elle lui saisit la main au passage, et sans s'arrêter, le tira hors de l'incendie.
-C'était toi l'explosion ? Cria-t-il au-dessus du boucan infernal autour d'eux.
-Oui !
Des déflagrions survinrent sur leur droite. Une forme massive se dessina à travers les flammes. Annie stoppa leur course, et posa l'une de ses deux bombes dans la main du jeune homme.
-Lance ça vers le Troll. Et ne discute pas.
Il hocha affirmativement la tête, et tous deux lancèrent simultanément leur projectile vers le colosse. Un tremblement frappa à nouveau le sol, signalant la neutralisation du second monstre.
-On quitte la forêt ! Hurla la fille.
-Et les autres ?!
-Ils nous rejoindront ! Trop dangereux de les rechercher dans ces conditions !
-Mais... Mais j'ai dit à Adriane que...
-Ecoute ! S'écria-t-elle en le fixant droit dans les yeux. Si Adriane voit que le feu s'avance vers elle, elle va sûrement pas rester là où elle est ! On peut pas prendre tous les risques pour les autres ! Il faut qu'ils sachent se débrouiller, un peu ! Donc maintenant, c'est dit, on quitte la forêt !
Main dans la main, les deux amis d'enfance entreprirent la traversée de l'incendie. Quelques minutes plus tard, c'est en un seul morceau qu'ils parvinrent à sortir enfin de ce chaos, le corps couvert de sang, de boue et de cendre.
Ils s'empressèrent de plonger leur corps dans l'eau du fleuve. Leurs muscles tétanisés se détendirent, et la crasse s'éparpilla peu à peu dans les remous du cours d'eau. La foudre avait cessé de tomber, et le soleil commençait à se dévoiler derrière les hauts reliefs qu'ils avaient franchis la veille. Les rayons de lumière caressèrent doucement leur peau parsemée d'égratignures et de bleus.
-J'en ai marre des situations extrêmes. Lâcha le garçon.
-A l'aide... ! A l'...
Ethenol et Adriane débouchèrent de la lisière, dans un état pitoyable. Le jeune homme tenait la doyenne par la taille. Rapidement, Myo et Annie se précipitèrent à leur rencontre. Adriane n'était pas blessée, mais semblait en réel état de choc.
Myo posa ses mains sur les joues noircies et baignées de larmes de la doyenne, et la fixa droit dans les yeux. Les lèvres du jeune homme bougeaient, mais aucun son ne parvenait à ses oreilles. Elle hocha affirmativement de la tête pour toute réponse. Et maintenant... ? Quel autre malheur allait leur tomber dessus... ?
- Chapitre 13, La Guilde des marchands:
Le désespoir et la mélancolie. Telles étaient les uniques compagnes d'Adriane. La perte de Kinie traduisait la fin d'un cycle de sa vie. Un merveilleux cycle, rempli d'un amour démonstratif et engagé. Un cycle rempli de projets d'avenir, et d'espoirs pour un avenir meilleur. Le cycle de l'acceptation. Depuis toujours, la société l'avait placé dans des contraintes et des conditions à respecter pour être acceptée. Elle avait ainsi renié pendant très longtemps sa véritable identité. Mais cette jeune fille rousse avait su ouvrir son cœur, et dévoiler ce qu'il y avait de plus vrai en elle... Au diable l'avis de l'entourage, au diable les normalités. Elle l'aime.
Elle l'aimait... Myo, s'étant rapproché de leur couple durant leur voyage, avait pourtant tenté de lui apporter du réconfort.
-Elle était de nature discrète et réservée, mais elle avait toujours cette chaleur en elle... Se rémora-t-il, assis sur une bûche de bois à ses côtés. Maintenant qu'elle est partie, cette chaleur s'est installée en toi. Laisse-la s'infiltrer dans ton cœur. Il n'y a que comme cela que tu chasseras ce chagrin. Les personnes que l'on perd, elles continuent de vivre, à travers nos souvenirs, mais aussi et surtout à travers l'affection, la chaleur que l'on avait pour eux. Elle demeure en nous, même après leur mort. C'est ce qu'il m'est arrivé avec mes parents.
La doyenne sécha ses larmes.
-Tes parents sont morts ? Demanda-t-elle, sur la réserve.
-Oui. Il y a plusieurs mois.
-Co-Comment fais-tu pour surpasser ton chagrin ?
-Je pense à ce qu'ils pourraient me dire après leur mort.
-Et que diraient-ils ?
-D'être fort, je suppose. Je dois l'être, pour veiller sur Annie, comme elle le fait pour moi.
-Je ne suis pas forte, Myo...
-Ecoute-moi.
Il cueillit l'une des mains crispées de la doyenne entre les siennes, et déclara d'une voix encourageante :
-Je sais que ça peut paraître assez prétentieux qu'un gamin comme moi te fasse la leçon... Mais mon père répétait souvent que personne n'est faible. Que chacun possède une force en lui, qui n'attend qu'à être exploitée. Nous n'avons pas besoin de quelqu'un, ou de quelque chose, pour avancer et franchir les obstacles qui se dressent sur notre vie. Dans les pires passages de notre existence, il existe souvent deux possibilités. Soit nous prenons conscience de notre force, et nous nous relevons, malgré la difficulté, pour continuer à subsister sur cette terre. Ou soit nous nous laissons au contraire écraser par cette terre, et restons dans la faiblesse. Et souvent, seule une chose influence cette réaction finale.
-Laquelle ?
-L'espoir.
Adriane serra le jeune homme dans ses bras, et éclata en profonds sanglots.
L'accablement et le regret. Ces sentiments accompagnaient continuellement Ethenol. Le sacrifice de Fearan l'avait profondément marqué, et la scène de sa mort repassait inlassablement dans sa tête. Cet homme, qu'il avait détesté, maudit et injurié, et contre qui il s'était révolté dans les derniers moments de sa vie, avait pourtant choisi d'échanger sa vie contre sa survie. Le jeune archer se rendait alors compte qu'en réalité, il ne connaissait rien de son tuteur. Ou plutôt devait-il dire son père adoptif : être prêt à tous les sacrifices pour ses enfants, c'était le comportement d'un père.
-Je ne me serais jamais attendu à un tel choix de sa part. Avait-il confié à Annie tandis qu'ils se prélassaient sur la rive du fleuve.
-Comme quoi, on ne connait jamais réellement les gens. Ça va ? Tu tiens le coup ?
-Je regrette amèrement les dernières paroles que j'ai eues avec lui.
-Je te comprends. Moi aussi... Ma dernière discussion avec mon propre père ne s'est pas déroulée aux beaux fixes.
Il pencha la tête, anxieux. Il osa finalement demander :
-Il est... ?
-Vivant. Enfin... Je crois.
Elle balada son regard parmi les remous de l'eau sur les galets, et soupira.
-Enfin... Personnellement, ton comportement ce soir-là m'a beaucoup touchée. Avoua-elle en arborant un sourire involontaire. Tu t'es interposé contre lui, pour venir à mon aide. C'est le genre d'initiative que j'apprécie énormément.
-Je n'étais pas le seul. Myo a été le premier à vouloir te chercher.
-Oui. Sans lui, je ne serais sûrement pas à côté de toi sur cette plage... Dit-elle, rêveuse.
-Je n'en reviens toujours pas... Il s'est fait tuer... Avec une telle violence... Je...
-Ne tiens pas une fixette sur les circonstances de sa mort. Ordonna-t-elle formellement, en reprenant une voix autoritaire. Accorde d'avantage d'importance à son dernier acte, qui aura été de celui de te sauver.
-Tu as raison.
Il se tourna vers Annie, et posa sa main sur la sienne.
-Hé... Je suis content que tu sois là. Merci de prendre du temps pour me consoler.
-C'est... naturel. Balbutia-t-elle en ôtant sa main de la sienne.
Un raclement de gorge, dans leur dos, les fit sursauter. Myo se tenait droit, les bras croisés, et les fixait froidement.
-On reprend la route. Annonça-t-il sèchement.
-Comment va Adriane ? S'intéressa l'herboriste.
-Elle est en état de reprendre la route. Rassemblez vos affaires, on s'en va.
Il pivota et s'éloigna d'un pas frustré. Annie s'excusa auprès d'Ethenol, et s'élança sur les talons de son compagnon. Elle le rattrapa à la lisière de la forêt noircie par l'incendie, et le vit en train de surveiller le sentier.
-Hé. Lança-t-elle.
Il se retourna, et fut surpris de découvrir le couteau portant les initiales REV.E juste en dessous de sa jugulaire. Il croisa le regard noir de la jeune femme.
-Ne t'avise pas de faire ton petit chef, comme le faisait Fearan. Dit-elle. On a vraiment pas besoin de ça, surtout maintenant. Les décisions seront prises collectivement, c'est clair ?
-O-Oui... Est-ce que... Tu peux baisser ton...
Un sourire taquin se dessina sur les lèvres d'Annie, qui baissa son couteau et lâcha un rire franc.
-Je rigolais ! Lâcha-t-elle. Tu crois quand même pas que j'étais prête à te trancher la gorge ? Si ?
-C'est de mauvais goût, ta blague... Grogna-t-il en massant sa jugulaire.
-Par contre, je blaguais pas concernant le message. T'as pas intérêt à avoir cette attitude avec moi. Me considérer comme une petite merde comme tu l'as fait, c'est inacceptable.
-Je suis désolé... Mais pourquoi vous vous teniez la main, Ethenol et toi ?! Je suis censé comprendre quoi ?
-Oh non... S'il te plaît... Pas d'histoire de triangle amoureux. Soupira-t-elle en posant ses mains sur ses joues et en y déposant un baiser. C'était un geste d'amitié... Enfin je crois. Il se confiait à moi. Mais tu n'as pas à t'inquiéter. Il n'y a que toi pour qui j'éprouve des sentiments amoureux. Toi seul. Compris ?
Myo acquiesça avant d'échanger un dernier baiser avec cette farouche femme qu'il aimait. Décidément, ce caractère affirmé lui plaisait beaucoup.
Durant les deux semaines qui suivirent, la route se déroula sans autre embûche, mais dans un silence pesant. Adriane pleurait souvent sans que l'on puisse la consoler. Ethenol était songeur et avait souvent l'air absent. De plus, sa prudence habituelle n'était plus, et son arc demeurait toujours dans son dos. Annie et Myo n'osaient plus vraiment s'échanger de marques affectives en présence de leurs compagnons en deuil. Ainsi, ils traversèrent la forêt dense, puis franchirent des marais périlleux, dans une ambiance extrêmement morne.
Le fait d'avoir rationnalisé la nourriture s'était finalement avéré être la meilleur chose à faire. Lors de la dernière étape de leur périple, qui consistait à traverser les collines entourant le village de Bree, ils ne disposaient plus d'aucune nourriture. La nuit commençait à tomber, et la fatigue guettait chaque membre du groupe.
-Il faut qu'on s'arrête. Déclara Annie à l'oreille de Myo. On en peut plus.
-Mais on meurt de faim... Répondit-il. A mon avis, il faut qu'on progresse, jusqu'à arriver à Bree. Là-bas, on pourra manger.
-Hey ! Venez voir ! S'exclama Ethenol.
Les deux jeunes personnes s'approchèrent de l'archer. Ce dernier pointa un lieu en contrebas. A leur grande surprise, ils aperçurent qu'une communauté avait établi un vaste camp au milieu de la route. Des hommes, des femmes et des enfants se déplaçaient parmi les différents feux de camps disséminés entre des petites tentes, des charrettes et des paquets de marchandises.
-Sûrement des commerçants. Supposa Annie.
-Nous pourrions aller les voir. Proposa la doyenne. Ils n'ont pas l'air menaçant, j'entends des rires.
La compagnie s'engagea donc tranquillement à la rencontre de ces étrangers. A leur approche, une certaine méfiance s'installa parmi cette communauté. Une mère rappela sa fille qui s'approchait d'eux avec curiosité. Un chien détala en glapissant. Un groupe de vieillards barbus s'écartèrent à leur passage en leur jetant un regard de travers.
-Pas très accueillants... Chuchota Myo.
-Faut voir aussi notre aspect. On a encore du sang sur nos tenues... Tu m'étonnes qu'ils soient méfiants. Répondit Annie.
Un homme de deux mètres de haut s'interposa soudain sur leur passage, avec un air menaçant.
-On veut pas d'ennuis ici. Déclara-t-il.
-Ça tombe bien, nous non plus. Répliqua l'herboriste.
-On vient juste chercher un peu d'aide. Concilia Myo. On termine actuellement un très long voyage, qui a duré trois mois... Et, nous sommes à bout, depuis la perte de deux de nos compagnons. Nous avons faim et nous avons besoin de sommeil, alors je vous en prie, aidez-nous.
Le géant demeura songeur. Son regard glacé passa sur chaque membre du groupe, en s'attardant plus longuement sur les deux jeunes hommes.
-C'est à mon chef de prendre ce genre de décisions. Je vais vous mener à lui, mais vous ne pourrez pas garder les armes que vous portez sur vous.
Myo et Ethenol se débarrassèrent respectivement de la hachette et de l'arc, puis tous suivirent docilement l'étranger, qui les guida à travers les différents passages du camp. Les voyageurs installés ici piquaient actuellement le sol de torches et se glissaient dans leurs tentes, alors que l'obscurité s'installait entièrement sur les collines. La douce lumière des flammes apportaient un certain confort, bien qu'infime, aux quatre aventuriers. Ils avaient vécu dernièrement dans l'ombre et dans le froid, et la présence de ces torches leur apporta du baume au cœur.
Ils furent menés devant un groupe d'hommes, partageant gaiement un tonneau de bière.
-Hawke ? Héla le géant.
Un des individus, d'apparence lambda, releva la tête, puis s'approcha du groupe. Il arborait un long bouc et des cheveux bruns en bataille, descendant jusqu'à ses yeux charmeurs couleur de l'océan. Il écarta les bras en signe de bienvenue, et indiqua d'une voix chaleureuse :
-Vous semblez avoir fait une longue route.
-Vous n'avez pas idée... Répondit Annie.
-A qui ai-je l'honneur ?
Chacun se présenta individuellement, avec courtoisie. Leur interlocuteur était une personne de nature agréable. Ses paroles étaient douces, son sourire réconfortant, et sa patience rassurante. Lorsqu'enfin tous eurent terminé, il déclara avec simplicité :
-Je suis le chef de la Guilde des marchands de l'Eriador, les contrées à l'Ouest de la Terre du Milieu. Mais on m'appelle couramment Hawke. Bon... Vous ne semblez pas représenter un danger. Vous êtes donc les bienvenus, à condition de ne pas troubler l'ambiance du camp. Nous vous nourrirons, et vous pouvez reprendre la route demain. Est-ce que cela vous convient ?
Annie serra la main de son compagnon, et posa sa tête sur son épaule, en poussant un soupir de soulagement. Le jeune homme enroula son bras autour de ses épaules, et déposa un baiser sur son front. Adriane, sous le coup de la nouvelle, se laissa tomber sur ses genoux et baissa la tête en signe de remerciement. Devant les réactions de ses compagnons, le dernier jeune membre de la compagnie haussa les épaules, et répondit au nom de tous :
-Je pense que oui.
Lorsque la lune atteignit le haut du ciel, tous quatre reposaient dans une petite tente. Repus après un copieux dîner, la plupart s'endormit très rapidement. Seule Adriane ne trouvait pas le sommeil. Elles versaient des larmes silencieuses, et caressait du bout des doigts le seule souvenir de la femme qui partageait sa vie : un morceau d'écorce dans laquelle était gravées leurs initiales.
-Tu me manques, Kinie... Lâcha-t-elle entre deux sanglots.
Elle commença à manquer d'air, et à suffoquer. Précipitamment, elle se jeta hors de la tente, et respira à plein poumon l'air extérieur. Assise sur ses jambes, les mains posées sur la terre, le dos courbé, elle ferma les yeux pour tenter de calmer son angoisse.
Quelques minutes plus tard, son état se rétablit enfin. Comme rester dans la tente était une mauvaise idée, elle fut tentée de profiter du calme extérieur de la nuit. Elle se promena donc dans le camp en espérant parvenir à chasser Kinie de son esprit.
-On est soucieuse ? Demanda une voix familière.
Elle pivota sur sa droite, et reconnut le chef de la Guilde des marchands, assis sur une caisse de provision, une pipe à la main.
-Hawke ! S'exclama-t-elle. Je ne vous avais pas vu...
-Non, c'est ma faute. S'excusa le marchand. Je vous ai interpellé soudainement.
Elle afficha un sourire forcé, et se stoppa, les mains croisés dans son dos, légèrement gênée.
-Vous allez bien ? S'inquiéta-t-il en fronçant les sourcils.
Adriane ouvrit la bouche, mais s'abstint avant de placer le premier mot. Etait-ce une bonne idée de se confier à un inconnu ?
-Je suis désolé si ma question est indiscrète. Ajouta-t-il. C'est juste qu'en tant que commerçant, j'ai l'habitude de m'intéresser à l'état d'esprit de mon client. C'est souvent utile à savoir lors des marchandages, en particulier les négociations. Enfin... Je dis pas que vous êtes une cliente, n'allez pas croire que j'essaie de vous baratiner... C'est juste que je m'intéresse vraiment à vos soucis Et... Bref.
Il porta sa pipe à ses lèvres, et se cacha derrière une bouffée de fumée. La doyenne ne put s'empêcher de lâcher un sourire d'amusement, devant ce caractère si atypique. Oubliant ses précautions, elle se joignit à Hawke sur sa caisse de provision.
-Et bien. Ça va pas fort. Mais pardonnez-moi, je n'ai pas vraiment envie d'en parler.
-Pourquoi ? On ne peut pas rester enfermé avec ses souffrances toute sa vie. C'est ce que dit souvent ma femme. Nos douleurs, nos chagrins, nos déboires sont présents pour que nous puissions les partager, et ouvrir son cœur à chacun. C'est ce qui nous différencie des animaux.
-Vous croyez ?
-J'en suis sûr.
-N'empêche que... En parlant de ça, au final, on ne mentionne toujours pas mon problème. S'amusa-t-elle.
-Peut-être est-ce justement une tactique pour respecter votre volonté de ne pas en parler ? Dit-il en affichant un sourire moqueur.
-Seigneur, vous êtes vraiment complexe ! S'exclama-t-elle en riant.
-Ca aussi, ma femme me le dit souvent. Je lui réponds que dans complexe, il y a con, et elle ne voit jamais quoi y répondre.
Tandis que son interlocutrice pouffait de rire, il leva les yeux, d'un air contemplatif, et souffla des ronds de fumée dans l'air, à la grande surprise d'Adriane. Elle ne quitta pas des yeux ce phénomène si original, en ouvrant la bouche d'un air sidéré. Le marchand s'amusa devant l'expression de cette dame, puis nettoya l'embout de sa pipe de sa manche, et la lui tendit.
-Vous voulez essayer ? Proposa-t-il.
-V-vraiment ?
-Allez-y. Ça me fait plaisir.
Timidement, elle saisit le tube de bois, et porta l'embout à ses lèvres. C'était la première fois qu'elle faisait ce genre d'expérience. Au Rohan, les femmes n'avaient pas le droit de fumer, et les hommes ne le faisaient que rarement, lorsqu'ils n'étaient pas à la guerre.
-Inspirer, longuement, puis soufflez en faisant un « O » avec votre bouche. Expliqua Hawke.
La femme s'exécuta, sans grand succès. Elle recracha la fumée sans produire la moindre forme. Le marchand lui adressa une tape encourageante en constatant son découragement.
-Allez, ce n'est pas au premier coup qu'on y arrive. Moi au début, ça me sortait par le nez.
Elle tenta une seconde fois, puis une troisième, une quatrième, encore et encore, jusqu'à ce qu'enfin, un petit cercle de fumée s'élève de ses lèvres jusqu'à monter au-dessus de sa tête.
-Vous voyez ! Se réjouit Hawke.
-Oui... C'est joli... Murmura-t-elle en admirant son rond de fumée s'évaporer.
-Au fait, je voulais vous dire... Commença-t-il d'un ton plus sérieux. Vous avez l'air véritablement exténués. Et vous pouvez rester auprès de nous si vous le désirez. J'ai cru comprendre que votre destination était le village de Bree. Mais dans le cas où vous changeriez d'avis, sachez que nous serions ravis de vous accueillir dans la caravane marchande. Vous pourriez même travailler à nos côtés, si le cœur vous en dit.
-C'est une offre alléchante, qui pourrait donner un nouveau sens à ma vie... Je vais y réfléchir.
Ils s'échangèrent un sourire entendu, puis poursuivirent leur création de ronds de fumée, tandis que Hawke faisait part de quelques anecdotes concernant sa vie de marchand et sa femme.
Du côté de la tente abritant les trois jeunes membres du groupe, Ethenol se réveilla en sursaut. Il était couvert de sueur et avait les membres tremblants.
-Ca va... ? S'inquiéta Annie en se redressant lentement. T'as encore fait un cauchemar ?
-Oui... J'en... J'en peux plus... Gémit-il. Je veux que ça cesse ! Plus de cauchemar !!
Au fond de la tente, Myo, épuisé et surtout agacé d'avoir été réveillé, releva la tête et s'écria :
-Tu vas te taire oui ?! Un bon conseil pour toi : arrête de penser que tu es le seul à avoir vécu des choses horribles. T'es juste faible là. Alors va prendre l'air et laisse nous dormir.
Piqué au vif, le jeune archer se releva, et sortit brutalement de la tente.
-Qu'est-ce qui va pas ? S'énerva sa compagne. Pourquoi tu lui as dit ça ?
-Son comportement d'enfant fragile m'insupporte. On a besoin de repos après le long voyage qu'on a fait, et tout ce qu'il trouve à faire, c'est gueuler au milieu de la nuit.
-Ca ne t'est pas venu à l'idée qu'il était peut-être plus judicieux de le réconforter, plutôt que de râler comme tu le fais ? Je te rappelle que tu n'étais pas non plus très coopératif lors de la mort de tes parents, mais je t'ai pas envoyé promener comme tu viens de le faire avec lui ! Ethenol est traumatisé par la mort de son tuteur, comprends-le ! Et tu prends bien le temps de consoler Adriane lorsqu'elle va mal, alors dis-moi, c'est quoi le souci ?
-Je n'éprouve pas autant d'affection à son égard.
La fille releva les bras en signe d'exaspération.
-C'est pas une question de... D'affection ou même d'appréciation. Dit-elle. On est un groupe, Myo. Une équipe. Entre membres de cette équipe, on doit se soutenir. C'est comme ça, on ne peut rien y faire. Sinon, on ne survit pas. Ethenol m'a raconté l'épisode qui a précédé l'arrivée du Troll...
Le jeune homme releva un regard inquiet. Cet épisode... C'était ce moment où le sort d'Annie avait été débattu parmi les membres du groupe.
-Je ne dirais rien concernant le sujet de votre différent. Continua-t-elle. Après tout, là, je m'en fous. Ce qu'il y à retenir, c'est qu'à ce moment-là, l'esprit d'équipe n'était pas présent. Chacun se tournait vers ses propres envies et motivations, sans même penser aux autres. C'est peut-être même cette désorganisation qui a tué Kinie et Fearan. Vous n'étiez pas foutu de prendre une décision...
Myo baissa honteusement la tête, mais Annie lui saisit vivement le menton entre ses doigts et lui releva le visage face au sien.
-Ça aurait dû être une leçon pour vous. En groupe, on est efficace qu'en travaillant ensemble et en faisant chacun un effort. C'est logique, c'est net. Et pourtant vous étiez aux premières loges, pour voir ce qu'il arrive lorsqu'une équipe n'est pas unie.
Elle lâcha son menton, se releva et recule vers la sortie, en terminant sur ces mots :
-La réaction que tu viens d'avoir à l'égard d'Ethenol prouve que tu n'as rien compris. Je vais le retrouver, et tenter de réparer les pots cassés. Tu ferais bien de trouver les mots, pour son retour.
Puis, elle quitta la tente, laissant son compagnon seul dans la tente et accablé par ses paroles.
De son côté, Ethenol s'était éloigné parmi les montées rocheuses. Bouillant intérieurement, il déchargea sa colère noire sur un rocher qu'il frappa violemment du pied. Par ce geste idiot, une intense douleur lui saisit les orteils, et il lâcha un juron.
-Hum... T'as pas l'air très malin. Dit tout à coup une voix railleuse à sa droite.
Le jeune homme pivota vivement, et remarqua alors qu'un étranger se tenait là. Ses vêtements de fourrure tranchaient véritablement avec les tenues portées par les marchands au camp. Il ne devait pas faire partie de cette communauté...
Portant sa main à son arc, il se souvint qu'il l'avait laissé dans la tente, à son plus grand désarroi. Un léger sourire moqueur se dessina sur les lèvres de l'individu, qui tenait un sabre à la main.
-Salut. Dit-il en accentuant son sourire angoissant.
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| Sujet: Re: En quête d'avenir Jeu 21 Avr - 8:13 | |
| - Chapitre14, Bree:
-Ethenol ? Appelait sans cesse Annie.
L'herboriste parcourut les allées et les passages du camp, jusqu'au matin, sans trouver le moindre signe du jeune archer. Elle interrogeait chaque personne qu'elle croisait, mais la réponse était toujours la même : Ethenol n'avait été vu nulle part.
-Ethenol !
Elle étendit ses recherches jusqu'aux amoncellements de ruines perdues situées près du camp, puis aux clairières éloignées à un kilomètre, et enfin aux escarpements rocheux entourant le camp, en vain.
-Ethenol...
Il avait tout simplement disparu. Elle ressentait en elle une pointe de colère, qui s'adressait particulièrement à Myo. Mais tout de même, elle s'étonnait que son ami ait pris la décision de partir simplement à cause de lui. Jusqu'alors, elle l'avait toujours considéré comme quelqu'un ayant une grande capacité émotionnelle, étant donné qu'il avait subi toutes les remontrances de Fearan sans jamais broncher, si on ne prenait pas en compte sa rébellion avant la mort de son tuteur. Ainsi, sa relation glaciale avec Myo n'était sûrement pas la seule raison qui l'avait poussé à partir.
Ou alors y avait-il été contraint ? Peut-être qu'une bête sauvage, ou un individu aux sombres dessins, l'avait fait disparaître ? Tandis qu'elle imaginait avec inquiétude ces différentes possibilités, Adriane la rejoignit silencieusement.
La doyenne toussota. Annie sursauta, saisit son couteau, et pivota vivement. Son visage se détendit lorsqu'elle reconnut sa compagne de voyage.
-Aurais-tu vu Ethenol ? Demanda la jeune femme sans même lui laisser le temps de placer le moindre mot.
-Non. J'ai...
-Il a disparu hier, et depuis, personne n'a rien vu. Je suis très inquiète. Et s'il lui était arrivé malheur ? Myo et lui se sont brouillés hier... J'espère que ce conflit ne m'a pas empêché de dire au moins « au revoir » à Ethenol, car je commence à me dire que je ne le reverrai plus jamais et... Ça va Adriane ? Tu fais une drôle de tête.
La doyenne fuit le regard son interlocutrice, et annonça d'une voix désolée :
-Annie je... Je ne poursuivrai pas ce voyage avec vous.
La fille plissa les yeux, assez surprise par cette nouvelle.
-J'ai pris la décision de me joindre à la Guilde des marchands. Poursuivit Adriane. Hawke m'a fait une proposition à laquelle je ne pouvais refuser. J'espère que tu comprends...
Décontenancée, Annie hocha doucement la tête. Après le départ d'Ethenol, c'était finalement elle qui les quittait. Il ne restait plus que Myo et elle, comme au départ. Et justement, en jetant un regard par-dessus l'épaule de son interlocutrice, elle aperçut le jeune homme discuter avec Hawke au camp.
-Je venais te présenter mes adieux. Je ne sais pas si je te reverrai un jour.
Elle s'approcha, et l'enlaça de toutes ses forces.
-Merci. Murmura-t-elle. Pour tout ce que tu as fait pour Kinie. J'espère de tout mon cœur que tu retrouveras ton père.
Ce fut comme un électrochoc. Durant ces derniers jours, la pensée de son père Etor lui était totalement sortie de la tête ! Elle accepta l'étreinte de son amie, mais intérieurement, elle envisageait déjà la suite de son plan. Elle ne pouvait perdre plus de temps ici. D'après sa carte, elle n'était plus qu'à une demi-journée du village de Bree. Malheureusement, elle ne pouvait plus se résoudre continuer ses recherches pour trouver Ethenol. Elle avait déjà fait tout ce qui était en ses moyens.
-Bonne chance. Souffla-t-elle finalement à l'oreille d'Adriane.
Plus tard, à l'intérieur de leur tente, la jeune femme ressemblait ses maigres affaires dans son sac. Myo l'attendait normalement sur la route, à côté du camp. Une fois que tout étais prêt, elle s'élança hors de l'abri, puis franchit le camp, jusqu'à apercevoir la silhouette de son compagnon. Soudain, un individu s'interposa sur sa route, la stoppant net dans sa course.
-Bonjour ! Je voulais juste vous dire au revoir. Déclara Hawke en lui adressant un sourire tout à fait charmant. Et aussi vous annoncer que j'ai fourni plusieurs victuailles à votre ami Myo, pour le reste de votre voyage. Il m'a confié que vous contiez retrouver votre père... Vous lui adresserez mes humbles salutations.
-Vous avez été si bons envers nous... Je ne l'oublierai pas. Sachez que vous ne pouviez pas être plus aimable, en ces circonstances.
-Tout le monde devrait être aimable ! Ria-t-il en s'écartant. Faîtes bon voyage !
Elle rejoignit son compagnon, puis tous deux s'éloignèrent du camp et parcoururent les dernières collines siégeant autour du village de Bree. Les paroles de la veille avait jeté un froid entre Annie et Myo. De ce fait, ils marchèrent dans un silence profond, tout en se fuyant du regard. Le soleil commençait à disparaître à l'horizon, lorsqu'ils parvinrent enfin au terme de leur voyage. Une vieille muraille ébréchée entourait les habitations de la bourgade. Se dirigeant vers l'une des entrées, ils distinguèrent des lueurs de torches, démontrant que la population était encore en activité à cette heure tardive. A leur approche, une sentinelle se dévoila. Tout en les questionnant sur leur identité, il rapprocha sa lanterne, non sans retenue, juste devant leur visage et étudia leurs traits en plissant les yeux.
C'était un vieil homme, portant apparemment l'accent du pays. Ils constatèrent qu'un vieux manteau lui faisait office de tenue de travail. Les coutumes de cette région étaient décidément bien différentes par rapport au Gondor, ou la milice portait fièrement l'armure et les couleurs du royaume.
Enfin, il les laissa pénétrer à l'intérieur des murailles. Tout en franchissant les rues obscures de Bree, ils eurent le temps de se rendre compte à quel point un immense fossé séparait ce village et ceux Gondor. Contrairement à leur royaume natal où la structure des villes était érigée de façon stratégique et bien pensée, une étrange anarchie régnait alors à Bree. Les allées tournaient sans raison à certains angles et n'étaient jamais aussi carrées que les villes gondoriennes. La boue empiétait sur les rues pavées, où ils croisèrent à leur plus grande surprise des animaux domestiques tels que des cochons ou des poules. Une désagréable odeur d'alcool et d'urine parvenait également à leur nez, renforçant le côté provincial du lieu.
-Qui est-ce qu'on est censé chercher pour trouver ton père ? Demanda finalement Myo.
Annie sortit de son sac la carte que lui avait confiée le tavernier Joel, où elle avait noté le nom de ce fameux « ami » que son père était venu retrouver. Sur un coin du parchemin, elle lut à voix haute :
-Jyarla. C'est son nom.
-On pourrait peut-être se rendre à l'hôtel de ville ? Proposa le garçon. Si cet homme habite ici, alors on pourra certainement nous fournir une adresse.
-Bonne idée.
Une fois rendu à ce dit-hôtel de ville, l'idée de Myo s'avéra être payante. Une employée consulta le registre des habitants de Bree, et trouva le nom cité. Elle nota sur leur carte une adresse, à laquelle ils se redirent sans perdre de temps.
Et enfin, lorsqu'ils se retrouvèrent devant la porte de cet ami nommé Jyarla, Annie, angoissée, leva son poing devant la porte. Tremblante de la tête aux pieds, elle n'osa pas toquer. De peur de craquer sous les yeux de son compagnon, elle se mordit les lèvres et prit une profonde respiration. Mais rien n'y fit. Elle n'y arrivait pas...
Comprenant la peur d'Annie, Myo prit les choses en mains, et frappa à sa place. Elle le remercia d'un hochement de tête. Des pas retentirent à l'intérieur, puis la porte s'ouvrit. La jeune femme blêmit.
Un homme, qu'elle ne reconnut pas, se tenait sur le seuil de son habitation. De longs cheveux grisonnants et de nombreuses cicatrices ornaient son visage. Il fronça les yeux en remarquant la grosse hachette attachée à la ceinture de son compagnon.
-Qu'est-ce que vous me voulez ? Demanda-t-il, sur la méfiance.
-Vous êtes bien Jyarla ? Demanda Myo.
-Ca dépend. Qui le demande ? Grogna-t-il, en glissant sa main droite derrière son dos.
-Annie. Parvint à articuler la jeune femme. La fille de votre ami, Etor.
Un silence s'installa entre les trois personnes. Jyarla semblait tomber des nues. Il retira sa main de derrière son dos, et afficha une mine surprise.
-Dois-je en conclure que je suis à la bonne porte ? Conclut Annie qui reprenait un peu plus confiance en elle.
-Entrez. Ordonna-t-il en leur ouvrant l'accès à sa maison.
Ils franchirent le seuil, et s'engagèrent dans un sombre couloir. Leur hôte les conduisit dans une pièce éclairée aux chandelles, s'apparentant à un genre de cuisine.
-Désolé, mais je m'attendais vraiment pas à ta visite. Dit Jyalar. C'est fou... J'avais carrément oublié ton existence.
La fille ne s'attarda pas sur le côté impoli de ces déclarations. Elle prêta toute son attention à chercher son père du regard. Il n'était nulle part.
Il tira deux chaises, et les invita à s'asseoir. Puis, il sortit trois verres, les posa sur une table, et les remplit de vin.
-Vous boirez bien un petit coup... Santé.
Il vida son verre d'un trait, tandis que les deux jeunes gens trempèrent à peine les lèvres dans ce liquide. Ces rencontres étaient très étranges, et le silence qui en résultait ne faisait que pousser leurs inquiétudes concernant le père d'Annie.
Soudain, Myo remarqua la dague dissimulée à l'arrière du pantalon de leur hôte. Ce dernier sembla suivre son regard, et afficha un sourire.
-T'inquiète pas, ça c'est pour les mauvaises visites. Avec le genre d'activités que j'exerce, j'y ai souvent droit.
-Quel genre d'activité ? L'interrogea le jeune homme, sans baisser sa méfiance.
-Le même genre que mon père ? Devina Annie.
-Exactement.
-Bon. Fini de tergiverser. Où est-il ? Lâcha la jeune femme.
Jyarla s'assit face à eux, le regard perdu sur le fond de son verre vide, et poussa un profond soupir. Il souffla :
-Je vois pas comment t'annoncer ça d'une bonne façon...
La gorge d'Annie se noua.
-Que voulez-vous dire ? Insista-t-elle.
De son côté, Myo avait compris de quoi il s'agissait. Délicatement, il saisit la main de sa compagne, pour lui faire comprendre qu'il serait présent dans les secondes qui allaient venir.
-Il s'est éteint l'hiver dernier. Déclara finalement leur hôte.
Annie ne bougea pas, mais son compagnon la sentit serrer sa main contre la sienne.
-Où est-il ? Répéta-t-elle, d'une voix tremblante.
-Au cimetiè...
La fille se leva brutalement, et fila de la pièce sans demander son reste. Myo pensa que décidément, sa réaction à l'annonce de la mort de ses proches était toujours très vive. Se rappelant l'épisode de la ville de Coudeflots, il quitta la maison de Jyarla, et suivit la jeune femme jusqu'au cimetière. Il la vit arpenter l'endroit à grandes enjambées, en lisant les noms figurant sur chaque pierre tombale. Il s'avança vers elle, tout en jetant des regards nonchalants aux tombes. Et à sa grande surprise, il repéra le nom d'Etor.
-Annie...
Elle releva la tête dans sa direction. Il ne dit rien. Elle s'approcha, le pas hésitant. Elle comprenait bien que Myo avait trouvé la tombe de son père, c'était lisible sur son expression. Mais le pire scénario possible qu'elle avait imaginé s'enclenchait actuellement : sa retrouvaille avec son père n'aurait jamais lieu, étant séparés par la mort. Comment pouvait-elle avoir aussi peu de chances ?
Face à sa tombe, elle se laissa tomber sur ses genoux, et posa une main suppliante sur la pierre ornant le sanctuaire de son géniteur. Elle baissa la tête, laissant couler ses larmes sur la terre, qui recouvrait son cadavre.
Myo approcha sa main de son épaule :
-Annie... Je...
-Me touche pas ! Hurla-t-elle.
Elle tourna son regard dans sa direction. Un regard chargé de colère. Conciliant, il tendit ses deux mains en signe de paix.
-Annie, ça sert à rien de te décharger sur moi...
-T'es bien content, hein ?! Au moins, t'auras pas affaire à mon père concernant notre relation !
-Tu ne sais pas ce que tu dis...
-Au contraire, j'ai l'esprit extrêmement clair ! Bravo ! Bravo Myo ! Cette aventure, elle t'a changée hein ! Je m'en rends bien compte...
-Qu'est-ce que tu racontes...
-La mort, ça te fait plus peur, hein ? Petit courageux, va ! Y'avait qu'à voir ta réaction, à la perte de nos compagnons de route... Bam : « Rien à foutre ». Ça change drôlement avec ce que j'ai pu constater de toi au début de nos galères ! Le petit faiblard, qui passait son temps à pleurer ses parents... Bouhouh...
Le jeune homme croisa les bras, exaspéré qu'elle lui reproche d'avoir eu une telle réaction, alors qu'elle était présentement en train de démontrer la même réaction.
-Heureusement que tu avais de la force ! Railla-t-elle méchamment. Ça a été ma seule source de motivation pour t'emmener avec moi quand j'ai voulu quitter le camp de réfugiés.
Myo ouvrit de grands yeux, ébahi par cette révélation. L'expression d'Annie refléta directement le regret de s'être emportée. Elle en avait trop dit...
-Si tu m'as amené avec toi, c'est seulement pour ma force ? Répéta-t-il, abasourdi.
-Je... Je voulais pas dire ça...
-Annie... Ca me déçoit... Je... Je pensais que j'avais une plus grande valeur à tes yeux.
-C'est le cas !
-Arrêtes de vouloir te rattraper ! Tu l'as dit toi-même ! Je n'ai été qu'un objet, une machine, qui pouvait te fournir une capacité que tu ne possédais pas ! Alors quoi... Notre relation aussi, ce n'est qu'une plaisanterie ?
-Non... Non, Myo, je t'en prie...
Elle rampa jusqu'à lui, mais il s'esquiva prestement. Prise dans son élan, elle plongea tête la première dans une flaque d'eau. Myo ne voyait rien d'autre à ajouter. Irrité et horriblement déçu, il lui tourna le dos, et s'éloigna.
-Myo... Murmura Annie.
Elle sanglota, seule et abandonnée de tous. Ou presque...
Une main se posa alors délicatement sur son épaule.
- Chapitre 15, Reprise d'activités:
Depuis la mort de son mari, Daïna se recueillait chaque jour devant sa tombe. Tous les soirs, elle emportait avec elle une rose blanche, qu'elle joignait aux roses précédentes dans un pot de porcelaine bleu.
Elle croisait rarement des gens au cimetière, mais ce soir-là, elle fut accablée, lorsqu'elle aperçut une jeune femme brune qui s'enlisait dans la boue, telle une misérable, et pleurait à chaude larme devant une pierre tombale.
N'écoutant que sa bonté de cœur, la vieille dame s'approcha de cette inconnue, et posa une main compatissante sur son épaule.
La fille se retourna vivement, et jeta un regard interrogatif à Daïna.
-C'était un proche à vous ?
-M-Mon père... Balbutia-t-elle.
L'aînée hocha de la tête, puis s'avança doucement vers la tombe du défunt. Le nom « Etor » reposait sur sa sépulture. Un nom qui lui était bien familier, car cet homme avait auparavant pillé l'argent de sa boutique.
Malgré tout, Daïna n'était pas rancunière, et surtout, était particulièrement touchée par le chagrin des gens. De plus, cette jeune femme n'était en aucun cas responsable des agissements de son père. Ainsi, elle déposa sa rose blanche sur sa tombe.
Annie leva sur elle un regard empli de gratitude.
-Allez, courage jeune fille... Je vous propose de me raccompagner. Vous avez besoin d'un bon repas.
-C'est gentil de votre part, mais ne vous donnez pas cette peine.
-J'insiste. Allez, venez...
Daïna l'aida tranquillement à se relever, puis, en posant une main bienfaisante sur son dos, la guida jusqu'à sa petite maison.
Une heure plus tard, Annie était assise à une table, où sa bienfaitrice déposa une assiette garnie d'une nourriture simple mais nourrissante : un maquereau et quelques pommes de terre accompagnés d'un morceau de pain. Son estomac était noué par la mort de son père... Elle ne pourrait rien avaler.
La veuve s'assit à ses côtés, et posa une main sur son épaule.
-Ma pauvre fille... Je comprends votre douleur... Mais il faut que vous mangiez. Vous avez la peau sur les os... Allez, je vous en prie, avalez un morceau.
La jeune femme finit par céder, et lentement, avala quelques pommes de terre et un peu de pains, sous le sourire ravi de son hôte.
-Pourquoi est-ce que vous faîtes ça ? Demanda-t-elle finalement.
-Faire quoi ? Se troubla Daïna.
-Pourquoi est-ce que vous prenez soin de moi ? Après tout... Nous ne nous connaissons pas. Vous ne me devez rien.
Un sourire s'étira sur les lèvres de la veuve.
-La question est plutôt « Pourquoi est-ce que je ne le ferai pas ? ».
Il y eut un moment de flottement, où Annie chercha à saisir le sens des mots de la vieille femme.
-Je ne sais pas de quelles contrées vous provenez, continua Daïna, mais sachez ici que les gens ont peut-être l'air brusques et hargneux aux premiers abords, ils n'en demeurent pas moins chaleureux et accueillants.
-Décidément, là d'où je viens, on traite très mal les gens que l'on accueille... Déclara la fille en se remémorant l'horrible système d'évacuation vers Minas Tirith où les plus faibles étaient tués.
-Et d'où venez-vous ?
-Du royaume du Gondor. Loin, à l'Est.
-Oh ! La cité blanche, et la dynastie d'Elendil ! S'exclama Daïna.
-Heu... Oui ! Mais... Comment connaissez-vous tout ça ? S'étonna Annie.
-Mon mari était voyageur. Il a déjà eu l'occasion de se rendre au Gondor. A son retour, il m'a raconté tous les détails qu'il avait pu voir, avec une immense passion et un grand sourire.
-Votre mari est reparti en voyage ?
-Non. Il est... Il est mort.
-Oh. Excusez-moi, je... Je...
-Vous l'ignoriez. Termina-t-elle avec un sourire se voulant rassurant. Il n'y a pas de mal. J'ai fait mon deuil depuis déjà plusieurs années.
-C'était pour lui que vous étiez au cimetière.
-En effet. J'orne sa tombe chaque jour, après avoir fermé ma boutique d'apothicaire.
Annie ouvrit des grands yeux. Elle ne rêvait pas... Elle avait bien dit « apothicaire » ! C'était une chance qu'elle ne devait pas laisser passer.
-Donc vous tenez une boutique d'apothicaire ?
-Oui, je fournis aux gens de mon quartier des produits qui leur sont nécessaires. C'est mon travail.
-Est-ce que... Vous ne chercheriez pas une apprentie ?
-Pas spécialement... Vous semblez avoir une idée derrière la tête.
-Dans ma ville natale, j'ai travaillé plusieurs années aux côtés d'un médecin. J'ai des connaissances dans les domaines de la guérison, de l'alchimie et de l'herboristerie. Vous seriez intéressés de m'accepter pour travailler dans votre boutique ?
-Oh... Eh bien... Je ne sais pas. J'ai toujours été seule pour la gérer.
-Je vous en prie. Si vous m'engagez, je serais prête à faire n'importe quoi. Même les travaux les plus pénibles.
-Comment vous faire confiance... ?
-Je n'ai plus de maison, plus de famille, plus d'argent, et tout ce qu'il me manque pour reconstruire ma vie, c'est une responsabilité. Vous m'avez bien vu au cimetière... Je n'aurais aucun intérêt à vous porter préjudice, dans ma situation actuelle.
Daïna baissa les yeux au sol, l'air songeur. Il était vrai que désormais, à son âge, cette responsabilité était parfois un véritable poids sur ses épaules. Certaines tâches à la boutique devenaient très physiques, et à long terme, risquait d'abîmer sa santé.
-Après réflexions, je pense qu'un peu d'aide ne me serait pas de trop ! Déclara-t-elle.
Un sourire s'étira sur les lèvres d'Annie.
-Merci... Vous... Vous n'avez pas conscience de ce que ça signifie pour moi...
-J'espère de tout cœur que cela vous permettra de redresser la barre, en tous cas !
Cette nuit, elle dormit dans une chambre d'ami chez la vieille Daïna. Durant de longues minutes, elle resta allongée sur le dos, fixant le plancher du plafond, pensive. Enfin, après tout ce voyage, toutes ces souffrances et toutes ces pertes, sa vie pourrait prendre un nouveau tournant. Un véritable sens. Fini les trajets incessant sur les routes des terres sauvages, fini les rencontres se terminant systématiquement en bain de sang. La perte de son père et de sa sœur allait prendre du temps pour cicatriser, mais cette situation allait amener une routine dans son quotidien, qui ne lui ferait que du bien.
Mais où était Myo ? Lui en voulait-il ? L'avait-il totalement rayé de sa vie ? Elle s'en voulait terriblement de l'avoir fait passer, à ses yeux, pour ce qu'il n'était pas : un objet. Si elle avait l'occasion de remonter le temps, elle s'empêcherait à tout prix de décharger sa colère sur son compagnon. Et lorsqu'elle le retrouverait, elle se promit de se pardonner directement, et de se rattraper, en lui avouant la vérité. Elle lui partagerait ses émotions, ses sentiments à son égard, et décrirait sa profonde affection pour lui. Mais il n'était pas là...
La fatigue accumulée au fils des voyages l'arracha finalement à ses sombres pensées, et elle sombra dans les bras de Morphée.
Durant tout un mois d'été particulièrement radieux, Annie trima comme jamais dans la boutique d'apothicaire de son hôte. Le travail était encore plus conséquent que celui qu'elle exerçait sous le service de monsieur Vernon, car elle avait à cœur de prouver sa valeur à Daïna. Au départ, elle fut chargée de simples tâches semblables à celles de l'herboristerie de Desrin, comme le nettoyage, le rangement et le classement des produits. Mais très vite, sa gérante se rendit compte de son véritable talent pour ce qui concernait la médecine et les préparations. Elle resta ébahie lorsque la jeune femme lui conta ses différentes expériences vécues dans les terres sauvages.
-Un œil crevé ? Répéta-t-elle en ouvrant de grands yeux, lors d'un dîner où Annie lui racontait l'épisode de l'œil blessé de Myo.
-Oui. Il avait pris une flèche... Ca l'avait salement amoché. Mais il s'en est sorti, c'est l'essentiel.
-Même moi je n'aurais su faire ce genre de manipulation... Tu as tout mon respect !
-Comment tu peux être sûre que je mens pas ? C'est vrai... J'aurais pu l'inventer, cette histoire.
-Parce que je te fais confiance, ma petite Annie.
-Je ne vois pas en quoi je suis si digne de confiance...
-Tu te sous-estimes. Il suffit de constater tous les efforts que tu fais à la boutique chaque jour, pour voir que tu es quelqu'un d'honnête. Grâce à toi, ma boutique a triplé ses recettes. L'argent n'est pas si important à mes yeux... Mais ce n'est pas déplaisant de se dire que désormais, j'ai assez d'économie pour t'accueillir définitivement chez moi.
L'expression de la jeune femme se métamorphosa. Elle se figea, la bouche ouverte. La vieille femme gloussa légèrement devant sa mine stupéfaite.
-Répète ça... Murmura Annie.
-Désormais, tu es ici chez toi !
La fille poussa un cri hystérique, puis se jeta aux bras de Daïna en s'esclaffant de joie. Cette dernière rit, heureuse d'apporter tant de bonheur à cette jeune femme, qui en avait tant besoin. Toutes deux s'étaient beaucoup rapprochées durant ce mois passé. L'avoir embauchée pour sa boutique était sûrement l'une des meilleures décisions qu'elle avait prise dans sa vie.
Par la suite, Annie occupa un poste plus important au sein de la boutique d'apothicaire. Elle commença la préparation de produits particuliers tels que des baumes réparateurs et des liquides guérisseurs, puis enfin accueillit les clients derrière le comptoir, pour les conseiller et répondre à leurs attentes. Ainsi, elle se familiarisa davantage à la population de la bourgade, mais surtout parvint à ouïr les rumeurs et les nouvelles circulant habituellement parmi les habitants de Bree.
Et un jour, la discussion entre deux marchands attira son attention, faisant référence à un « voleur blond ». Discrètement, elle se baissa derrière son comptoir, et en faisant mine de ranger des fioles, écouta les propos des clients :
-Ça fait un mois que ça dure... Ce matin encore, le vieux Prosper, qui me commande chaque jour un tonneau de Bièrraubeurre de Lardpoud, a posé sa monnaie sur la table. Le temps de me retourner pour répondre à une autre cliente, l'argent avait disparu !
-On a déjà suffisamment de soucis avec les brigands des collines de l'Ouest, pas besoin que des délinquants commencent à piller le fruit de notre labeur !
Annie grinça des dents. Depuis leur séparation dans le cimetière de Bree, elle n'avait plus revue Myo, ni eut de ses nouvelles. Chaque jour, elle pensait à lui. Chaque jour, elle se faisait du souci pour lui. Connaissant son passé de criminel, elle espéra de tout cœur qu'il n'était pas ce dit-voleur, bien qu'elle s'en doutait.
Sa réponse ne tarda pas à arriver. Une nuit, elle fit un rêve particulièrement intense, où elle ne parvenait pas à avancer, tandis que son père, qui lui tournait le dos, s'éloignait de plus en plus. Elle avait beau crier, hurler, il ne se retournait pas. C'était comme si elle n'existait pas...
Soudain, un bruit la réveilla. Elle se redressa, et essuya du revers de sa manche des larmes lui brouillant la vue. La fenêtre de sa chambre était ouverte... Cette même fenêtre au travers de laquelle elle étudiait chaque matin la rue extérieure, espérant voir passer Myo, en vain. Le faible courant d'air du soir secouait légèrement les rideaux et laissait s'engouffrer dans la pièce un souffle particulièrement angoissant.
Sûre et certaine qu'un individu venait de s'introduire dans sa chambre, elle tendit automatiquement sa main vers son couteau REV.E posé comme toujours sur sa table de nuit. Mais des doigts s'enroulèrent autour de son coude, et l'empêchèrent de s'emparer de son arme. Elle s'apprêta à crier pour appeler à l'aide, mais une autre main se posa sur sa bouche. Et enfin, deux yeux bleus familiers se dévoilèrent à la lumière de la lune.
-Myo...
Elle ne chercha pas à se contenir, et se jeta à son cou, en s'emparant fougueusement de ses lèvres. Il ne chercha pas à résister, et se laissa même renverser dos au lit. Laissant échapper des larmes involontaires, Annie ne cessait de s'excuser entre deux baisers. Le jeune homme hochait la tête pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas de soucis à se faire, et que tout était pardonné.
Ils s'embrassèrent encore un long moment, avant que la fille ne finisse par se calmer. Réfugiée dans les bras de son compagnon, elle finit par chuchoter d'une voix encore tremblotante :
-Où t'étais ?
-Je faisais de mon mieux pour m'en sortir.
-Pitié... Ne me dis pas que c'est toi, ce délinquant dont on parle.
Le garçon se tut, offrant la réponse qu'Annie redoutait.
-Pourquoi tu fais ça... ? T'avais réussi à te débarrasser de ce fléau, durant toute une année... Tu as prouvé que tu n'étais pas obligé de voler pour t'en sortir.
-Parce que j'ai un œil en moins, des dégaines de pouilleux et que je fais peur à tout le monde. Personne ne veut de moi comme travailleur. Si je veux me nourrir, j'y suis malheureusement contraint.
La jeune femme lui caressa tendrement la joue, se rappelant les propos d'Ethenol sur cette injustice qu'il avait vécue au Rohan, semblable à celle que vivait Myo.
-Tu pourrais faire comme à Desrin, et travailler avec moi à la boutique d'apothicaire. Je peux parler à Daïna. C'est ma patronne, mais surtout mon amie. Elle comprendra.
-Non. Je ne veux rien devoir à personne. J'ai besoin de me construire tout seul, même si ça doit passer par ces activités.
-Tu n'as rien à prou...
-Chut... Glissa-t-il en posant l'index sur les lèvres. Oui, je sais. Je n'ai rien à prouver. Mais j'ai quelque chose à mériter. Tu as tant fait pour moi, depuis si longtemps... C'est fini ça. Sois libre, ne te soucies plus de moi. Je m'en sortirai. Et lorsque j'aurai suffisamment d'argent, je nous paierai une ferme. On y cultivera le blé et les légumes, et on s'occupera du bétail. Et enfin, on fera une ribambelle d'enfants qui courront partout dans notre basse-cour. Qu'est-ce que t'en dis ?
-Ce que j'en dis, c'est que c'est moi qui va la payer ta ferme, si ça continue. Râla-t-elle.
Il rit, et ils partagèrent encore de langoureux baisers. Le reste de la nuit, ils s'échangèrent à voix basse des nouvelles et des confidences.
-Tu faisais un cauchemar, quand j'arrivais ? Se soucia-t-il.
-J'en fais chaque nuit... C'est toujours sur mon père, ou ma mère...
Elle resserra les doigts de Myo glissés dans les siens, et se mordit les lèvres pour garder contenance.
-Tu fais toujours ça quand tu es sur le point de craquer... Murmura-t-il en glissant doucement son index sur ses lèvres mordues. Il n'y a rien de mal à pleurer. Lâche-toi un coup, ça ne peut te faire que du bien.
-Mon père m'a toujours appris à rester forte dans n'importe quelle situation. Répondit-elle en repoussant son index. Ecoute... Je suis désolée d'avoir été si dure avec toi à la mort de tes parents. J'ignorais à quel point ça faisait mal, de perdre aussi brutalement un proche... Certes, j'ai déjà perdue ma mère, mais à cette époque, j'ai eu le temps de l'appréhender, par sa maladie. Mais là... Quand ça survient comme ça, sans que tu t'y attendes, c'est juste... Juste...
Elle ne parvint pas à placer un mot de plus, et éclata en sanglots. Myo l'attira tendrement dans son cou, où elle se réfugia volontiers.
-Comment t'as fait pour t'en sortir aussi vite ? Articula-t-elle. Pour chasser ces idées noires de ta tête...
-C'est grâce à tes précieux mots, que tu tiens tant à t'excuser... Et aussi la situation. On était sans cesse en danger, et j'étais contraint de porter mon attention sur les problèmes les plus urgents. Les Orcs, les Uruk-Kaï... Je pense que ça m'a aidé à vite passer à autre chose.
Attentive à ses propos, elle hocha doucement de la tête. Puis, elle ajouta :
-Le pire... C'est ma sœur, Sina. Comme je n'ai aucun moyen d'être totalement sûre qu'elle est morte après sa fugue... Je ne parviens pas à faire mon deuil. Et je ne me souviens même plus de sa voix. Si même de son apparence... C'est horrible !
-C'était quand, la dernière fois que tu l'as vue ?
-Quand on était à Coudeflots. Je l'ai vue, dans un rêve. Je me souviens l'avoir entendu parler... Mais j'ai beau essayer de me concentrer, tous ces souvenirs ne reviennent pas...
-Je suis pas vraiment expert dans le domaine de la psychologie... Mais je pense que si ce chagrin est passé pour moi, il va forcément passer pour toi, tôt ou tard.
-Tu as sûrement raison...
Vacillant déjà de l'œil, Annie finit par s'endormir contre la chaleur de son compagnon. Après un sommeil sans rêve, elle s'éveilla le matin, et découvrit avec surprise que Myo ne partageait plus son lit. Brusquement, elle jeta des regards tout autour d'elle. A côté de son petit couteau reposait une lettre, portant l'écriture particulièrement peu appliquée du garçon. La saisissant, elle lut l'intégralité, par trois fois, avant de la reposer sur les draps avec un soupir de déception.
Annie,
Comme prévu, je retourne à mes activités, en espérant que cela cesse rapidement. J'espère que tout se passera bien pour toi, à la boutique. Je ne pense pas y passer te voir, car je risquerais d'y croiser l'une des victimes de mes vols : un bon moyen pour ces hommes de me dénoncer à la milice, et que je sois envoyé derrière les barreaux. J'essaierai de venir le plus tôt possible, de la même manière que cette nuit.
Je t'aime, énormément,
Myo.
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