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| | Biographie d'Erya : Un monde impitoyable | |
| Auteur | Message |
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Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Biographie d'Erya : Un monde impitoyable Dim 21 Fév - 17:14 | |
| - Chapitre 1, Rester ensemble :
Liëren courait avec hâte parmi les feuilles dorés tombées depuis peu sur le sol boueux du Chemin Vert. Le début de l'automne s'annonçant déprimant, le petit Elfe n'en perdait pas pour autant sa joie de vivre et son enthousiasme à gambader entre les arbres et parmi les fougères.
Il bondit sur une branche, et s'y hissa jusqu'à atteindre un nid d'oiseaux. L'une des bêtes s'éleva en l'air, et se mit à pousser des cris menaçant à son égard.
-Je te veux pas du mal. Déclara Liëren en arborant un sourire se voulant rassurant.
Il baissa les yeux sur le nid, et découvrit avec surprise une couvée.
-Oh ! Tu dois être leur père ! Ou leur mère... Aucune idée, mais tiens, ça pourra peut-être t'aider.
Il sortit de sa poche un reste de lembas qu'il pensait garder pour son usage personnel, mais préféra le déposer dans le nid. Prudemment, l'oiseau se posa sur le nid, et commença à picorer dans la nourriture.
-Tu vas avoir besoin de force pour prendre soin de tes petits. J'espère que...
-Liëren ! Descend d'ici tout de suite !!
-J'arrive !
Avec agilité, il descendit de l'arbre, et atterrit devant Piata, une femme dans la trentaine, en habit de chasse, manipulant une arbalète assez massive.
-Je t'ai dit de ne pas t'éloigner !
-Piata, tu devrais me donner le droit de m'éloigner... Je ne fais que te suivre dans ta chasse... Je ne te suis pas utile... Tenta-t-il en arborant des yeux doux. Je suis à l'aise dans la forêt, et je suis prudent ! Je te promets qu'il ne m'arrivera rien !
-Tu n'es plus dans les Forêts d'Or jeune homme, ici tout est beaucoup plus dangereux !
-Je sais pertinemment que nous ne sommes pas en Lothlorien... Soupira Liëren. Rien n'est aussi féerique et magnifique que cette forêt.
Piata se tut. Liëren pensait encore à ses parents. Elle se baissa à sa hauteur, puis posa une main sur son épaule. Elle regretterait peut-être son manque de tact... Mais il n'y pouvait rien. Elle n'avait jamais eu d'enfant, et ce petit elfe placé sur son chemin avait été son seul moyen d'extérioriser son amour maternel.
-Ecoute... Le plus important, c'est que nous soyons ensemble... Tant que nous restons à deux, rien ne peut nous arriver.
-Mais que voudrais-tu qu'il nous arrive ?
Elle hésita... Était-il assez âgé pour comprendre les enjeux des événements se déroulant actuellement en Terre du Milieu ?
-On ne sait jamais, lâcha-t-elle à contre-cœur. Il y a des brigands dans les environs, et je ne préfère pas te parler de qu'ils pourraient te faire subir...
-Je vois... Très bien. Je reste à côté de toi.
Il lui saisit la main, et lui adressa un sourire, comme pour l'inciter à mettre fin à cette discussion peu joyeuse.
Ils profitèrent de la fin de la soirée pour retrouver leur tente. Mais lorsqu'ils arrivèrent à destination, ils trouvèrent leur repaire saccagé... Leur nourriture avait été volé, tout comme leur matériel et leur eau.
-Piata... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demanda l'enfant.
-Reste derrière moi, ordonna-t-elle en mettant en joue son arbalète.
Elle s'approcha à pas prudents vers le camp. Tout semblait avoir été saccagé, mais pas par des êtres dotés d'intelligences. Des animaux peut-être ? C'était bien leur veine...
Tout à coup, un cri strident s'éleva en écho dans la forêt.
-Reste ici ! S'exclama Piata en s'élança vers le cri.
-Non !
-Liëren fais ce que je te...
-Et si les brigands me capturent alors que je suis seul ! Je t'en prie, ne me laisse pas seul ! Je veux pas qu'ils me fassent du mal.
Piata soupira, regrettant son mensonge. Il n'y avait évidemment aucun brigand dans les environs, mais elle craignait la précence de créatures bien pires encore. Elle s'approcha alors de Liëren, et le souleva sur son dos, avant de reprendre la course.
-Pourquoi est-ce qu'on va vers le cri ? S'inquiéta Liëren. Ce n'est pas prudent !
-Cela fait trois jours que l'on mange peu... Et je ne laisserai pas cette bête nous voler nos vivres pile au moment où nous parvenons à en trouver !
Liëren baissa honteusement la tête...
-Je suis désolé... J'ai donné le reste de mon lembas à un oiseau tout à l'heure...
-Quoi ?!
Sans leur laisser le temps de continuer leur discussion, ils se retrouvèrent face à une scène violente. Une créature verdâtre et défigurée faisait face à un énorme loup gris. Le visage de la bête était parsemé de cicatrices profondes, sûrement causées par le couteau ensanglanté du monstre humanoïde lui faisant face. Elle montrait des crocs, et adoptait une posture menaçante.
-Piata ! C'est quoi ça ? Gémit Liëren en pointant le monstre verdâtre.
La femme n'hésita pas une seconde. Elle déclencha le mécanisme de son arbalète, et le projectile s'en alla droit dans la gorge de l'Orc, qui s'écroula face au loup. La bête sauvage bondit l'instant d'après, et commença à lui déchiqueter les membres, avant d'avaler la chair de son agresseur.
Piata alla se camoufler derrière un rocher, et y déposa Liëren. Elle étudia attentivement l'enfant, et lui passa une main sur la joue.
-Je suis désolé que tu aies eu à voir cela...
-C'était quoi... Sanglota Liëren.
-Ça... C'est ce dont je veux te protéger. On appelle cela des Orcs. C'est une calamité, au service d'un seigneur noir. Je vais être honnête, ils ne feraient qu'une bouchée de toi. C'est pour cela que je ne veux pas que tu t'éloignes de moi.
-Je comprends... Mais le loup... Il faut peut-être...
-Non, Liëren, non ! Je connais ton empathie vis à vis des bêtes sauvages, mais celle-ci n'en était pas une. C'est un Ouargue, une créature tout à fait semblables aux Orcs.
-Mais pourtant l'Orc lui faisait du mal...
-A mon avis, nous avons assisté à un rapport de force... La bête devait tenter de se rebeller contre son maître.
-Je ne pense pas... Tu l'as vu le dévorer ? On dirait qu'il a faim.
-N'y prête plus attention Liëren, ce n'est qu'un monstre.
-D-D'accord Piata... Je ferai comme tu veux.
-Très bien...
Plus tard dans la nuit, Piata songeait encore aux vivres perdus. Le raisonnement de Liëren concernant la faim du Ouargue rejoignait peut-être le saccage de leur tente ? Elle espéra que la bête ne soit pas encore présente dans les parages.
-Tu dors pas ? Chuchota Liëren, allongé à ses côtés.
-Et toi, petite fripouille ? Tu dois être en forme, demain nous continuons notre route du Chemin Vert.
-Je n'y arrive pas. Dit-il en se redressant.
-Tu penses encore à ce qu'il s'est passé tout à l'heure ?
-Non. Je pense à mes parents.
Le cœur de Piata se serra. Peut-être était-il temps de lui en parler ? Après ce qu'il s'était passé plus tôt, il comprendrait sûrement les circonstances de leur mort ?
-Tu te souviens de l'Orc ?
-Oui, évidemment.
-Bien... Actuellement, c'est une des menaces de la Terre du Milieu, si ce n'est la plus grande. Pour l'exterminer, certaines personnes se dévouent pour prendre les armes contre elle.
-Mes parents sont en train de se battre ?
Piata baissa les yeux.
-Tes parents... Se sont battus. Ils ont donné leur vie pour la Terre du Milieu. Avant de partir en guerre, ils t'ont confié à moi. Ils ne voulaient pas que tu puisses te retrouver orphelin.
Le silence de Liëren fut un moment très angoissant pour Piata.
-Est-ce que tu comprends ?
-A quoi ressemblaient-ils ? L'interrompit-il. Tu ne me les as jamais décrit.
-Ta mère était la plus grande de ses sœurs. Des cheveux châtains, un peu plus clairs que les tiens, et de grands yeux verts. Et ton père...
-Piata !
-Quoi ?
-Il y a... Deux grands yeux...
Il pointa du doigt la lisière des arbres. Un grognement s'éleva.
-C'est lui. Passe moi mon arbalète s'il te plaît.
-Tu veux le tuer ?
-Il le faut.
-Il a peut-être seulement faim ! On est pas obligé d'en arriver là ! Si ? On peut peut-être l'éloigner avec du feu !
-Si on le laisse partir, il reviendra.
-Mais...
-Liëren, cette créature est sous la gouverne du seigneur noir ! Même si tu lui sauves la vie, elle ne te témoignera jamais de reconnaissance, ne te berces d'illusion !
Les grondements s'intensifièrent. Des poils gris commencèrent à s'approcher des flammes. Piata se retourna, saisit son arbalète, puis pointa le Ouargue. La bête sembla comprendre, et se jeta vers la femme et l'enfant.
-Piata !
TCHACK. La flèche s'engouffra à temps dans la cuisse du molosse, le persuadant de ne pas s'attaquer à l'elfe. Elle rebroussa chemin, et détala en glapissant.
Sans hésiter, Liëren se releva, puis talonna la bête.
-Non ! Liëren, reviens tout de suite ! Ordonna la femme.
Elle le vit s'engouffrer dans l'obscurité, jusqu'à disparaître de sa vue. Elle devait le retrouver, et vite, avant qu'il ne lui arrive... L'impensable ! Durant toutes ses années elle l'avait maintenu en vie et en bonne santé. La simple idée de le retrouver entre les crocs du Ouargue la fit pâlir. Elle saisit la dernière torche qu'il lui restait, l'embrasa, puis poursuivit l'elfe.
De son côté, Liëren progressait plus efficacement que Piata, grâce à ses sens elfiques. Il suivit les traces de sang du Ouargue. Lorsque la bête s'était dévoilée, l'enfant avait de suite remarqué son ventre très bedonnant. Il en avait déduit que cette bête était de sexe féminin, et comme l'oiseau qu'il avait rencontré dans l'arbre, elle avait sûrement tenté de protéger sa progéniture contre l'Orc. Et elle ne rechignait à aucune potentielle nourriture.
Piata lui avait souvent raconté, et transmis les cultures de son peuple natal : leur respect et leur adoration pour toutes les créatures de la nature. Et d'après les traditions, les elfes étaient des êtres qui apportaient aide et soutiens à toute existence fertile.
Il retrouva la bête, blottie contre une pierre, cherchant désespérément à retirer le carreau d'arbalète coincé dans sa cuisse. Elle poussait de cris déchirants, accablant le cœur du petit elfe. Il s'approcha, doucement, sans que l'animal ne cherche à l'attaquer. Il avança sa main, mais cette fois-ci, elle lui adressa des cris menaçants, tout comme l'oiseau.
-Je ne te veux aucun mal... Je t'en prie, laisse moi t'aider...
Le Ouargue dévisagea l'enfant pendant un moment, avant de tourner la tête, en direction d'une lueur dans la forêt.
-Cela doit être ma maîtresse. Ne t'inquiète pas, je la raisonnerai.
Il s'avança, prudemment, sans rencontrer de résistance de la part de la mère cette fois-ci. Il posa ensuite sa main sur le carreau d'arbalète, et poussa un soupir.
-Sois tranquille s'il te plaît, et ne me mors pas... Ça va être douloureux.
Il posa une main rassurante sur son long pelage gris, puis retira d'un coup sec le projectile. La bête hurla de douleur, et tourner ses crocs vers Liëren.
-Ça va aller ! Ça va aller ! S'exclama-t-il en s'immobilisant.
-Liëren ! Hurla Piata. Mon dieu, écarte toi de lui !
-Ne t'approche pas Piata ! Je gère la situation !
-Quoi ?!
Tout à coup, la bête se remit à hurler de douleur, accompagnant cette fois ses plaintes de gigotements.
-Viens vers moi Liëren !
-Elle est en train d'enfanter ! Comprit-t-il.
Sa remarque sidéra l'arbalétrière... Enfanter ! Jamais encore elle n'avait su que les Ouargues pouvaient être de sexe différent. Et pourtant, cela se concrétisa, lorsque plusieurs dizaines de secondes plus tard, Liëren se redressa, la tunique couverte de sang, mais dévoilant à la lueur des torches un petit animal pas plus gros qu'un chiot.
La mère s'était immobilisé. Liëren posa une main sur son museau, puis l'étudia pendant un moment. Il fut réellement attristé de constater que la bête avait rendu l'âme. Il se tourna alors vers le petit Ouargue. Elle aussi semblait de sexe féminin, et arborait une fourrure rousse, aussi rousse que le ciel lorsque le soleil se couchait. Il la transporta vers Patia.
-Qu'est-ce que tu comptes faire ? Demanda-t-elle, apparemment peu remise de ses émotions.
-On pourrait... La garder ? Supposa-t-il.
-Non, non du tout ! Il vient peut-être de naître, ce n'est toujours qu'une créature créée par le seigneur noir !
-Je la dresserai ! Je la mettra sur le bon chemin !
-C'est trop risqué, je suis désolée.
-Piata...
Il déposa le nouveau-né au sol, puis serra dans ses bras la femme qui s'était toujours occupé de lui.
-Je t'en prie, aies confiance en moi. Ce sera un bon animal de garde. Il nous rapportera de la nourriture. Il jouera avec nous. Il nous fera des câlins.
-Si c'est des câlins que tu veux, je peux toujours t'offrir une peluche.
-Laisse moi m'occuper de lui. Si la moindre chose tourne mal... Alors... Alors je m'en débarrasserai.
Piata soupira.
-C'est promis ?
-Totalement promis. Je te le jure. Sur mes parents.
La femme arbora un léger sourire, puis décolla l'elfe, afin de le fixer dans les yeux.
-A la moindre chose qui tourne mal...
-Oui.
-Bien. Dans ce cas, prend ta boule de poils. Nous avons encore une longue route à parcourir.
-Merci Piata ! s'exclama-t-il en sautant de joie.
Puis, il alla cueillir délicatement la petite Ouargue, qui se blottit instinctivement contre son buste.
-J'espère qu'on formera une bonne équipe. Liëren et Erya ? Ça sonne bien ! Ce sera ton nom désormais...
- Chapitre 2, Un nouvel espoir :
Attendri par l'allure patiente d'Erya qui le fixait droit dans les yeux, Liëren lui tendit les restes de champignons constituant son repas. L'animal renifla, puis, apparemment non intéressé, s'éloigna.
-Quelle princesse ! S'amusa le jeune elfe. Tu sais déjà ce que tu veux !
-C'est un animal carnivore, c'est normal qu'elle soit réticente aux champignons, déclara Piata qui rangeait leurs affaires.
-Elle est sacrément résistante à la faim tout de même. Indiqua-t-il.
-Hum...
L'enfant tourna le regard vers sa gardienne. Elle était perplexe.
-Tu ne m'en veux pas, hein ?
-Pour quoi je t'en voudrais ?
-Pour avoir donné le reste de mon lembas à un oiseau.
-Bien sûr que non. C'est dans ta nature d'être généreux. Si peu de personnes le sont de nos jours, je ne vais certainement pas te reprocher de l'être.
-Mais... Tu ne peux pas continuer à me donner ta part de nourriture. Ça fait des jours que ça dure. Tu t'affaiblies.
-Je dois te garder en bonne santé, je l'ai promis à tes parents.
-Peut-être que Erya pourrait participer à la chasse ? Supposa-t-il en sifflant pour appeler l'animal.
-Elle n'a que quelques jours...
-Mais elle a grandi en si peu de temps !
-C'est peut-être une particularité des Ouargues.
La boule de poil rousse trottina tranquillement vers son maître.
-Elle m'a rejoint ! S'enthousiasma-t-il en portant des caresses à son flanc. C'est bien ! T'es une gentille !
-Bon tout est prêt. Reprenons la route.
-Très bien.
Liëren bondit sur ses pieds, saisit son sac, puis s'élança vers Piata qui venait de repérer la route.
Actuellement, le petit groupe venait d'atteindre les Champs entourant le tranquille village de Bree. Piata avait suggéré de dépenser les dernières pièces qu'il leur restait auprès des fournisseurs de nourriture, afin d'enfin pouvoir profiter d'un vrai repas. Si l'objectif venait à échouer, pour une quelconque raison, la femme prévoyait toujours de dérober à quelques paysans certaines de leurs récoltes. C'était malhonnête, mais au point où ils en étaient, cela pouvait s'avérer nécessaire.
-On est près de Bree ? Finit par demander l'enfant.
-Il nous reste encore une bonne partie à parcourir, avoua-t-elle. Sois courageux, mon petit.
-Dans ce cas, est-ce que je peux avancer un peu sur la route... Faire l'éclaireur ! Afin de repérer le village.
-Nous en avons déjà parlé, il vaut mieux que nous restions ensembles.
-Je n'irai pas trop loin ! Je te le promets !
-Non, Liëren, je... AAAAAHHH !!!!!
Un étrange prise se resserrait autour de sa cheville. Piata baissa les yeux, et vit qu'elle venait de marcher dans un piège à ours. L'outil avait été habilement dissimulé parmi les hautes herbes.
-Piata ! Piata ça va ? Répond-moi, s'il te plaît !
-Ça... Ça va... Murmura-t-elle en essayant de contenir ses larmes. Ne regarde pas.
Elle ne savait pas si elle pourrait retrouver l'usage de son pied après cela. Un flot de sang recouvrait son pied gauche qu'elle ne sentait même plus. Elle n'osa pas bouger sa jambe, de peur d'aggraver la situation. La petite Ouargue s'approcha alors, et se mit à sentir le piège.
-Recule la ! Ordonna-t-elle.
-Erya, viens, tout de suite.
La bête releva le museau dans la direction de Liëren, et se mit soudain à gronder.
-Qu'est-ce qu'il se... Commença-t-elle en se tournant vers l'enfant.
Derrière lui, plusieurs individus s'étaient mis à découverts, pointant divers armes dans leur direction.
-Liëren, attention derrière toi !
Trop tard... L'un des brigand avait agrippé l'elfe au cou, et le maintenait bien fermement. Une autre personne, ciblant Piata de son arc, déclara avec sérieux :
-Votre or. Donnez nous votre or, tout de suite.
-Piata ! S'écria Liëren, la voix tremblante.
La vue de Piata commença à se troubler.
-Pitié... Laissez nous tranquille. Supplia-t-elle. On a rien...
-Ton or ! Exigea l'archer d'une voix plus autoritaire.
Les grondements d'Erya s'accentuèrent. Le brigand lui donna un énorme coup de pied pour la calmer, et elle s'éloigna alors en glapissant.
-Non ! Gémit Liëren. C'est mon animal !
-Rien à foutre. Tu te dépêche de filer l'or.
-Nous n'avons rien, je vous le jure. Dit Piata.
Elle vit alors avec horreur que le brigand retenant Liëren resserra son étreinte autour de son cou. L'enfant ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit.
-Noon !! Arrêtez ! Supplia-t-elle. Je vais tout vous donner ! Détachez moi, je vais tout sortir de mon sac !
-Mais... On va pas tuer un gamin quand même ! S'exclama un troisième individu en ouvrant de grands yeux d'ébahissement.
-On a pas le choix, vu notre situation. Trancha l'archer, avant de s'approcher de Piata et de s'emparer de son sac.
Il fouilla à l'intérieur, sortit la bourse de tissu conservant les maigres fortunes de l'arbalétrière, puis jeta le sac à ses pieds.
-Allez les gars, on se casse, relâchez le gamin.
Un cri d'effroi retentit en arrière, et Liëren vit alors Erya, qui sautait sur le dos d'un des brigands, avant de planter ses petits crocs dans son cou.
Piata n'hésita pas une seconde :
-Liëren, cours !
L'enfant resta tout de même tétanisé. Sa bête se tournait désormais vers l'archer. Les deux brigands ne voyaient pas vraiment comment réagir face à cette menace. Leur attention était portée sur Erya. C'était peut-être à lui d'agir ? Il se dégagea habilement du maintien de son ravisseur, puis s'empara de l'arbalète de Piata laissée au sol.
-Oh ! Il s'est barré le gamin !
-Quoi ?!
La Ouargue bondit vers l'archer, et saisit l'arc dans sa gueule, avant de l'envoyer balader plusieurs mètres plus loin.
-Lâche moi, sale monstre !
-S'il vous plaît, écoutez moi !
Liëren pointait l'arbalète vers eux.
-Je vous en prie, partez...
-Tu n'oseras pas gamin.
-S'il vous plaît... Insista-t-il d'une voix tremblante. Vous avez votre or. Laissez nous tranquille... Je vous en prie...
-Bon allez cassons nous. Décida enfin l'archer, sous les morsures répétées du Ouargue.
Tous deux s'éloignèrent, en prenant soin d'emporter le corps de leur compagnon. Derrière eux, Erya continua de hurler de colère.
-Piata... Piata, je fais quoi ?
-Tu as bien agi, mon enfant... Je suis fier de toi... Gémit-elle.
-Il faut que tu ailles mieux...
-Trouve... Quelque chose de résistant, et ouvre les mâchoires du piège.
-D-D'accord ! Compte sur moi !
Erya vint à ce moment se caresser contre Liëren, comme pour s'assurer de son état.
-Je vais bien. Viens, suis moi.
L'enfant s'éloigna avec sa compagne à travers les bois. Quelque chose de résistant... Quelque chose de résistant... Son cœur battait de plus en plus vite au fur et à mesure que son regard cherchait à travers les feuilles mortes. Plus le temps passait, et plus Piata risquait la mort. Il ne voulait pas la voir mourir. Elle ne devait pas mourir. Elle avait promis à ses parents de veiller sur lui.
Il vit alors une pancarte sur un chemin assez éloigné, désignant la direction pour se rendre à Bree. Il parvint au bout de plusieurs minutes d'efforts à arracher l'écriteau.
Enfin de retour auprès de Piata, il approcha l'objet d'entre les mâchoires, et vira au blanc lorsqu'il distingua la blessure de sa maîtresse.
-Ça va aller, dit-elle. Fais juste ce qu'il y a à faire.
Tout à coup, la petite Erya commença alors à tirer tant bien que mal le piège pour tenter de l'ouvrir. La femme prisonnière fut sidérée par l'intelligence de l'animal, qui semblait avoir compris le fonctionnement de l'outil. Et plus tôt, elle avait saisi la dangerosité de l'arc du brigand, et avait fait en sorte de s'en débarrasser. Jamais elle n'avait imaginé que les Ouargues puissent être aussi perspicaces, et remarqua que finalement sa décision concernant le sort de cet animal n'était peut-être pas une mauvaise décision.
Liëren prit son courage à deux mains, et enfonça l'écriteau dans un espace assez large entre les deux mâchoires. Et enfin, à forces combinées, le mécanisme libéra la cheville de Piata, qui vint s'écrouler sur le sol.
-Piata ! Piata non !
L'enfant se baissa vers elle, et prit sa tête entre ses mains.
-Fais pas ça ! Pitié !
Les paupières de la femme s'abaissèrent lentement, sous le regard impuissant du jeune elfe. Il pleura durant de longues minutes, en posant son oreille sur le cœur de sa gardienne. Il battait encore... Mais pour encore combien de temps ?! Ils étaient perdus, sur une route, et il ne voyait pas quoi faire...
-Mais, qui avons nous là...
Liëren leva la tête, un fermier les fixait avec une surprise non dissimulée. Erya se mit à grogner, mais l'elfe s'empressa de la prendre dans ses bras pour l'empêcher d'attaquer cet homme placé sur son chemin.
-S'il vous plaît, aidez-nous monsieur... Ma maîtresse est blessée.
-Je vais voir ce que je peux faire. Garde ton bestiau bien tranquille, je vous amène chez moi.
Il souleva Piata, désormais inconsciente, et se dirigea d'un pas hâtif vers des champs assez éloignés. Au loin se distinguait une chaumière. Peut-être enfin la fin d'un calvaire ?
Dernière édition par Yannou le Sam 2 Avr - 12:49, édité 3 fois |
| | | Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Re: Biographie d'Erya : Un monde impitoyable Lun 22 Fév - 23:22 | |
| - Chapitre 3, Un repos bien mérité:
Le fermier transporta la femme blessée jusqu'à sa demeure. Liëren le suivit sans dire un mot, et tenta de son côté de maîtriser sa petite Ouargue, qui ne cessait de gronder auprès du nouveau venu.
Ce dernier traversa diverses pièces avant d'arriver dans un genre de réserve. Il déposa doucement Piata sur un lit de paille, et, tout en commençant à nettoyer le sang recouvrant sa cheville gauche, demanda à l'elfe :
-Où sont tes parents ?
Liëren garda le silence. Le fermier n'insista pas. Il tira un tabouret à côté du lit de paille, et entreprit de désinfecter la profonde blessure de Piata.
-Je m'appelle Liëren. Dit enfin l'enfant.
-Et moi Toran.
-Elle, c'est Erya, ajouta-t-il en approchant le petit animal pour lui montrer.
La bête éprouvait déjà depuis plusieurs instants une méfiance immense envers cet inconnu, qui touchait les blessures de l'humaine avec qui il vivait. Il profita dès lors de cette occasion pour mordre la première partie du corps qui fut à portée de ses dents, à savoir son oreille gauche. Le fermier poussa un cri, puis, tout en se relevant, hurla d'une voix puissante :
-Dehors ! Sortez d'ici, toi et ton clébard ! Ou je vous vire tous les trois de ma demeure !
Liëren ne demanda pas son reste, et fila à l'extérieur, dans une petite cour cerclée. Il lui fallut de longues secondes avant qu'il ne soit totalement remis du choc. Il s'assit, adossé à un tonneau, et songea à sa gardienne, qui devait être dans un piteux état. Erya s'approcha doucement de lui et donna alors des coups de langues dans son cou rougis par le brigand un peu plus tôt.
-Ça va, ça va. La rassura-t-il en lui caressant tendrement le front. Grâce à toi, je vais bien.
L'animal se laissa caresser longuement sans protester. Il semblait rassuré à l'idée que son maître se porte bien.
-Tu sais... L'homme que tu as attaqué. Et qui est... Tu vois ce que je veux dire. C'est le seul à avoir pris ma défense. C'est dommage que tu ne t'en sois pas pris à un autre... Et...
Liëren soupira.
-Laisse tomber Erya. Voilà maintenant que je te parle de mort ! On ne doit jamais désirer la mort de qui que ce soit. C'est mal. Qui suis-je pour proposer la vie ou la mort de quelqu'un ? Ces gens ont beau être des hommes misérables, je n'aie pas à vouloir leur décès.
Le ventre du petit elfe se mit à pousser un grondement.
-Nous devrions trouver à manger. Viens Erya, ça doit être par ici.
Ils parcourent la demeure du fermier, qui s'avéra être beaucoup plus étroite qu'à première vue de l'extérieur. Ils trouvèrent finalement dans la cuisine un bol rempli de pomme, et à côté plusieurs jarres remplies de lait.
-Tu as soif ? Proposa-t-il.
Erya se dressa sur ses deux pattes, et poussa plusieurs cris impatients. L'elfe saisit alors l'un des récipients, puis versa dans une assiette creuse le breuvage écrémé. L'instant d'après, l'animal se jeta dessus, et entreprit de boire son contenu avec empressement.
-Eh ben, t'avais les crocs toi.
Tout en croquant dans une pomme, Liëren songea au prénommé Toran, en espérant que ce dernier ne lui en voudrait pas d'avoir consommé ses vivres sans sa permission. Ses inquiétudes furent tout de suite chassées par un appel lointain : Piata s'était éveillée, et le réclamait. Il s'élança vers la réserve, la petite Ouargue sur ses talons.
Lorsqu'il la retrouva, elle affichait une mine fatiguée, mais un doux sourire s'était dessiné sur ses lèvres dès qu'il était apparu dans l'encadrement de la porte. Sans se soucier de la blessure, il se jeta dans les bras de sa gardienne, et se blottit dans son cou.
-Tu vas bien ? Demanda finalement Liëren.
-Plus de peur que de mal, ne t'inquiète pas. Je pourrais retrouver l'usage de mon pied.
-Mais il lui faudra du repos, ajouta Toran. Et je ne voudrais pas paraître impoli envers d'aussi respectueux invités, mais vous comprenez qu'il va falloir me donner une compensation pour votre séjour ici.
-Oh... Gémit Piata. C'est que... Nous n'avons plus la moindre pièce. Des brigands nous ont dérobés nos dernières économies peu avant votre arrivée.
-Après tout, je ne sais rien sur vous, je ne vois ce qui me contraint de vous venir en aide.
-Mes parents sont morts, déclara froidement Liëren en lui jetant un regard empli de reproches. Ils vivaient en Lothlorien, les Bois d'Or situés à l'Est de la Terre du Milieu. Cette femme est Piata, elle s'est toujours occupée de moi. Et voici Erya, ma o...
-Son chiot, le coupa Piata afin d'éviter une situation envenimée sur les origines de l'animal.
-En savez-vous désormais assez sur nous pour être miséricordieux à notre égard ? Termina l'elfe.
La petite Ouargue accompagna sa question d'un grondement menaçant vers Toran, comme pour appuyer ses propos. Le fermier recula de quelques pas, puis, sortit de la réserve en bougonnant dans sa barbe.
Piata n'eut pas le cœur de reprocher à Liëren son manque de courtoisie à l'adresse de leur hôte. Elle prit une longue respiration, et le sera davantage contre elle.
-Je t'aime, dit-elle.
-Je sais.
Elle pensait fermer l'œil, et se reposer un peu, quand tout à coup, la question de Liëren vint la déstabiliser :
-Est-ce que mes parents m'aimaient ?
-Quoi ? Mais... Bien sûr.
-Alors pourquoi m'ont-ils confié à toi ? Pourquoi ils ne se sont pas occupés de moi, plutôt que de partir à la guerre ?
Piata marqua un long silence. Il était important dans ce genre de discussions de lui apporter les meilleures réponses possibles. Elle réfléchit longuement, avant de lui annoncer :
-Si tes parents ont fait ce choix, c'est pour toi. Il voulait transformer le monde actuel en un univers plus tranquille et harmonieux. Afin de pouvoir t'élever dans un cadre idéal, et pour que tu puisses vivre dans une vie où le mal n'est plus présent. En faisant cela, ils n'avaient en tête que l'idée que tu puisses être heureux. Est-ce que tu comprends ?
-Je crois...
Erya bondit sur le lit de paille, et se nicha au milieu des deux personnes présentes à l'intérieur. Elle les fixait droit dans les yeux.
-On dirait qu'elle nous comprend quand on parle, fit remarquer Liëren.
-C'est possible. On raconte que les Ouargues forment des montures d'une efficacité incroyable avec leurs chevaucheurs, les gobelins. Peut-être que ces bêtes comprennent certaines langues ?
-Ce serait génial.
La petite Ouargue ferma les yeux, et très vite, un ronflement sonore s'éleva de cette petite boule de poils rousse.
-Piata ?
-Oui mon trésor ?
-Tu pourras m'apprendre à utiliser une arme ?
-Une arme ? Mais... Enfin pourquoi ?
-Après ce qu'il s'est passé tout à l'heure, je pense qu'il aurait peut-être été préférable que je sache me défendre. Non ?
-Je pense que tu as raison. Que voudrais-tu apprendre ?
-Tu me racontais souvent que les gens comme moi étaient inégalables dans l'art du tir à l'arc.
-En effet, mais tu n'as pas encore assez de force pour bander un arc, et tu n'es pas encore assez grand.
-Ton arbalète alors ?
-Elle est beaucoup trop lourde pour toi, tu ne saurais l'utiliser correctement.
-Un couteau... ?
-On ne manie pas un couteau. On s'en sert. Ce n'est pas comme une épée, ou une lance, qui nécessitent un minimum d'exercice avant de pouvoir espérer s'en servir.
-Tu pourrais me prêter le tien du coup ? Proposa l'enfant.
-J'y songerai très franchement. Conclut-elle.
-D'accord.
L'enfant ferma les yeux, et plongea très vite dans un profond sommeil, bercé par la respiration de sa gardienne.
Plus tard dans la nuit, il fut réveillé par les jappements d'Erya. Cette dernière dirait le pan de son pantalon.
-Arrête, s'il te plaît... Bâilla-t-il.
Elle se fit plus insistante, ce qui résolu finalement Liëren à se lever.
-Qu'est-ce qui se passe... Hé ! Reviens ici !
Trop tard. L'animal s'était élancé en dehors de la rivière. L'elfe poussa un soupir de découragement, puis sortit à son tour de la pièce. Il traversa en grelottant la cour jusqu'à rejoindre Erya, cachée derrière un épais buisson, qui semblait l'attendre.
-Il fait nuit, se plaignit-il. Ce n'est pas le moment de jouer.
La petite Ouargue poussa de légers jappements plaintifs, puis pointa son museau vers des champs, qui s'étendaient au-delà de la demeure de Taron. Liëren plissa les yeux, puis jeta à son tour un coup d'œil. Il repéra dans l'obscurité le vieux Taron, qui discutait avec un groupe d'individus à l'air louche.
C'est alors qu'il reconnut l'un des inconnus, qui n'était autre que l'archer ayant menacé sa gardienne, la veille. Ce dernier tendait une bourse au fermier, qui s'en saisit, avant de pointer du doigt sa demeure, et plus précisément, l'emplacement de la réserve.
Les cheveux de Liëren se dressèrent sur sa tête, et Erya se mit à gronder de mécontentement.
-Y'a un problème, il faut prévenir Piata ! S'inquiéta-t-il avant de courir en direction du bâtiment.
Il fonça vers le lit de paille, et secoua sa maîtresse, qui sursauta à ce réveil brutal.
-Piata ! Piata ! Réveille-toi, vite !
-Qu'est-ce qu'il se passe, voyons, calme toi, on dirait que tu as vu un fant...
-C'est le fermier ! Erya et moi, on l'a vu avec les brigands de tout à l'heure ! Ils parlent ensemble, là, tout de suite, devant la maison !
-Quoi ?! Dis-moi tout, est-ce que tu les as vus ? Demanda-t-elle en se redressant et en posant ses mains sur ses épaules.
-Oui ! L'archer a donné une bourse au fermier, puis ensuite, le monsieur a pointé dans notre direction.
-L'infâme ! Nous aurait-il vendu ?
-Piata, on doit partir, maintenant !
-Je ne sais pas si je peux marcher dans mon état.
-Je t'en prie, il faut que tu essaies.
La femme tenta alors de se tenir debout. La difficulté résida plus sur le fait de se déplacer. Liëren perdait espoir, lorsqu'il finit par comprendre qu'ils ne pourraient jamais s'enfuir dans son état.
Erya, guettant à travers la porte les mouvements du dehors, se mit à leur adresser de furtifs cris.
-Je crois qu'ils arrivent. Paniqua l'elfe.
-Viens, dit finalement Piata en lui saisissant la main.
Elle l'entraîna dans un coin sombre de la pièce, puis, en repérant rapidement son environnement, repéra alors un espace suffisamment grand, sous un support en bois où était entreposé du bois de chauffage, pour qu'ils puissent s'y dissimuler. Ils s'y glissèrent silencieusement. Liëren remarqua également une forme touffue qui passa dans un coin de la réserve, juste avant que la porte ne s'ouvre, dévoilant l'archer et son compagnon rencontrés précédemment, accompagnés cette fois de cinq autres personnes.
-Je pensais qu'ils étaient là. S'énerva un homme de haute stature en se tournant vers Taron.
-Ils... Ils étaient là ! S'exclama-t-il, incrédule. Je ne comprends pas ! Je...
-T'essaie de nous jouer un traquenard le fermier ? Est-ce que tu sais au moins ce qu'ils représentent pour notre chef ? Lui adressa l'archer. Ils ont une bête avec eux. Elle a tué son fils. C'était un type bien. Et crois-moi, on va venger sa mort. C'est bien ce qu'il mérite après s'être fait buté comme ça par ces immondes bâtards !
Liëren tremblait de tout son corps.
-Fouillez la réserve ! Ordonna l'homme de haute stature.
Ils étaient fichus ! Piata saisit la main de son protégé, mais ne voyait malheureusement pas comment les sortir de cette situation. L'enfant la fixait avec effroi, mais elle ne pouvait rien faire d'autre pour le rassurer. Son propre cœur battait à tout rompre.
Soudain, un cri s'éleva dans la pièce. Erya passa tel un éclair parmi les brigands, et s'élança au dehors en continuant de hurler à répétition.
-Non... gémit Liëren à voix basse.
-Chut...
Les brigands poussèrent des jurons, et se mirent à la poursuite de l'animal. Très vite, tous avaient quitté la réserve, laissant seuls la femme et l'enfant, encore cachés sous le bois de chauffage.
-Elle a créé une diversion, comprit finalement. C'est une occasion qu'il nous faut saisir Liëren. Sortons d'ici, vite !
-Et... Et pour Erya !
-On verra bien. Mais je pense qu'elle va s'en sortir. Elle a l'air d'être pleine de ressources !
-J'espère...
Et c'est emplie d’un nouvel espoir que Piata entraîna le petit elfe dans la nuit noire, en espérant que le futur s’annoncerait plus clément.
Le petit elfe ne parvenait même pas à entendre le son de ses pas, tant son cœur battait fortement. Le frois traversait aisément ses vêtements trempés par la boue, à tel point que chaque fibre de son corps était douloureusement gelées.
-Piata… Gémit-il.
-Ça va aller mon ange.
Des hurlements bestiaux firent soudain écho à travers les champs. Liëren ouvrit de grands yeux. De nombreuses émotions se bousculèrent simultanément en lui. La joie de savoir qu’Erya était toujours en vie, et la crainte que ce cri ne soit en fait qu’un cri de douleur ou un appel à l’aide.
- On ne peut pas la laisser… Dit-il.
-Ça ne sert à rien de jouer aux héros, trancha Piata. On ne peut rien faire contre ces hommes.
C’est ainsi que l’enfant se résolu à se plier aux ordres de sa gardienne. Ils poursuivirent leur fuite durant plusieurs heures. La pluie vint s’ajouter à la partie. Tenir debout dans la boue liquide qui recouvrait les champs agricoles fut toute une épreuve, surtout pour la cheville de Piata. Cette dernière dut finalement s’avouer vaincu, lorsqu’ils parvinrent au bout des champs de Bree, aux abords d’un ensemble de collines. Là, elle se laissa tomber dans la boue, et sombra dans l’inconscience.
- Chapitre 4, Rongés par la faim:
Liëren guetta, comme à son habitude les abords du Lac de Simplétoile avant de s'y diriger. Il suivait avec soin les conseils de Piata, quant aux faits d'être prudent, de veiller à ne jamais se faire surprendre et surtout parer toute éventualité en surveillant son environnement. Personne ne semblait traîner dans les parages.
L'elfe s'élança alors vers la rive, et rempli sa gourde de cette eau claire qui constituait ce lac. La seconde suivante, il avait disparu, telle une ombre, et s'était réfugié au couvert des arbres. Il ralentit ensuite l'allure, rassuré à l'idée de ne plus être à terrain découvert. Il se mit à sautiller en sifflotant, tentant d'oublier la faim qui lui serrait le ventre.
Tout à coup, il aperçut de petits points rouges plusieurs mètres près d'un petit arbuste. Une joie se mit à grandir en lui, lorsqu'en approchant, il découvrit cette poussée de fraises de bois. On avait exaucé ses prières ! Il s'empressa de s'asseoir devant ce trésor, et de cueillir délicatement les fruits afin de les ranger dans son petit sac de toile. Il s'autorisa à déguster l'une de ces fraises. Malgré sa maigre consistance, elle lui ravit les papilles.
Les oreilles d'un humain n'auraient peut-être pas pu le prévenir du danger lointain se reprochant dans sa direction. Mais fort heureusement, Liëren était de natalité elfique, et il perçut sur sa gauche un mouvement menaçant et rapide qui fonçait droit sur lui.
Il eut une seconde d'incompréhension, mais le cri que dégagea cette menace lui servit d'électrochoc. Il se releva, dégaina son couteau, et, tout en reculant, le pointa vers la menace.
Une imposante bête jaillit des buissons, et vint se poster devant lui, de toute sa grandeur. Liëren en resta bouche bée.
-Je te croyais morte...
L'énorme boule de poils roux s'avança lentement, ses yeux jaunes pointés vers les siens. Le petit elfe rangea son couteau, et vint se jeter au cou d'Erya. L'animal se laissa faire, et passa même une langue dans son cou, comme elle avait pu le faire par le passé.
-Par tous les dieux... Je ne m'attendais vraiment pas à te retrouver un jour... Je n'aurais pas dû douter de toi, ma jolie !
Un léger grondement se dégagea de sa gueule, comme si l'animal venait de voir une menace, et Liëren se retourna. Il entraperçut dans une clairière, au-dessus d'une colline, une silhouette vaguement humaine, dissimulée par l'obscurité des arbres.
-Je ne sais pas s'il nous a vus... Mieux vaut ne pas traîner. Viens Erya, je vais nous conduire à notre abri.
La Ouargue suivit de pied ferme son maître, en restant étrangement collé contre lui.
-Tu peux t'écarter hein, nous n'avons aucune raison d'être séparés cette fois-ci, s'amusa ce dernier en lui adressant une caresse affective entre les oreilles.
Comme si elle avait saisi le sens de ses propos, Erya s'écarta légèrement sur le côté.
-Piata avait sûrement raison quand elle me parlait des Ouargues capables de comprendre les langues de leurs maîtres ! Se réjouit-il. Et c'est fou ce que t'as pu grandir en si peu de temps, tu atteins presque ma taille ! Peut-être que je pourrais grimper sur toi après !
Ils parvinrent dans un escarpement rocheux se détachant des limites de la forêt. Là se dressait une tente de fortune fabriquée à partir de quelques morceaux de toiles. Elle était dissimulée à la vue des étrangers derrière plusieurs rochers, et était entouré de quelques torches piquées au sol, qui servaient essentiellement à faire fuir les prédateurs la nuit.
-Piata ! Appela l'enfant en direction de la tente.
Quelque seconde plus tard, la trentenaire sortit du petit abri, et accueillit Liëren dans ses bras.
-Regarde ! Erya est enfin revenue ! Après ces deux longs mois... T'avais raison, elle avait plus de ressources qu'elle en avait l'air ! Et regarde comme elle est énorme maintenant !
Piata se détacha de l'étreinte de son petit protégé, et jeta un coup d'œil méfiant en direction de la Ouargue. Après deux mois d'absences, Erya finissait par les retrouver, certes... Mais où avait-elle été durant ces deux mois ? Et avait-elle changée ? Il ne fallait pas écarter la possibilité qu'elle ait pu réintégrer les membres de son espèce, et ainsi retomber sous le joug du seigneur noir.
-Liëren, on ne sait pas où elle est allé ces deux derniers mois... Peut-être a-t-elle retrouvé ses origines bestiales.
-Quoi ? S'étonna l'enfant. Mais... Non ! Elle a dû... fuir les brigands, puis nous chercher pendant tout ce temps ?
-Rien ne nous prouve que ça ait été le cas.
-Elle m'a pas attaqué ! Elle me reconnaît, je le sens ! Je t'en prie, fais-moi confiance ! Et de toute façon, je t'ai fait une promesse. A la moindre chose qui tourne mal, je m'en débarrasserai.
-Il sera beaucoup plus compliqué de s'en débarrasser maintenant qu'elle est arrivée au terme de sa croissance.
-Et elle pourrait nous aider à trouver de la nourriture ! Insista-t-il. On meurt de faim...
-Je comptais justement partir à la chasse demain, déclara Piata en désignant son arbalète.
-Mais... Tu es encore trop faible !
-Ne dis pas de bêtises, je ne sens presque aucune douleur dans ma cheville désormais.
-Mais tu continues à me donner tes parts de nourriture ! S'énerva Liëren. Regarde, tu trembles. Tu parviens à peine à tenir debout. A cela s'ajoute l'hiver qui est en train de s'entamer... Je pense pas qu'on sera bien au chaud dans cette tente... On devrait peut-être aller en ville.
-C'est beaucoup trop loin Liëren, et même une fois là-bas, que pourrions-nous y faire ? Nous n'avons pas d'argent, ni quoi que ce soit qui ait de la valeur. Nous rapprocher des villes ne ferait que nous dévoiler aux communautés de coupe-jarret.
-Nous ne pouvons vraiment pas rester ici, Piata... Lâcha le petit elfe en lui jetant un regard suppliant. Et on a besoin d'Erya pour s'en sortir.
-Pourquoi ne peut-on pas rester ici ? Demanda-t-elle en haussant les sourcils. Il y a un soucis.
-J'ai vu un homme, tout à l'heure. Je sais pas s'il m'a vu...
-Un homme ? Répéta Piata avec inquiétude.
Elle se baissa à la hauteur de Liëren, posa ses mains sur ses épaules et le fixa droit dans les yeux.
-Qu'est-ce que tu as vu exactement ?
-Il était seul, et il était tourné dans ma direction. J'ai pas pu voir qui c'était, l'ombre le cachait. Il a fini par disparaître dans les fourrés.
La femme se redressa, et promena son regard autour du campement. Il n'y avait qu'Erya, patientant tranquillement, allongée sur une pierre plate. Elle continua sa vérifications, quand elle eut tout à coup des vertiges, et commença à chanceler.
-Attention ! S'exclama Liëren, avant de lui saisir la main.
-J'ai besoin de m'asseoir... Murmura Piata.
L'enfant guida sa maîtresse à l'intérieur de la tente. La Ouargue se releva, et s'engagea à leur suite. A l'abri, Piata s'installa, adossé contre son sac de voyage.
-Tu as ramené de l'eau ? Demanda-t-elle.
-Oui, tiens, tu peux tout boire, je peux y retourner si tu veux.
-Non, seules quelques gorgées devraient suffire, lui dit-elle en portant la gourde à ses lèvres.
-J'ai aussi trouvé des fraises des bois, annonça l'enfant en dévoilant le contenu de son sac.
-Oh.
Piata baissa les yeux sur ces victuailles. Bien qu'en très faible quantité, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Mais elle devait avant tout préserver son protég...
-Prends en, allez, l'encouragea-t-il. Tu en a bien besoin pour l'instant. Dis-toi que si tu veux veiller sur moi convenablement, il faut que tu sois en forme.
Elle lui adressa un léger sourire, puis saisit la dizaine de fruits que lui tentait le petit elfe. Elle les dégusta lentement, espérant combler ainsi sa terrible faim. Mais lorsqu'elle eut avalé la dernière fraise, son ventre se mit à pousser un grondement puissant, à son plus grand désespoir. Liëren baissa les yeux.
-On a besoin d'un plan. Gémit-il.
-Plus que jamais.
Constatant que sa maîtresse roulait de l'œil, l'enfant décida de la laisser se reposer, et porta son attention sur la Ouargue qui les guettait silencieusement au fond de la tente. Il sortit à l'extérieur, et attira sa compagne en poussant un vif sifflement.
-Tu veux jouer à un jeu ? Proposa-t-il pour se changer les idées.
Il saisit un bout de bois au sol, qu'il avait un jour ramené des forêts, étant donné que sa forme lui plaisait. Erya pointa son regard vers l'objet, et pencha la tête.
-Je ne sais pas si tu vois ce que je te propose... C'est un jeu connu pour les chiens. Je dis pas que tu es un chien, ne te vexe pas ! Mais... je n'ai vraiment d'autres idées pour le moment.
Elle s'approcha, et sentit le présumé jouet.
-Je suis censé le lancer, et toi le rattraper. C'est aussi simple que cela. On essaie ?
L'animal jeta un regard de travers à son maître, comme pour démontrer son incompréhension.
-De toute façon, quand on essaie, on finit toujours par comprendre. Allez, attrape ! Lança-t-il en projetant le bâton en l'air.
A sa grande surprise, Erya se lança prestement à la poursuite du bâton. Sa vitesse était impressionnante. Elle courut sur plusieurs mètres, avant de prendre son élan, et de bondir à une hauteur impressionnante, avant de saisir vivement le jouet entre ses crocs. Elle atterrit magnifiquement au sol, et vint redéposer le bâton au pied de son maître.
-Ouah... Souffla-t-il.
La Ouargue s'assit devant lui, et balança gaiement sa queue, en ne quittant pas des yeux le bâton.
-Encore une fois !
Liëren s'exécuta une nouvelle fois, en le lançant cette fois encore plus haut. A nouveau, Erya se démontra être pleine de surprise. Etrangement, elle ne courut pas cette fois, mais escalada un rocher. Et une fois dessus, elle sauta en l'air, et parvint une nouvelle fois à saisir le bâton, malgré sa hauteur par rapport au sol.
Tous deux continuèrent ainsi de jouer jusqu'à la tombée de la nuit. Liëren rejoignit sa gardienne, et se coucha à ses côtés. Il lui fallut deux bonnes heures avant de parvenir à s'endormir, tant la faim omnibulait ses pensées. Et lors de son réveil, il n'avait l'impression d'avoir dormi que quelques minutes. Il fut surpris de retrouver Erya, en boule sur sa couche, dégageant le même ronflement auditif que dans sa jeunesse. Il se releva, se frotta les yeux, s'étira un bon coup, et traîna des pieds jusqu'à l'extérieur.
Le soleil l'aveugla, et il sentit sa gorge asséchée. Il lui faudrait encore retourner au lac ce matin... Il songea à la silhouette qu'il avait aperçue la veille, et se demanda s'il ne devrait pas s'y rendre avec Piata, par prudence. Avait-elle suffisamment de force pour se déplacer jusqu'à l'étendu d'eau sans qu'elle ne se mette en danger ?
Alors que sa vue venait de se stabiliser par rapport à la lumière extérieur, il s'apprêtait à retourner dans la tente, quand il remarqua un jeune homme, traînant les pieds vers lui, une main tendu, en signe de détresse.
-Piata ! S'exclama-t-il en cherchant à tâtons son couteau. Il l'avait laissé à l'intérieur de la tente...
Il n'eut pas l'occasion de s'en servir, car l'étranger vint se laisser tomber à ses pieds. Il baissa la tête en signe de soumission, et murmura d'une voix faible :
-De l'eau... Je vous en conjure... De l'eau...
Piata sortit à son tour de la tente, son arbalète en joug, aussitôt suivie par Erya, qui grogna à la vue de l'individu.
-Il a soif, indiqua Liëren.
-Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Demanda la femme d'une voix autoritaire.
-Pitié... De l'eau...
-Répond aux questions ! Exigea-t-elle en se positionnant à côté de son protégé.
-On doit l'aider ! Le défendit l'elfe en se tournant vers sa gardienne. Il est déshydraté ! Il pourra toujours nous répondre après avoir bu un coup, non ?
Elle resta silencieuse, ne quittant pas des yeux l'adolescent.
-M-merci... Murmura ce dernier à l'adresse de Liëren.
-Tu as dit avoir vu une personne près du lac, dit Piata. Si tu t'y rends, tu risques de courir un danger.
-Erya me protégera. Avec elle, je ne risque rien. Et si je vois le moindre danger, je m'enfuis, promis. Et si c'est le cas, elle restera sur mes talons pour veiller sur moi.
-Très bien. Soupira-t-elle. Reviens vite, je me charge de ce jeune homme.
Liëren ne perdit pas de temps, et s'élança aussi vite que son corps le lui permit en direction de la forêt. Une fois arrivé au bord du lac, il plongea sa tête à l'intérieur, et satisfit tout d'abord sa soif, tout comme Erya. Ensuite, il remplit la gourde jusqu'à ras bord, et fit le chemin inverse sans qu'il n'y ait le moindre problème. Il retrouva sa gardienne, assise face à l'adolescent qui était attaché à une pierre à l'aide d'une corde entourée autour de son corps.
-Voilà. Déclara le petit elfe en tendant la gourde à sa maîtresse.
Elle pencha le récipient près des lèvres du jeune homme, et lui offrit la moitié du contenu. Il n'en perdit pas une goutte, puis chuchota un merci.
-Maintenant, tu réponds à nos questions. Ordonna Piata en rangeant la gourde dans son sac.
-Comme vous voudrez.
Liëren alla s'asseoir sur un rocher à côté de sa Ouargue, et écouta attentivement l'échange, tout en caressant sa sublime fourrure rousse, espérant la rassurer. Elle ne cessait de pousser des grognements méfiants depuis l'arrivée du jeune homme.
-Je m'appelle Pesla. J'étais en voyage d'affaire avec mes parents. On livrait une cargaison de couvertures de Bree en direction de la ville du Pont-A-Traiteaux, au Nord. Cette ville a récemment subi des assauts. Des Orcs. En vue de l'hiver, les survivants avaient besoin de couvertures pour survivre.
-Abrège ces péripéties, viens en au fait, qu'est-ce que tu fais ici ?
-Une roue de notre chariot s'est brisée sur la route, et on a voulu revenir à Bree. Mais ça s'est pas passé comme prévu, on a fait de mauvaises rencontres. Des ours affamés.
L'adolescent serra les dents, et plusieurs larmes commencèrent à couler sur ses joues.
-On a pu fuir que sur quelques centaines de mètre. Leur... Leur attention était focalisée sur mes parents... J'ai pu m'en aller grâce à ça. Et je me suis perdu. Ca fait des jours que je marche sur ces terres, espérant trouver une route ou un village... Et j'ai faim... Est-ce que vous auriez de la nourriture ? J'ai tellement faim.
-Non, navré, nous n'avons rien. Dit froidement Piata en toute honnêteté. J'ai encore une question. Est-ce que tu aurais traîné dans la forêt par là-bas hier ?
-N-non... Je n'y ai jamais mis les pieds.
-Hum... Très bien. Bon, je vais te libérer, et tu vas pouvoir continuer ta recherche. Si tu veux, il y a un lac à une centaine de mètres en traversant cette forêt. C'est le seul renseignement que j'aie à t'apporter.
Elle détacha la corde, et l'aida à se relever. L'adolescent inclina respectueusement la tête, mais la tristesse marquait son visage creusé par la faim. Liëren se désola pour ce pauvre jeune homme, qui comme lui, avait perdu ses parents... Mais il ne pouvait pas contester les décisions de sa gardienne, car malheureusement elle avait raison : ils n'avaient rien à lui apporter. Pesla s'éloigna donc de leur campement, et s'enfonça dans les bois, avant de disparaître de leur champ de vue.
Erya se détendit, et laissa retomber sa tête sur les genoux de son maître. Il sursauta, puis rit aux éclats en voyant l'animal s'étendre ainsi sur toute la surface de leur rocher.
-Tu me prends pour un oreiller, dis !
Tous deux restèrent une bonne partie de la journée prélassés sur ce rocher. Liëren partagea avec son amie des anecdotes sur la vie en forêt et les animaux qu'il connaissait. Il parlait également de Piata, de sa volonté à toujours tout faire pour qu'il soit préservé et le fait qu'il sache venir à bout de son entêtement par des mots doux et une expression mignonne. Il lui raconta la vision qu'il se faisait de ses parents, leur apparence comme leur caractère, en se basant sur les dires de sa protectrice. Il aurait tant aimé se souvenir d'eux, ne serait-ce que d'une image...
Finalement, la bête finit par se relever, et s'élança dans une direction quelconque sans même prévenir son maître. Il l'appela, mais elle ne revint pas.
-Ne t'inquiète pas, le rassura Piata en s'approchant. Elle est sûrement partie chasser. Ou régler un de ses problèmes d'animal. C'est une bête sauvage après tout, elle ne peut pas rester tout le temps auprès de toi.
-Je vois.
-Sans rapport, mais je t'annonce que nous mettons les voiles demain matin.
-Ah ? S'étonna Liëren en étudiant les traits de sa gardienne. Mais... Tu es toujours affaiblie ! Tu ne pourras pas voyager dans ces conditions, souviens toi d'hier !
-Hier, tu as insisté que nous devions partir dès possible, le rappela-t-elle. Ecoute, ça ne va pas s'arranger avec le temps, crois-moi. Si nous restons dans ces collines pour le reste de l'hiver, nous ne ferons que retarder l'inévitable. Tu comprends ?
-Je crois que oui... Mais où irons-nous ?
-Vers l'Ouest, en direction de la Comté. Peut-être que si nous y parvenons, les Semi-Hommes accepteront de prendre soin de nous.
-Des... Des Semi-Hommes ? S'émerveilla Liëren. Pour de vrai ?
-Oui, pourquoi pas, dit-elle en esquissant un sourire devant la joie de son protégé.
-Je ne pense pas, non. Déclara alors une voix glaciale, dans leur dos.
Ils se retournèrent simultanément, Piata sortant son arbalète. Ils faisaient face à une dizaine de brigands, pointant à l'unisson leurs armes dans leur direction. Liëren reconnut leur commandant. Celui-ci semblait avoir perdu le bras avec lequel il avait tenté de l'étrangler plusieurs mois plus tôt. Il arborait un moignon se délimitant à la base du poignet. A ses côtés, il remarqua à sa plus grande surprise le jeune Pesla, arborant un sourire fier.
-C'était un piège ! S'enragea Piata en visant l'adolescent de son arme.
-Et il a fantastiquement bien marché. S'amusa le commandant. Après deux mois de recherche, nous retrouvons enfin l'arbalétrière et l'enfant, aidés par ce loup qui m'aura ôté ma main...
-Liëren, reste derrière moi. Ordonna Piata.
-Notre chef sera ravi de vous voir enfin. Annonça l'amputé en s'avançant vers la femme et son protégé. Il vous attend depuis très longtemps.
-Ne tire pas Piata, ou ils vont t'abattre... Supplia le petit elfe.
-C'est une évidence. Dit-il, avant de frapper violemment sa gardienne à la tête au gourdin.
Piata retomba au sol, dévoilant alors l'enfant, seul face à son destin.
-Fais de beaux rêves.
Il sentit une violente douleur lui percuter la tempe, et sombra dans l'inconscience.
Dernière édition par Yannou le Sam 2 Avr - 12:51, édité 3 fois |
| | | Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Re: Biographie d'Erya : Un monde impitoyable Dim 28 Fév - 13:17 | |
| - Chapitre 5, Plan d'escapade:
-Piata... ?
La femme ne réagit pas. Le petit elfe rampa jusqu'elle, et étudia avec inquiétude son visage. Il était creusé par la faim et des cernes démesurées démontraient sa grande fatigue. Certaines de ses mèches brunes étaient ensanglantées, sûrement à cause d'une blessure provoquée par le coup de gourdin.
Liëren se redressa, et tenta de repérer une issue dans leur lieu de captivité. Ils se trouvaient à l'intérieur d'un genre de cabane miteuse. Le plancher était humide et craquait sous chaque mouvement. Il y avait quelques meubles par-ci par-là, c'est-à-dire une table auxquelles il manquait un pied, une armoire brisée, et un reste de portemanteau. Des débris de verres reposaient au sol, près de fenêtres dont l'ouverture était malheureusement bloquée par des planches, solidement fixée à l'extérieur. L'absence de fenêtre laissait donc pénétrer un froid glacial, et Liëren entraperçut, à travers les planches, des flocons qui tombaient du ciel. L'hiver débarquait, apportant avec lui une multitude de nouveaux problèmes.
-Piata ? Insista-t-il la secouant légèrement.
Il y eut un déclic au niveau de la porte d'entrée, avant que celle-ci ne s'ouvre, en laissant entrer une multitude de flocons et un homme à l'apparence familière. Son moignon à la place de la main droite ne laissait pas de doute quant à son identité. Etrangement, il avait accroché à son dos l'arbalète de Piata. L'enfant recula craintivement, jusqu'à se coller contre le mur de la cabane.
-Hum... T'es réveillé. Tant mieux. Dit-il en faisant claquer la porte derrière lui. Venons en directement au fait : où est le Ouargue qui vous accompagnait ?
Liëren déglutit, et garda la bouche fermée. Le brigand sourit d'amusement. Il releva son moignon devant ses yeux, et raconta, d'un ton presque admiratif :
-C'était... Presque un petit chien. Une chose fragile en apparence. Mais pourtant, ce soir-là, dans les champs, aucun d'entre nous n'aurait pu savoir que cette bête aurait eu la capacité de tuer à nouveau l'un des nôtres, et de m'arracher ainsi la main.
Il redirigea son regard menaçant vers Liëren, lui provoquant un frisson de peur.
-Tu te souviens de l'archer ? Il s'appelait Jyarla. C'est celui qui avait shooté dans « ton animal ». C'est lui qui y a laissé la vie. On l'avait perdu de vue, dans l'obscurité, cette bête. Et tout à coup, elle est apparue, sortant de nulle part. Personne n'avait eu le temps de réagir, et notre ami Jyarla s'était retrouvé allongé sur le sol, avec ta petite saloperie de clébard par-dessus, les griffes plantées dans ses yeux. Il hurlait... Hurlait tellement... J'en fais encore des cauchemars.
Liëren commença à trembler, et jeta de petits regards suppliants à Piata. Mais elle semblait encore être dans l'inconscience.
-Elle a mordu notre ami l'archer au cou, poursuivit l'estropié. C'était trop tard pour le sauver. Je pointai ma lance, et m'apprêtai à l'embrocher. Elle a soudain tourné la tête dans ma direction. J'en suis resté paralysé. Elle a bondit à une vitesse effarante, et a planté ses crocs dans mon poignet droit, comme pour me faire lâcher l'arme. Je suis tombé à la renverse, et j'ai entendu un déchirement. En jetant un regard à ma main, je suis tombé des nus lorsque j'ai constaté qu'elle me l'avait arraché. Et elle avait disparue, en poussant des cris qui faisait encore écho dans mes oreilles.
Liëren relia cette histoire à l'épisode du jeu du bâton. Là aussi, Erya avait démontré ses bonds exceptionnels et ses coups de gueule vifs. Le brigand soupira, et, en continuant son monologue, s'avança vers le petit elfe :
-C'est quand mon fils est finalement venu à votre rencontre, et m'a fait part de l'énormité de la bête, que j'ai compris que vous trimballiez carrément un Ouargue. Un Ouargue... Comment c'est possible...
Il mit la main derrière son dos, et en sortit une machette. Il n'était qu'à deux bons mètres de l'enfant.
-Ta bête m'a ôté une partie de moi ce soir-là. J'ai bien envie de te faire subir la même chose. Juste... Pour enfin me sentir acquitté.
-Non ! Non arrêtez ! Pitié ! Non !!
Il n'était plus qu'à un mètre. Son regard rempli de haine faisait naître une terreur sans nom à Liëren. L'enfant imaginait déjà la souffrance que lui causerait le sort lui étant réservé. Il s'abaissa, mit ses mains au-dessus de sa tête, et trembla de tout son corps, en le suppliant de le laisser tranquille.
De son côté, Piata était restée immobile, mais n'avait pas perdu une miette des dires du brigand. Dès que celui-ci se fut suffisamment approché, elle releva vivement la jambe gauche. Il se retrouva balayé, et tomba tête la première sur le plancher défaillant.
La trentenaire ne perdit par une seconde, et s'empara vivement de l'arbalète fixée au dos du brigand. Puis elle se releva, se plaça entre lui et Liëren, et le pointa de son arme favorite, après avoir pris soin de l'armer.
L'estropié jeta un regard sur le côté, en direction de Piata, et se heurta au-dessous d'une botte. Du sang coula de son nez, tandis que la femme lui réclamait d'un ton exigeant :
-Aucun appel à tes petits copains, ou c'est un carreau dans la tête. Tu laisses ta machette au sol et tu te relèves.
Il s'exécuta sans broncher, et leva les bras au-dessus de la tête.
-Recule.
-Cesse donc tes petits rituels, s'amusa-t-il. Autant en venir à la finalité. On sait tous les deux que tu vas devoir me tuer, alors autant le faire mainte...
-Qui vous dirige ? La coupa-t-elle. Qu'est-ce que vous avez contre nous ? Vous nous avez dépouillés, ça ne vous suffit pas ?
Un grand sourire s'afficha sur son visage ensanglanté.
-Si vous vous rappelez du fameux jour où nous vous avons dépouillés, alors vous vous souvenez sûrement du petit jeune que votre bête sauvage a tué, ce jour-là.
-Il avait voulu me défendre... Se remémora Liëren, caché derrière Piata.
-Le manque de bol, c'est que c'était le fils de notre chef : Thorzôg, le Semi-Orc.
Piata fronça les sourcils.
-Le Semi-Orc ?
-Ça existe ?! Qu'est-ce que c'est ? Demanda le petit elfe avec effroi.
-Un être deux fois plus grand qu'un homme moyen. Décrit le mutilé. Sa peau est verdâtre sur certaines parties de son corps. Il est intelligent et sensible comme un Homme, mais également aussi fourbe et mauvais qu'un Orc. Et il vous en veut énormément pour avoir causé la mort de son fils unique.
-Nous n'en sommes pas responsable ! S'énerva Piata.
-Mais c'est votre Ouargue qui l'a tué, sans autre forme de procès. C'est votre Ouargue, donc votre faute.
Le femme releva son arbalète, et s'apprêta à presser le mécanisme. L'amputé s'esclaffa.
-Au final, Thorzôg et toi, vous êtes pareils. Ça se voit. Il a beau avoir une parenté Orc, il a tout de même une équivalence féminine n'ayant pas la moindre goutte de sang Orc.
-Je ne suis pas comme ton soi-disant chef.
-Si tu me tues, c'est pour protéger ton gamin ! Lui dit-il en jetant un regard vers l'enfant terrorisé caché derrière elle. Toutes les actions, tous les choix que tu fais, c'est pour lui. Oses le nier.
Piata se tut. Il avait raison sur ce point, mais ça ne justifiait en rien cette comparaison à ce Semi-Orc. Liëren ne devait pas se faire de mauvaises idées sur elle, à cause des dires de cet individu perfide. Elle jeta un regard à son protégé, et s'irrita à constater qu'il l'écoutait attentivement.
-Ça ne veut rien dire, répondit-elle en se retournant vers son opposant.
-Oh que si ! Chacune des décisions de notre chef Thorzôg était faite en pensant à son fils. Il était tout pour lui. Mais penses à ta propre réaction, si ce gosse venait à être tué. N'aurais-tu pas envie de venger la mort de cet enfant que tu as aimé ? De faire disparaître le tueur hors de la surface de la terre ?
-Je ne suis pas comme lui.
-Alors vas-y. Prouve le. Prouve-le en m'abattant comme un chien, sous ses yeux.
Le petit elfe se tourna vers Piata. Il tremblait de tous ses membres, et ne savais plus quoi penser.
-Liëren, ferme les yeux. Dit-elle.
Il adressa un regard à l'estropié. Ce dernier affichait toujours un sourire satisfait, en ne quittant pas des yeux sa gardienne. Il entendit alors le mécanisme de l'arbalète s'enclencher, et ferma les paupières. Un corps s'écroula. Il resta immobile, les yeux fermés, tandis qu'un flot d'émotions parcourait son corps.
Deux mains se posèrent sur ses joues, le faisant sursauter.
-C'est moi, dit-elle d'une voix rassurante.
Il enroula ses bras autour de son cou, et se blottit contre elle, sans ouvrir les yeux. Elle caressa tendrement son dos, et lui expliqua calmement :
-Tu comprends pourquoi j'ai dû faire ça ?
-Non...
-C'était nécessaire. Cet individu n'avait aucune envie que nous survivions, si lui venait à s'en sortir. C'était lui ou nous.
-Hum...
Tout à coup, Piata ouïe une voix familière au-dehors :
-Papa ? Tout se passe bien ?
Quelqu'un se rapprochait de la cabane... Elle décrocha son protégé de son étreinte, et le fixa dans les yeux.
-Liëren, j'ai besoin que tu sois courageux aujourd'hui. Le pire n'est pas encore derrière nous. Est-ce que tu me promets d'être le courageux petit elfe que tu es réellement ?
-D'accord. Je vais faire de mon mieux.
-Bien.
Elle lui saisit la main, et l'attira à droite de l'entrée. Puis, elle réarma son arbalète, la mit en joug, et patienta en silence.
La porte s'ouvrit à nouveau. L'adolescent dénommé Pesla rentra à l'intérieur.
-Papa ? Tout se passe bi... Papa ?! Pap...
Piata sortit de sa cachette, et tira. Le carreau de l'arbalète vint de planter dans la gorge du jeune homme. Il émit un son guttural, en ouvrant de grands yeux apeurés et en tendant vers eux une main suppliante, avant de s'écrouler aux pieds d'un Liëren totalement traumatisé.
L'arbalétrière se baissa sur le cadavre, et ôta son manteau en fourrure. Elle commença à le rafistoler, en raccourcissant à grands coups de machettes les manches et le bas. Puis elle s'approcha de Liëren. L'expression qu'elle lut dans son regard lui fendit le cœur. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle tendit une main vers lui, mais il s'empressa de reculer, jusqu'à se cogner contre le mur.
-Je t'en prie, mon ange... Dit-elle en lui jetant un regard suppliant. C'est la même chose que pour...
Il mordit ses doigts pour ne pas fondre en larmes, et ne la quitta pas des yeux.
-Liëren. C'est toujours moi. C'est Piata. J'ai besoin de toi, Liëren. N'oublie pas Erya...
La prononciation de ce nom fit sursauter le petit elfe.
-Elle nous attend dehors, et a peut-être besoin de nous. On doit la rejoindre. Mais pour cela, tu dois me faire confiance. J'ai un plan pour nous sortir de là.
-Mais... Ils... Nous... Retrouveront... Parvint-il à peine à articuler.
-J'ai un plan. Je compte éliminer leur chef Semi-Orc. J'ai une mission à te confier. Pour cela, j'ai besoin d'un Liëren en pleine possession de ses moyens.
L'enfant baissa les yeux. Elle prit cela comme une invitation à s'approcher. Elle vint se poster devant lui, et le guida délicatement à enfiler le manteau de fourrure. C'est à ce moment-là qu'il fondit en larmes.
Elle laissa tomber l'affaire. Peut-être lui fallait-il un petit peu de temps pour digérer ce à quoi il venait d'assister ? Elle le débarrassa du manteau de fourrure, et s'isola dans un coin de la pièce. Ce qu'elle pouvait être idiote par moment... Elle avait tendance à oublier, dernièrement, que Liëren était très jeune, et il était inacceptable qu'il assiste au genre de scène qui venait d'avoir lieu. Elle patienta de longues minutes, espérant qu'il parvienne à se remettre de ses émotions.
Une heure passa, dont la seconde moitié du temps se déroula dans un profond silence. Piata réfléchissait à la possibilité de dérober des provisions à ces malfrats au milieu de leur fuite. Cela leur permettrait d'enfin reprendre des forces, et peut-être même de passer l'hiver, avant d'arriver en Comté.
-Je suis prêt.
La femme leva la tête, et vit l'enfant, vêtu de son manteau de fourrure, qui la fixait de ses yeux encore rouges. Elle lui sourit, et se releva.
-Tu vas mieux ? Demanda-t-elle.
-Un peu. Je pense que c'est une bonne idée de tuer le Semi-Orc. Mes parents étaient parti combattre les Orcs, c'est normal qu'on fasse la même chose.
-Exactement. Mais pour notre évasion fonctionne, j'ai besoin que tu fasses quelque chose d'important pour nous sortir de là. Une fois que j'aurais éliminé le chef de ce groupe de brigands, ses compagnons risquent de tenter de me tuer. Nous risquons donc d'avoir besoin de l'aide d'Erya. Elle pourrait nous aider à éliminer certains de nos adversaires, et surtout nous transporter loin d'ici. Tu as déjà su monter sur son dos ?
-Non, mais je peux essayer.
-L'objectif principal déjà, c'est que tu la retrouves, et que tu la fasses venir jusqu'ici.
-Comment je peux la trouver ?
-Je te fais confiance là-dessus. Tu trouveras bien quelque chose.
Quelques minutes plus tard, Liëren se retrouvait dehors, dans la neige. Piata et lui était sortie par la porte désormais déverrouillée, et s'étaient séparés. Il avait contourné la cabane, et repéré la lisière des arbres à l'autre bout du camp, malgré la forte tombée de neige. Le camp était d'ailleurs constitué d'une multitude de cabanes dans le même style que celle dans laquelle ils étaient enfermés. On pouvait également trouver des tentes délabrées et des cartons remplis d'armes et d'argents. Il n'y fit pas attention, et se déplaça de cabane à cabane, en veillant toujours bien à ne pas se faire surprendre. Il passa même à côté de deux bandits.
-J'ai appris qu'on avait choppé la meuf à l'arbalète et son gamin l'elfe.
-Ceux qui ont une bête avec eux ?
-En fait, c'est un Ouargue.
-Quoi ?! C'est pas possible !
-Je te dis que c'est ça. Mais bon, là ce qui m'inquiète le plus, c'est de savoir si ça porte malheur d'avoir un elfe en captivité.
L'enfant poursuivit sa route, dans un stress permanent. La tempête de neige, qui commençait à s'installer, contribuait beaucoup à sa discrétion. Il traversa le campement sans problèmes, et parvint enfin à pénétrer à l'intérieur de la forêt. Il émit un sifflement commun pour qu'il soit confondu par un bruit de la forêt, mais suffisamment fort pour qu'il puisse être entendu par Erya si elle se trouvait dans les parages.
Il poursuivit sa recherche durant de longues minutes. L'aspect de la forêt avait bien changé en si peu de temps. Tout était recouvert d'une épaisse couche de neige, rendant sa progression lente, et aucun animal ne pointait le bout de son nez.
Ses pensées se tournèrent à nouveau vers la mort du jeune homme. Il en voulait énormément à Piata. Comment une « question de survie » pouvait-elle justifier l'assassinat d'une personne sans autre forme de procès... Peut-être trouverait-il la réponse plus tard. Peut-être que finalement, sa gardienne avait commis cet acte irréparable parce qu'ils n'avaient pas d'autres solutions pour s'en sortir ? La vie était tellement injuste...
Soudain, il repéra d'épaisses traces au sol dans la neige. Un sourire involontaire se dessina sur ses lèvres. En examinant leur apparence, il en venait à la conclusion que seule Erya pouvait laisser des traces de la sorte. Il s'apprêtait à suivre cette piste, mais tout à coup, une force lui frappa le dos de plein fouet, le faisant chuter dans la neige. Les traces de la Ouargue furent balayées.
Liëren se retourna, et vit avec surprise un homme comptant sûrement parmi la bande du Semi-Orc. Il portait un bandeau à l'œil gauche et avait des épaules bien droites. Le petit elfe tenta de prendre la poudre d'escampette, mais le malfrat le devança. Il l'agrippa au col, et le souleva au-dessus du sol. Le petit elfe se débattit comme une furie en hurlant de toute sa voix, espérant ainsi attirer Erya. Mais rien ne se produisit, et son ravisseur était en train de le ramener vers son camp. Le plan allait échouer s'il ne trouvait pas une solution rapidement. Il planta alors ses dents dans son poignet, et le mordit à sang. Le brigand poussa un profond juron, mais ne le lâcha pas. Il lui administra plutôt un violent coup de coude, qui le sonna le reste de leur traversée.
-Saloperie... Grogna-t-il enfin.
-Oh ! T'as retrouvé le gosse ! Se réjouit une voix.
-Bah ouais.
-Viens. Notre chef veut l'avoir.
-Ah bon ? Pourquoi ?
-Tu verras par toi-même !
Liëren émergea lentement, et remarqua qu'ils se trouvaient dans un genre d'ancien parc. Ce lieu avait finalement l'air d'être un village abandonné... Ils passèrent à côté de plusieurs barricades, organisées autour d'une terrasse circulaire, où en son centre se trouvaient les restes d'une fontaine. Plusieurs brigands étaient postés stratégiquement entre les barricades, un arc à la main, guettant les alentours. Mais que se passait-t-il ? C'est alors qu'il remarqua la présence de Piata au milieu de la terrasse.
Elle était assise sur ses genoux, la tête basse, les mains attachés dans le dos. Devant lui, un homme gigantesque lui parlait d'une voix emplie de haine. Sa peau plutôt sombre prenait à certains endroits une couleur verdâtre, assez semblable à la peau de l'Orc ayant agressé la mère d'Erya quelques mois plut tôt. Il portait également de longs cheveux sombres, s'envolant sous le vent de la tempête et arborait des oreilles pointues beaucoup moins harmonieuses que les siennes. C'était surtout son visage qui était anormal : il présentait une apparence déformée. Liëren n'eut aucun mal à l'apparenter au Semi-Orc mentionné précédemment par l'estropié. Le malfrat au bandeau le déposa au sol, et alors son chef se tourna vers l'enfant. Il s'approcha d'un pas hâtif, faisant trembler le petit elfe des pieds à la tête, et lui administra une raclée monumentale. Il fut balayé sur plusieurs mètres, et s'écroula aux côtés de Piata, dans un gémissement de douleurs.
-Enfoiré ! Fils de chien ! Lui cracha la femme, hors d'elle. « Thorzôg, le fléau des enfants », quel titre honorifique ! Pour vous témoigner mon respect, je vais tellement vous le faire payer, Semi-Orc de mes...
Le maître des bandits venait de dégainer une longue lame, et la porter au cou de l'enfant. Piata se tut.
-Je suis presque tenté de l'écorcher vif, sous tes yeux. Dit-il de sa voix perçante. Rien que pour que tu puisses à ton tour ressentir ce sentiment de vide, que peut provoquer la perte de son enfant.
-Piata... L'appela Liëren d'une voix effrayée.
-Tout va bien se passer, mon chéri, lui promit-elle en se retournant vers lui.
Il fut sidéré de constater que le joli visage de sa gardienne était recouvert de bleus, de plaies et d'égratignures. Du sang enduisait son front, ses joues, son menton et son nez.
Le métal froid de l'épée se retira de la peau du cou de Liëren, lui arrachant un soupir de soulagement, et le Semi-Orc ajouta :
-Mais j'ai encore besoin de vous, pour attirer cette bête qui m'a volé la vie de mon fils. Dès qu'elle pointera le bout de son nez, nous serons prêts à l'abattre.
-Vous la sous-estimez, dit faiblement Liëren en s'asseyant sur ses genoux. Elle est bien plus coriace que vous semblez le penser.
Une dizaine de seconde passèrent sous le plus grand silence, seulement comblé par le hurlement du vent déferlant à travers le camp.
-Pardon ? Tu disais quelque chose ? L'intimida Thorzôg d'une voix menaçante.
Le chef s'approcha du petit elfe, et le domina de toute sa hauteur. L'enfant respira un bon coup, et pensa à ses parents. Ils avaient affronté ce genre de créatures, et ce, jusqu'à la fin. S'ils l'avaient fait, alors lui aussi en avait la capacité. Il releva la tête, et s'obligea à fixer le Semi-Orc droit dans les yeux.
-Vous pensez me faire peur ? C'est pas une gifle qui va me tuer. Allez donc... vous faire foutre.
-Liëren, tais toi ! Ordonna Piata d'une voix autoritaire.
Le Semi-Orc tint tête à son regard, et afficha un sourire amusé. Il mit ses mains dans son dos, et s'exprima d'un ton perplexe :
-Vous n'êtes vraiment pas commun. Vous avez un Ouargue sous votre aile. Mais au-delà de ça, je fais quand même face à une femme qui aura mis à mort cinq de mes compagnons sans aucune forme de pitié. Vous êtes prêts à tous pour survivre, je comprends cela. Et le gamin, combien de personne a-t-il tué au cours de sa vie ?
-Aucune. Répondit Piata. Il n'est certainement pas comme vous le pensez.
-Pour l'instant.
Thorzôg se mit à faire les cent pas dans la neige.
-On parle actuellement d'un combat entre le Bien et le Mal en Terre du Milieu... Commença le Semi-Orc.
-Je ne vois pas le rapport. Le coupa sèchement Piata.
-Vous êtes la véritable preuve que cette barrière n'existe pas. Que cette idéologie du Bien et du Mal n'est qu'une simple illusion. Une idée mis en place par des hommes qui désirent se retrouver à l'intérieur d'une case : une case désignant les « Hommes de Bien ». Mais en réalité, les êtres de cette terre ne sont pas guidés par une idée de Bien ou Mal. Ils prennent des décisions en se basant sur leurs idéologies, leurs principes et leur instinct. Cela peut mener à des actions qui peuvent paraître cruelles, et d'autres encore qui sembleraient dénouée de sens ou inhumaines.
-Cessez de penser que vous valez autant que nous. Vous n'êtes qu'un psychopathe. Faîtes plutôt le deuil de votre enfant, plutôt que de défouler votre colère sur le mien. C'est arrivé suite à un accident, non par notre volonté. Vous avez encore la possibilité d'arrêter cette mascarade, et de ne plus agir comme un fou furieux tel que vous le faîte actuellement.
-C'est moi le fou furieux ? S'exclama-t-il en haussant la voix. C'est vous, qui depuis le départ causez la mort de tous mes compagnons ! J'en ai perdu sept, à cause de vous, et c'est moi le fou furieux ?!
-Ca ne serait jamais arrivé si vous ne nous aviez pas traqué de la sorte ! Si c'était à refaire, je tuerai à nouveau tous ces bandits, qui se sont trouvés sur mon chemin ! Le défia-t-elle. Sachez, Semi-Orc, que je serai prête à tout pour protéger Liëren !
-Prête à tout ? Vraiment ?
Il marqua une pause.
-Dans ce cas... J'imagine que vous serez prête à mourir pour lui sauver la vie.
Piata écarquilla les yeux. La lame de Thorzôg s'abattit vivement, répandant un flot de sang dans la neige. Liëren vit la tête de sa gardienne rouler devant lui. Le petit elfe poussa un hurlement déchirant, et rampa précipitamment en arrière, avant de se mettre en position fœtale, en continuant à crier.
De son côté, le malfrat au bandeau, appelé Myo, venait de vivre la scène comme un électrochoc. La mise à mort de cette femme lui avait causé un grand choc, et la détresse de son protégé provoquait une douleur en son cœur. Une marée de questionnements se bouscula dans sa tête. N'était-ce pas l'action de trop de la part de son chef ? L'objectif n'était-il pas de se servir d'eux comme appâts afin d'attirer la bête et la tuer ? Pour la première fois depuis qu'il s'était engagé sous son service, Myo doutait de la fiabilité de son chef Thorzôg. Peut-être que lui et ses amis étaient en danger, en étant ainsi sous le service d'un être aussi impitoyable.
Ce n'était même plus une possibilité. Il avait sa réponse sous ses yeux. Il releva les yeux sur le Semi-Orc, trop occupé à fixer durement le petit elfe. Lentement, il saisit sa hachette pendu à sa ceinture, et s'approcha de son chef.
-Une fois que ta bête aura été abrogée, je pense te mettre sous mon service. Annonça ce dernier à l'adresse de l'enfant.
Ces paroles finirent de convaincre Myo, et ce dernier abattit sans hésitation sa hachette dans l'arrière du crâne du Semi-Orc. Il poussa un léger gémissement, puis s'écroula durement dans la neige, qui se retourna totalement sous son poids. L'homme au bandeau posa son pied sur l'épaule de son chef, et l'utilisa comme appuie avant de retirer sa hachette. Puis il se tourna vers le dénommé Liëren : le petit elfe le fixait de ses yeux brouillés de larme. Il bougea les lèvres sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche, mais il parvint à y lire un « Aidez-moi ».
Il jeta un œil tout autour de la terrasse, pour guetter les réactions de ses frères d'armes. Ceux-ci n'avaient apparemment pas eu l'occasion d'assister à sa traitrise : des cris bestiaux venaient de retentir dans le camp, très vite suivi de hurlements de terreur. Myo rangea sa hachette et s'élança alors vers l'enfant. Il posa ses mains sous ses épaules, et l'aida à se relever. Il tenait à peine debout, et son teint était livide. L'homme se décida alors à le porter. Il le déposa sur son épaule, puis courut en direction de la route, située à deux ou trois kilomètres du camp. Il passa avec prudence entre les cabanes. Les cris de la bête semblaient provenir de partout, et Myo avait bien conscience que ses amis étaient en train de mourir les uns après les autres. Le petit bonhomme qu'il transportait avait eu raison : ils avaient sous-estimés cette créature.
Il pivota à l'angle d'une ancienne épicerie, et fit face à un de ses camarades. Ce dernier sembla très surpris de le retrouver ainsi, avec l'enfant, et la hache pendant à sa ceinture couverte de sang.
-Myo ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Le gamin était censé servir d'appât.
-Ecoute, j'ai fait ce que j'ai fait pour une bonne raison...
-Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda-t-il en plissant les yeux, méfiant.
-Je... ne crois pas que Thorzôg ait été la bonne personne désignée pour nous diriger...
-Ait été ? Non... Tu ne veux pas dire que...
Le brigand saisit une flèche dans son carquois, et la banda dans sa direction, avant de lâcher, d'un ton ahuri :
-Non... Me dis pas que t'as fait ça...
-J'ai fait mon choix, Ethenol. Laisse-moi passer maintenant. Exigea-t-il en saisissant sa hachette de sa main droite.
-Non... Tu vas rester ici ! Décida-t-il en pointant sa flèche vers lui de façon menaçante. Tu vas assumer ton action auprès de nos camarades.
-Je ne le répéterai pas deux fois, Ethenol.
-Recule !
Myo se rua vers lui Ethenol, qui lâcha la corde de son arc. Fort heureusement, la flèche n'atteignit aucun de ses organes vitaux, et vint se planter dans sa hanche. Il enfonça son arme dans la clavicule de son frère d'arme. Ethenol posa une main sur son poignet. Un frisson parcourut le corps du malfrat au bandeau, à la mort de cet être qu'il avait beaucoup apprécié au sein de cette communauté. Il vint périr à ses pieds. Myo l'enjamba, puis continua sa course. Un souffle d'espoir s'insinua en lui lorsqu'il parvint à la fin du village. Il lui restait maintenant à trouver un plan pour soigner sa cuisse, et protéger cet...
Erya avait repéré depuis plusieurs secondes cet individu, kidnappant son maître hors du camp. Elle franchit la dizaine de mètres qui les séparaient, bondit vers lui, et le fit tomber à la renverse. Elle veilla à ce que Liëren soit bien séparé de son ravisseur, puis se jeta sur ce dernier. Elle planta ses crocs dans sa gorge, et sépara sa tête du reste du corps. Puis elle se tourna vers son maître.
Son teint était aussi livide que la neige dans laquelle il était assis, les jambes tendues, le regard perdu. Elle s'approcha de lui, et vint passer des coups de langues dans son cou. Il leva lentement sa main, et lui caressa les poils entre les deux oreilles, sans pour autant lui adresser un regard. Elle se redressa alors de toute sa stature, lui saisit délicatement le haut du col, et le souleva, avant de le déposer dans son dos. L'enfant s'agrippa instinctivement à sa fourrure. Enfin, Erya prit son élan, puis courut à toute vitesse, loin de cet endroit, au milieu de la tempête de neige.
- Chapitre 6, Te voilà Erya:
La température atteignait des bas-fonds encore jamais atteints. Le paysage était constitué de vastes collines dissimulées sous plusieurs centimètres de neige. La couche immaculée projetait une lumière aveuglante, provenant du soleil. Dans la forêt, aucune forme de verdure n'était repérable à des kilomètres à la ronde, et on ne faisait que rencontrer des arbres morts, en si piteux état que l'on pouvait se demander si, un jour, ils retrouveraient leurs feuilles et leurs fruits.
Plus aucune bête sauvage ne pointait le bout de son nez. La plupart avaient péris de froid, de faim ou de maladie. Les autres passaient l'hiver, à l'abri dans leur habitat. On ne trouvait donc plus âme qui vive parmi les terres sauvages. Hormis deux êtres, marchant lentement dans la neige. Un petit elfe, et un énorme Ouargue à la fourrure rousse.
Depuis un très long mois, Liëren et Erya voyageaient, en quête d'un abri ou même d'une communauté, afin de passer l'hiver dans de meilleures conditions. Les premières semaines avaient été très difficiles pour le petit elfe, qui n'était pas parvenu à chasser de ses esprits les images dont il avait été témoin. La Ouargue avait beau lui tendre un bâton de ses crocs, ou pousser des séries de cris, il avait gardé le regard vide.
Il n'avait plus de larmes pour pleurer. Une immense sensation de vide s'était brutalement insinuée en lui, après avoir assisté à la décapitation de Piata. Le fait de perdre l'unique personne apparaissant à ses yeux comme une figure maternelle l'avait terrifié. Plus jamais il n'entendrait les conseils et les recommandations de sa gardienne. Plus jamais il ne connaîtrait ce sentiment de sécurité lorsqu'elle le prenait dans ses bras. Plus jamais il ne pourrait se reposer sur elle pour gérer tout ce qui apparaissait auparavant comme futiles à ses yeux, comme la nourriture, les vêtements et la destination à viser.
Erya tentait pourtant de subvenir à leurs apports nutritionnels, en parcourant la forêt à la recherche du moindre animal se risquant à l'extérieur. Mais systématiquement, elle faisait chou blanc, et retournait auprès de l'enfant, la tête baissée, en gémissant.
Liëren avait été tiré de sa mélancolie par la faim qui tiraillait de plus en plus violemment son estomac. Il avait à son tour tenté de prendre les choses en main, et de fouiller la neige, à la recherche de la moindre plante comestible dont Piata lui avait parlé auparavant. Mais mis à part quelques racines à peine goûteuses, cela apparaissait à ses yeux comme n'étant qu'une perte de temps, et d'énergie.
Ils ne durent leur salut qu'à la découverte d'un cabanon abandonné, dont le toit était à moitié écroulé. A première vue, l'intérieur leur avait semblé vide, mais Erya s'était tout à coup mise à gratter le plancher, et en soulevant une des planches, Liëren avait découvert un sac, rempli de quelques biscuits, de morceaux de viande séchées, ainsi que d'une gourde et d'un petit couteau. Peu importe qui avait pu laisser ce sac et pourquoi, il remercia de tout son coeur le ciel de l'avoir trouvé.
Et c'est grâce à cette trouvaille que tous deux avaient pu survivre à ce mois d'hiver. Un humain n'en aurait peut-être pas eu la capacité, mais la constitution du petit elfe comme celle du Ouargue leur offrait une résistance suffisante à la faim. Mais celle-ci atteignait à nouveau ses limites.
-Reste à côté de moi, réclama Liëren, en voyant son animal s'écarter progressivement, en prenant de l'avance sur lui.
Tandis qu'ils progressaient dans une descente, avec de la neige jusqu'aux genoux, la Ouargue s'élança jusqu'au bout de l'inclinaison. Avec étonnement, l'enfant la vit se jeter au sol, et se rouler dans la neige. Il vint la rejoindre au pas de course, et s'amusa devant ce spectacle inattendu.
-Mais enfin, qu'est-ce qu'il te prend ? S'exclama Liëren en affichant un sourire.
Erya roula plusieurs fois sur elle-même, avant de bondir sur son maître. Il poussa un cri de surprise en chutant dans la neige, et rit aux éclats sous les coups de langue répétés de la bête.
-Ahahah ! Arrête ! Arrête Erya ! Ahah ! T'es bizarre hein ! Ahahah ! Pourquoi t'es comme ça ? Arrêêête !
Au bout d'une minute éprouvante, la Ouargue calma ce jeu, puis se redressa ses pattes. Elle secoua sa fourrure, expulsant dans toutes les directions des flocons, arrachant un dernier gloussement au petit elfe. Elle tourna alors le regard dans sa direction, et éprouva une satisfaction à retrouver dans ses yeux verts ce pétillement de joie, qui avait disparu suite à la perte de l'humaine.
Le reste de la journée, ils progressèrent encore quelques kilomètres, avant de s'arrêter dans la clairière d'un bois. L'enfant et l'animal se blottirent, fournissant l'un à l'autre une chaleur suffisante pour affronter le froid de la nuit. Liëren fouilla à l'intérieur de son sac, et en sortit son dernier biscuit et le dernier morceau de viande séchée.
-Voilà... Le moment tant redouté. Lâcha-t-il d'une voix faible.
Il tendit sa paume vers la Ouargue, et celle-ci avala en une bouchée la viande proposée. Puis elle renifla la main de son maître, cherchant d'autres morceaux de viandes pour se rassasier.
-Désolé. C'est tout ce qu'il restait... Souffla-t-il.
Il croqua dans son propre biscuit, en levant les yeux au ciel dégagé ce soir-là. Il examina les étoiles, et repéra très vite celle qui indiquait le Nord. Il pointa alors une direction, et indiqua d'un ton encourageant :
-L'Ouest, c'est par ici. On a continué à suivre la bonne direction, même avec les quelques nuits passées sans voir les étoiles. On est certainement proches de la Comté. Enfin, j'espère...
Erya s'étendit le long de son corps, et posa sa tête sur ses pattes croisées. Elle ne faisait pas vraiment attention aux paroles du garçon, mais ce dernier n'en avait pas grand-chose à faire. Il continua à expliquer avec fierté :
-Tu vois toutes ces lumières dans le ciel ? Je t'avais déjà dit qu'on appelait ça des étoiles. Piata m'a dit qu'elles ont été mises dans le ciel par une dame, il y a très très longtemps. Elle s'appelait Varda, et apparemment, elle était très belle.
La Ouargue avait dressé les oreilles à la prononciation du nom Piata. Durant de longues minutes, l'enfant décrivit cette dame dénommée Varda, selon les dires de sa maîtresse, jusqu'à ce qu'Erya finisse par s'endormir.
-Elle m'a aussi dit que cette dame veillait sur les gens. Ajouta Liëren. Si ça se trouve, c'est elle qui t'a mis sur mon chemin ! Tu prends soin de moi depuis qu'on se connaît, même si parfois tu ne prends pas les bonnes décisions, tu le fais toujours pour moi. Tu ressembles à Piata, à ta manière.
Liëren posa une main entre ses deux oreilles. L'animal s'était endormi. Il sourit, et resta un moment silencieux, à admirer son amie.
-Je suis heureux que tu sois là. Conclut-il, avant de se blottir contre elle, et de plonger à son tour dans un sommeil réparateur.
En cet instant, le futur se présentait à lui comme empli d'espérances : leur arrivée en Comté était censée arriver dans les jours qui viennent, et la bonté des Semi-Hommes de cette contrée pourraient leur apporter le confort dont il rêvait depuis si longtemps. Les épreuves les plus terribles étaient forcément derrière eux.
Une vive douleur le réveilla au milieu de la matinée. Le petit elfe porta sa main à sa tête, quand un autre coup vint lui percuter l'épaule. Il releva la tête : une violente grêle s'abattait dans la forêt. Erya se redressa, jetant partout autour d'elle des regards craintifs, ne comprenant pas ce phénomène qui n'était encore jamais survenu dans sa vie. Un autre grêlon percuta le poignet de Liëren.
-Il ne faut pas rester ici ! S'écria-t-il, avant de grimper sur le dos de sa Ouargue. Allez ! Vite !
La bête prit de l'élan, puis partit à toute vitesse en direction des collines. La sortie du bois leur causa un grand choc : les grêlons tombaient en plus grande quantité. Leur traversée fut éprouvante, et durant une heure très longue, ils parcoururent ainsi les terres à toute vitesse, frappés de toutes parts des grêlons de taille démesurées. Lorsqu'enfin le temps se calma, Liëren comprenait que cet imprévu avait sûrement retardé leur voyage d'au moins une journé. Ils s'écroulèrent dans la neige, meurtris et épuisés. Erya eut beaucoup de mal à reprendre sa respiration. Liëren constata que sa peau était couverte de bleus.
C'est dans cet étar lamentable et sans vivres que les deux amis poursuivirent leur route dans l'après-midi.
-On risque de mourir de faim si on prend trop de repos... Raisonna Liëren en réponse des cris plaintifs de sa bête.
Cinq jours de marche eurent raison des dernières forces d'Erya. Un soir de claire lune, la Ouargue laissa tomber les armes, et s'étala brutalement dans la neige. Liëren se précipita vers elle, et posa ses mains sur sa tête massive, en vérifiant que ses yeux étaient toujours ouverts.
-Erya ! Erya, qu'est-ce qu'il se passe !
Il se rendit compte que le souffle de l'animal était faible. Le cœur battant, la panique assaillait ses pensées à l'idée de perdre Erya. Cette dernière se contenta alors de fermer les yeux, et d'enfin se reposer. L'enfant finit par comprendre, et opina sans hésiter.
- Repose-toi tant que tu peux. Nous reprendrons la route quand t'auras suffisamment de forces. Je voudrais pas te perdre parce que je t'en demande trop... Je suis désolé.
Tandis que la Ouargue reprenait ses forces, Liëren jugea qu'il pouvait se rendre utile en attendant, en repérant le terrain. Il réajusta son sac sur son épaule, et poursuivit sa route vers l'Ouest. Il traversa une clairière, grimpa un escarpement, et soudain, tomba à genoux devant ce à quoi il faisait face. Il constatait avec horreur qu'une falaise, haute de plusieurs dizaines de mètres, leur barrait la route, et se prolongeait au Nord comme au Sud jusqu'à perte de vue. Cette barrière naturelle leur obligeait de faire un détour de plusieurs jours afin de poursuivre leur voyage vers l'Ouest, ce qui n'était absoluemenr pas réjouissant. Ils étaient fatigués et affamés, et chaque minute qui passait diminuait leur énergie.
Le moral miné, il se releva, et retourna sur ses pas, la tête baissée. Il fut surpris de remarquer sur son chemin Erya, qui allait à sa rencontre, encore faible. Il trottina jusqu'à arriver à sa hauteur, et émit une pression sur son dos pour l'obliger à s'allonger, en la rouspétant :
-Ma belle, je t'ai dit que tu pouvais te reposer ! N'aggrave pas ton état de la sorte ! Tu croyais pas que j'allais te laisser là quand même !
La bête insista, et tenta de se redresser sur ses pattes vacillantes.
-Non... Non je t'ai d... Erya ! Mais enfin ! Repose-toi ! Qu'est-ce que tu essaies de prouver ? On n'ira pas loin si tu vas au-delà de tes limites comme ça !
Elle ne semblait rien vouloir entendre, et continuait de résister à son maître.
-Tu vas pas lâcher l'affaire, hein ?!
Il soupira longuement, puis, après un temps de réflexion, lui raconta, d'une voix hésitante :
-Quand j'étais plus petit, Piata me chantait une berceuse quand je voulais pas dormir. Ça marchait à chaque fois... Je ne sais pas si ça peut marcher sur toi, mais... Peut-être que ça vaut le coup d'essayer.
Il s'assit dans la neige, et, tout lui prodiguant de tendres caresses, chanta doucement la berceuse de son enfance.
Fils de cœur, fils de cœur, Ne résiste pas. Silence, c'est l'heure. Ecoute ma voix.
Fils des bois, fils des bois, Suis mon conseil. Allonge-toi, Tu as sommeil.
Fils des anges, fils des anges, Ferme tes yeux. Rien ne dérange, Dormir, tu le peux.
Fils de cœur, fils de cœur, Je vais rester. Si cette nuit, tu pleurs, Je viendrai te consoler.
Fils d'amour, fils d'amour, Même si je meurs, Je t'aimerai toujours, Et serai dans ton cœur.
Erya s'était endormie. Liëren se tut, et posa sa main droite sur sa poitrine, l'air pensif. Tout en se remémorant la voix de Piata lui chantant cette berceuse, il songea à cette sensation de vide qui s'était installé dans en lui après sa décès.
-Je n'ai vraiment pas l'impression que tu sois dans mon cœur, murmura Liëren pour lui-même.
Il baissa la tête, et fixa ses petits pieds. Il resta dans cette position durant un très long moment. Le bout de ses doigts et de ses orteils commençaient lentement à geler, et son nez n'avait jamais atteint une couleur aussi rosée. Les larmes sur le coin de ses yeux avaient fini par être refroidies.
La Ouargue se réveilla le lendemain, aux premières lueurs de l'aurore. Elle découvrit à ses côtés un petit elfe à moitié mort de froid. Elle s'empressa de se remettre debout, et de sentir son corps pour vérifier son état. Il ouvrit légèrement les yeux, et leva avec difficulté sa main pour caresser sa joue. Erya lécha le bout de ses doigts pour les réchauffer, et donna des coups de langues sur son visage afin de le réveiller totalement.
Au bout de plusieurs minutes d'efforts, Liëren s'était levé, et avait suffisamment remué ses membres pour chasser le froid de ses membres. Ils poursuivirent ensuite leur voyage, par un détour vers le Nord en longeant la muraille. Comme l'avait tant regretté l'enfant, la faim vint très vite les rattraper. Leurs déplacements furent de moins en moins rapides. La fatigue s'ajouta à l'épreuve. Plusieurs fois, il s'était surpris à penser qu'il serait plus simple de prendre une journée de repos, pour voyager avec un peu plus d'entrain le lendemain. Mais il était nécessaire de rester constamment en mouvement avec la température actuelle.
Durant deux semaines et demie, Liëren et Erya n'avalèrent pas la moindre nourriture. Sur leur route, ils étaient tombés sur une rivière, avec laquelle Liëren avait rempli sa gourde. Pleine d'espoir, la Ouargue continuait de partir à la chasse, mais revenait systématiquement bredouille. Cela faisait un jour et demi qu'ils venaient de terminer leur boisson. Le petit elfe ne cessait de tomber au sol, et en était réduit à ramper dans la neige pour continuer à avancer, tandis que sa bête ne parvenait plus à marcher droit, et sa respiration avait diminuée.
Tout à coup, de ses yeux d'elfe, l'enfant repéra au loin une boule de poils immobile. Sous l'adrénaline, il se releva, et courut vers cette chance placée sur son chemin. En s'approchant, il vit plus précisément quel était cet animal : il s'agissait d'un blaireau, mort de froid. Il posa une main sur son flanc : il dégageait encore une faible tiédeur, il était donc mort il y a peu. Sans hésiter, Liëren sortit son couteau de son sac. Il n'avait jamais mangé de viande, mais la question ne se posait même plus en cet instant. Ses parents étaient morts pour lui. Piata était morte pour lui. Il était importait qu'ils n'aient pas donné leur vie pour rien.
Il ouvrit le ventre de la bête, et plongea sa main dans ses entrailles. Il saisit au hasard ce qui se trouvait à l'intérieur, et le porta à sa bouche. Une profonde nausée lui vint, mais il s'obligea à garder la bouche fermée pour ne pas recracher le contenu de sa bouche. Des larmes coulèrent sur ses joues. Il vit alors Erya s'approcher avec intérêt, et s'occupa alors de retirer la moitié des entrailles du blaireau, pour le poser à ses côtés, à disposition de la Ouargue.
Une fois parvenu à avaler tout ce qu'il y avait dans sa bouche, Liëren refit l'expérience, cette fois avec moins de difficulté. Puis il vint étancher sa soif, en portant ses lèvres dans le sang coulant hors du corps de l'animal. Le goût était horrible, mais si c'était la seule solution pour passer cet hiver, il n'avait pas le choix.
Erya vint sentir la viande ne lui étant pas réservée, puis commença à mordre dedans. Liëren la poussa, en s'exclamant avec irritation :
-Hey ! T'as eu ta part, ne pique pas dans mon assiette !
L'animal l'ignora totalement, et poursuivit son vol. Le petit elfe fut obligé d'insister, et la poussa plus fortement, avant de se tenir devant le cadavre du blaireau pour l'empêcher de passer.
La Ouargue poussa un grondement menaçant, mais l'enfant ne cilla pas.
-J'ai besoin de manger moi aussi, tu comprends ?
Tout à coup, la bête sauta sur maître, et planta ses crocs dans son poignet gauche. Liëren tomba à la renverse, et poussa un cri de douleur déchirant. Il donna des coups au visage de l'animal, en la voyant insister durant de longues et éprouvantes secondes. De profondes plaies étaient en train de se marquer sur son avant-bras, et du sang coulait à profusion jusqu'à son épaule.
-Lâche-moi !! Hurla-t-il.
Les violents coups de pieds et les plaintes de l'enfant n'avaient pas raison de l'accès de rage de la bête. La douleur était insupportable, et s'accentuait au fur et à mesure qu'Erya enfonçait toujours plus profondément ses crocs dans son membre. Liëren finit alors par saisir le couteau, qu'il avait laissé tomber dans la neige, de sa main droite, et frappa sa bête avec. La lame passa par-dessus son œil droit, provoquant une plaie, qui lui laisserait certainement une cicatrice. Sous l'attaque, la Ouargue lâcha enfin le poignet de son maître, et recula sur plusieurs mètres, la tête baissée, en poussant des plaintes sourdes.
Le petit elfe leva sur elle un regard empli d'incompréhension, en gardant son avant-bras gauche contre sa poitrine.
-Qu'est-ce qu'il t'a pris ?! S'écria l'enfant.
Erya se semblait plus savoir où se mettre. Elle faisait les cent pas, et ne cessait de lâcher des cris plaintifs. Liëren poussa un profond soupir, et conserva dans sa main droite son couteau. Il releva son poignet devant ses yeux, et frémit en constatant la gravité de la blessure que venait de lui laisser la bête. La douleur en était telle qu'il devait se mordre les lèvres pour ne pas hurler de douleur.
N'ayant pas de bandage ou même de tissu à disposition, il entreprit de découper le bout de la manche droite de son manteau à fourrure. Malgré les modifications faîtes par Piata, le manteau était encore suffisamment grand pour qu'il puisse découper les manches sans pour autant dévoiler ses bras au froid.
Sa vue commença à se troubler. Puis il vit la Ouargue s'approcher doucement, et brandit instinctivement le couteau vers elle, en tremblant. Elle se stoppa pendant une seconde, puis passa à côté de la lame, et approcha doucement son museau de la blessure, avant de donner des coups de langue dessus. Malgré les bonnes intentions de l'animal, cela ne fit que piquer douloureusement le poignet de l'enfant, qui ne put s'empêcher de crier. Erya ouvrit de grands yeux, et s'arrêta. Au moins cette intervention l'avait sortie de son début de torpeur.
-Arrête... Ça fait mal... Sanglota le petit elfe.
Il poursuivit son travail sous le regard inquiet de l'animal. Erya ne savait pas pourquoi elle avait réagi de la sorte... La faim l'avait poussé à s'en prendre à ce petit être, à tel point qu'il en était désormais salement amoché. S'il ne lui avait pas donné ce coup avec l'objet tranchant, peut-être aurait-elle été capable de le tuer...
Liëren entreposa de la neige dans la paume de sa main droite, et s'en servit pour nettoyer le sang ayant coulé le long de son bras. La tâche se révéla être plus délicate lorsqu'il passa la neige sur sa plaie. La brûlure fut cuisante. Il poussa un long soupir de soulagement lorsque la besogne fut terminée, mais il ne perdit pas plus de temps. Du sang continuait de couler par cette profonde morsure dévoilée à l'air libre. Il enroula le morceau de manteau autour de son poignet, et parvint à le maintenir en le fixant à l'aide d'une pince qui lui venait de sa maîtresse.
Il leva ensuite les yeux sur la bête, qui ne l'avait pas quitté du regard.
-J'ai promis à Piata que... si la moindre chose tournait mal, je me débarrasserai de toi.
Erya pencha la tête sur le côté.
-Je l'ai promis sur mes parents. Soupira-t-il. Mais... Je pense qu'ils comprendront ma décision. C'est sûrement pas en me séparant de toi que je vais passer l'hiver. Mais je vais garder mon couteau à portée de main, et on ferait bien de garder nos distances pendant un petit moment.
L'animal ne cilla pas, et resta attentif. L'enfant se pencha sur les restes du blaireau répandus dans la neige. Il les porta à sa bouche, et les avala jusqu'à ce qu'il ne reste plus la moindre portion de chair. Erya resta immobile, et le surveilla durant tout son repas. Puis il se releva tant bien que mal, et marcha lentement en direction du Nord. Au bout d'une vingtaine d'une seconde, il s'arrêta, et jeta un regard en arrière. La Ouargue n'avait pas bougé, et était resté assise, à le fixer s'éloigner.
-Viens ! Allez ! Lança-t-il en lui adressant un signe de la main droite.
Tous deux poursuivirent leur voyage, sur à peine une journée, avant que Liëren ne ressente des premières faiblesses provoquées par la blessure. Il avait déjà changé quatre fois ses bandages, tant le sang de sa plaie coulait en abondance, et désormais, son manteau était dépourvu de manches. Il éprouvait quelques vertiges, des maux de têtes, et malgré sa décision de garder ses distances avec Erya, il fut bien obligé de prendre appuie sur elle pour continuer à marcher à une vitesse raisonnable.
Pour la nuit, la Ouargue parvint à trouver une grotte dans la falaise, dans laquelle ils s'installèrent. L'enfant se blotti contre une des parois de leur abris, et grelottait de tout son corps. Il transpirait de partout, et était plus pâle qu'il ne l'était auparavant. Il déroula son bandage de fortune, et fit la grimace en voyant l'allure qu'avait prise sa blessure. Il n'y avait pas de doute, elle était infectée, et ce malgré tous les soins qu'il y avait apporté.
Erya s'approcha de lui, et poussa un petit cri à son attention.
-Ça ne va pas vraiment... Murmura Liëren. Je ne me sens pas très bien... Et j'ai froid...
Elle s'avança, et vint s'asseoir à ses côtés en se blottissant contre son corps, lui apportant une agréable chaleur.
-Merci... Dit-il en esquissant un léger sourire.
Il essuya du revers de la main une larme en reniflant. Erya releva la tête.
-... J'ai juste...
Il déglutit, et ferma les yeux en pinçant ses lèvres.
-Je veux pas mourir...
Elle posa sa tête sur ses genoux. Il tenta de contenir ses larmes, mais finit par exploser en sanglots. Il cacha son visage derrière une main maintenant son front.
-Je veux pas mourir...
Très vite, la fatigue vint l'emporter sur la tristesse et la peur de l'enfant. Il finit par s'endormir, les bras enroulés autour du cou de la Ouargue. Une fois sûre que son maître soit endormi, Erya ferma à son tour les yeux, et plongea dans un sommeil réparateur.
Le lendemain, lorsqu'elle s'éveilla, force fut de constater que l'état de Liëren ne s'était guère amélioré, si ce n'est empiré. Elle lui passa de légers coups de langue dans le cou. Il s'éveilla en gémissant.
-J'ai mal partout... Déclara-t-il d'une voix faible.
Il tenta de se relever, mais une douleur cuisante au bras gauche l'en empêcha. Il déroula le morceau de fourrure, et afficha une mine découragée en voyant que l'apparence de la blessure avait encore empirée.
Erya posa ses deux pattes sur le buste du petit elfe, en poussant des jappements plaintifs. Il essaya à nouveau de se mettre debout, mais elle le repoussa.
-Tu veux que je reste ? Mais on doit continuer la route...
Les râles de la bête redoublèrent d'ardeur.
-Ecoute Erya, on peut pas rester là. On doit trouver une ville, ou des gens... Sinon on mourra de faim. Laisse-moi me relever maintenant, on reprend la route.
A contrecœur, l'animal s'écarta, et laissa à son maître le temps de se lever. Il saisit son sac, fit mine de paraître en bon état sous les yeux de sa Ouargue, puis tous deux sortirent de la grotte.
Durant la matinée qui suivit, Liëren peinait terriblement à avancer. Ses membres avaient beaucoup de mal à suivre sa volonté de fer, son poignet le faisait extrêmement souffrir, il tremblait comme une feuille, et son regard vide ne laissait rien présager de bon quant à la suite du voyage. Ils n'avaient pas fait un kilomètre que l'enfant tomba dans la neige pour la énième fois. Mais là, il ne se releva pas. Erya se précipita vers lui, en poussant des cris de détresse, et le renifla. Durant une minute entière, elle chercha le moindre indice témoignant de la survie de son maître. Finalement, elle se décida saisir le col de son manteau entre ses crocs, puis elle s'élança en direction de la grotte.
En une demi-heure, elle y était parvenue. Elle déposa délicatement le petit sur le sol rocailleux, et témoigna tout à coup sa joie à grands cris lorsque celui-ci battit des cils. Mais elle déchanta très vite devant la quinte de toux qu'il secoua l'instant d'après.
Le soir-même, l'animal était toujours aux côtés de Liëren, qui luttait pour rester en vie. Il était pâle comme la mort, et sa respiration était saccadée. Lorsqu'il finit par s'endormir, Erya se décida à aller lui chercher à manger. Elle sortit de la grotte, et traqua le moindre gibier dans la forêt durant une heure. Finalement, n'aillant rien trouvé comme à chaque tentative, elle se décida à retourner veiller sur son maître.
Près d'ici, à une quelques centaines de mètres se trouvaient des prédateurs affamés. Depuis le début de ce rude hiver, la meute de loups qu'ils constituaient auparavant s'était amenuisée au fur et à mesure que le froid s'étalait sur les terres, par manque de nourriture. C'était à tel point que les plus faibles étaient dévorés par le reste de la meute. Désormais, il ne restait plus que trois canidés, malades, le ventre vide, et traquant enfin leur première proie depuis plus d'un mois.
L'odeur du sang n'avait pas eu beaucoup de difficulté à parvenir jusqu'à leur naseaux. Il n'avait eu qu'à suivre la piste du sang jusqu'à voir entrer dans cette grotte un humain, accompagné d'une autre bête. Là, ils n'avaient eu qu'à attendre le départ de la bête pour s'attaquer à l'enfant. La créature était partie depuis déjà très longtemps, ainsi les loups se décidèrent finalement à rentrer à l'intérieur de la grotte. Ils sortirent de leur cachette, et s'avancèrent silencieusement vers l'ouverture de la grotte.
Erya les repéra juste à temps. Elle poussa un hurlement de colère, avant de foncer dans leur direction.
Le premier loup n'eut pas le temps de réagir. Il fut bousculé puis plaqué au sol, avant de se faire trancher le cou par des griffes acérées. Erya distingua alors les yeux jaunis de l'animal, et se demanda alors si cette bête n'était pas du tout comestible. Les deux survivants adoptèrent une posture défensive, et, tout en montrant les crocs, tournèrent autour de la Ouargue.
Erya poussait des cris menaçants, mais ces derniers ne pouvaient impressionner le reste d'une meute affamée. Elle fut surprise par le bond d'un des loups, qui lui sauta à la gorge. Ses crocs se refermèrent dans le vide. La Ouargue était parvenue à faire un pas de côté au bon moment. Elle vit le loup tomber lourdement au sol. Puis, elle le maintint ainsi en posant brutalement sa patte sur son cou, avant de l'achever à coup de crocs. Enfin, elle releva la tête, et remarqua avec horreur que le dernier loup avait profité de sa déconcentration pour se faufiler à l'intérieur de la grotte. Elle s'engagea à l'intérieur à une vitesse folle, et repéra le prédateur qui s'avançait silencieusement vers son maître endormi. Elle planta ses crocs dans sa queue, et par une force démesurée la projeta contre une paroi de la grotte. Le loup poussa des cris plaintifs, avant de se prendre un coup de griffe sur le museau. Il ne lui fallut pas une menace de plus pour se décider à fuir cet endroit. Tout en continuant à hurler, le canidé se précipita vers la sortie, et ne revint pas.
Tout en reprenant son souffle, Erya se rapprocha de Liëren, et guetta son état. Il n'était plus le petit enfant joyeux qui aimait sourire et sautiller dans les bois. Désormais, c'était un être affaibli, qui avait vécu beaucoup trop d'horreurs pour son âge et dont il ne restait plus beaucoup de temps.
Il leva sa main, et vint caresser le poil entre ses deux oreilles.
-Je t'aime, Erya... Murmura-t-il.
L'animal s'allongea à ses côtés, et vint passer sa tête par-dessus son épaule. Liëren comprit où elle voulait en venir, et enroula ses bras autour de son cou. Il se blottit contre sa sublime fourrure rousse, et demanda :
-Tu crois que mes parents seraient fiers de moi ? Tant d'elfes vivent plusieurs millénaires... Moi je n'aurais atteint que dix ans.
Il baissa les yeux.
-Ils sont forcément fiers de moi... Ce sont mes parents.
Il se desserra de son étreinte, et posa ses mains sur les joues de sa bête, en la fixant dans les yeux.
-Tant que tu vivras, alors tout ira bien. J'ai réussi au cours de ma vie à faire de toi quelqu'un de bien. Et pour moi, c'est tout ce qui importe.
Sa voix baissait de volume au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche.
-Tu sais que ce signifie Erya, en elfique ? Ça veut dire « seule », « unique ». Te voilà Erya, dorénavant. Tu n'auras plus besoin de veiller sur moi. Je sais que tu pourras prendre soin de toi. Tu l'as déjà fait.
La Ouargue poussa des gémissements plaintifs, s'apparentant à des pleurs. Lentement, l'enfant vint s'allonger, puis adressa une tendre caresse au museau de la bête. Il porta ensuite ses mains à son cou, et détacha un pendentif représentant une feuille, pendant au bout d'une cordelette. Il alla l'attacher autour du cou de l'animal. La cordelette était serrée contre sa fourrure, lui permettant de rester en place.
-C'était à mon père. Piata me l'a donnée. Si tu le portes, tu pourras te souvenir de moi.
Erya tenta de voir quelle était cette étrangeté placée ainsi autour de son cou, qui la gênait énormément. Elle tenta d'y donner des coups de pattes pour la retirer. Liëren afficha un léger sourire.
-Après tout, peut-être que Piata avait raison. Tu es... une bête sauvage. Ta place... est normalement... parmi la nature. Mais... Je t'en voudrais... vraiment pas... si tu te faisais... une place... parmi... les humains. Fais... ce que... tu veux... Mais... prends... soin... De toi.
Liëren ferma les yeux. Erya baissa la tête, et renifla le petit être aux oreilles pointues. Il ne bougeait plus, ne respirait plus. Il demeurait seulement dans la même position, l'air calme et tranquille.
Elle demeura alors assise la soirée entière, immobile, fixant son maître, dans l'attente qu'il se réveille. Mais la compréhension et surtout la résignation s'insinua peu à peu dans l'esprit de la Ouargue. Lorsque la lune fut haute dans le ciel, Erya se redressa enfin, et commença à se nourrir de la chair de son maître. Pour finir l'hiver, elle n'avait aucun autre choix, car les cadavres de loups au dehors semblaient avoir été contaminés par quelque chose de mauvais. Le goût de la viande dans sa gueule fut amer, presque insupportable. Durant son repas, elle ne cessa de pousser des gémissements et plaintes. Et lorsqu'il ne resta plus que les vêtements et les os sur le sol, elle se dirigea vers la sortie.
Une fois sortie, elle s'assit sur ses pattes arrière, puis leva le museau vers le ciel, et enfin, hurla à la mort.
Un mois plus tard, alors que l'hiver commençait à laisser sa place au printemps, Erya sillonnait la route du Chemin Vert, qu'elle avait déjà pu arpenter avec ses anciens maîtres. Elle se déplaçait lentement, la tête basse. Lorsqu'elle releva les yeux, elle vit tout à coup deux formes humaines au loin, sur le même chemin. L'une était plus petite que l'autre. Cette image lui rappela l'humaine et son maître. Prise d'une nouvelle énergie, elle s'élança alors sur la route, dans leur direction. Lorsqu'ils ne furent séparés que d'une centaine de mètres, elle déchanta très vite. Elle faisait face à un homme, pointant dans sa direction une arme de grosse fabrication, s'apparentant presque à une grosse hache. Et à ses côtés se tenait un autre homme, étrangement petit, arborant une longue barbe noire touffue. Ce dernier pointait vers elle une arme très semblable à celle qu'utilisait l'humaine auparavant.
La bête grogna à leur attention, et dévoila ses crocs.
-Qu'est-ce que t'attends, tire ! S'exclama l'homme à l'attention du Nain.
-Je sais pas... C'est bizarre. D'habitude, les Ouargues sont en meutes, ou alors ils sont montés par ces saloperies d'Orcs. Là il est tout seul, et il ne nous attaque même pas. Je sais pas si t'as déjà eu l'occasion d'affronter ce genre de bête, mais normalement, ça te saute dessus sans autre forme de procès.
-On s'en fiche de ça ! Compte pas sur moi pour le gérer à l'hallebarde !
-Hey... T'as vu ça ? Regarde autour de son cou...
-Quoi ?
L'homme marqua un temps de réflexion en étudiant de loin le pendentif, avant de s'écrier d'un coup :
-Nom d'un Hobbit, mais c'est la Feuille de la Lorien !
- Les Ouargues, ça n'aime pas les elfes, c'est comme ça... Réfléchit le Nain. Et pourtant...
-Ça vient peut-être d'un sylvain qu'il aurait tué ?
-Oui, bien sûr. Ce genre de créature, ça sait mettre des colliers autour de son cou, c'est bien connu.
-Je vois pas quoi te dire...
-Attend... Je vais tester un truc.
Le barbu posa lentement l'arbalète à ses pieds. Erya ne le quitta pas des yeux, et continua de gronder malgré son geste pacifique. Puis, il s'approcha, lentement, très lentement, sa main gantelée tendu vers elle.
-Mais enfin, Sky, qu'est-ce que tu fais ?! S'énerva l'homme.
-T'occupe.
Le bête recula de quelques pas, et poussa quelques cris de menace à l'approche du petit individu. Il ne broncha pas pour autant, ce qui fut d'une étrangeté déstabilisante. Jamais aucun humain n'avait réagi de la sorte à son égard, et elle ne voyait pas comment réagir face à ce genre de situation. Elle eut finalement un déclic, lorsque le nain posa une main rassurante sur le haut de sa tête, entre ses deux oreilles. Ce geste correspondait véritablement à la caresse que son maître avait l'habitude de faire par le passé. Elle ne tenta pas de le morde, mais resta immobile. Un grand sourire se dessina sur le visage joufflu du petit homme. Il fléchit lentement sur ses genoux, et la fixa dans les yeux, en lui administrant une légère caresse.
-Je crois qu'on a beaucoup à apprendre l'un de l'autre. Déclara-t-il.
Etendu sur le sable fin, Liëren s'éveilla lentement. Il leva doucement la tête, et découvrit une immense plage ensoleillée. Un calme plat était présent en ce lieu, et seul le bruit des vagues, venant caresser doucement le rivage, était perceptible. Il tourna la tête vers l'océan.
Rien n'était visible à l'horizon. Pas une île, ni même un morceau de continent. Mais que faisait-il donc là, et comment avait-il atterri ici ? Il jeta un regard en arrière, et découvrit une forêt dense, silencieuse et à l'allure magnifique. Tout semblait irréel ici, comme sorti d'un rêve. Il tâta son visage, comme pour vérifier que lui-même était réel.
Yeux, bouche, nez, oreilles. Tout était là. Il se pinça, et la douleur lui confirma que tout ceci n'était pas le fruit de son imagination. Il sentit soudainement une présence à sa gauche. Une silhouette se tenait debout, pieds nus, à ses côtés. Il releva la tête.
Aveuglé par le soleil présent juste au-dessus de cette femme, il ne put distinguer avec précision ses traits. Il ne parvint qu'à voir deux oreilles pointues, et un grand sourire sur les lèvres de l'inconnue.
-Je suis fier de toi, mon petit amour.FIN
Dernière édition par Yannou le Sam 2 Avr - 12:57, édité 1 fois |
| | | Démon/Démone de l'Obscurité Messages : 2575
| Sujet: Re: Biographie d'Erya : Un monde impitoyable Mer 2 Mar - 15:07 | |
| Et voilà l'histoire est complète Donc pour résumer, je dirais que ça raconte l'histoire d'un enfant elfe et de son nouvel ami poilu. Cette histoire me sert en quelques sortes de bio pour la création de mon Ouargue, mais bon... Y'a quasiment aucun lien. Autre nouvelle, cette histoire, je l'ai également posté sur un site de fanfiction : Wattpad. C'est la première fois que je fais ça hors-forum ^^ Si vous êtes sur ce site, vous me retrouverez sur le pseudo : Yannou60. Voilààà, la pub est faîte x) ! |
| | | | Sujet: Re: Biographie d'Erya : Un monde impitoyable | |
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